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Lettre a un frère : Régionalisation et régionalisme !

Publié le samedi 28 janvier 2006 à 09h47min

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Assalam Aléikoum à toi mon frère. J’espère que ça se passe bien pour toi et que le froid ne te tenaille pas trop car de retour de mon hadj, je puis te dire que je suis donc devenu un ladji, et il faudra en informer tout le village. Je ne te demande pas de les convier à la petite fête que je compte organiser pour saluer ceux qui m’ont soutenu, sinon je ne suis pas certain de supporter les factures avant, pendant et après cela.

En tous les cas, je vais bien et j’espère que la volonté de servir ne t’a pas versé dans cette affaire d’autochtonie comme critère pour être éligible au niveau communal qui est le sujet à la mode actuellement ! Parce que si tu es dans ces considérations, il faudra que tu commences à chercher une autre terre pour cultiver la saison prochaine, car l’histoire ne raconte pas que le Nayala vous ait toujours appartenu. Dans le même sens, les Mossis ne devraient-ils pas revoir du côté du Tchad pour se présenter sur les listes, puisqu’il semble qu’ils soient issus de cette partie de l’Afrique ?

A moins qu’on ne retourne tous au ciel (tout le monde y est autochtone), y poser nos candidatures, s’y faire élire et revenir vivre ensemble sur terre ! Comme tout cela est long et périlleux, jouons balle à terre, comme dirait l’autre pour construire le Faso.

Au-delà du caractère rebutant de telles approches, il faut essayer d’en comprendre les motivations. Tout nouveau ladji que je suis, déconnecté des réalités du terrain pendant mon hadj, il n’est pas évident que je saisisse bien le fond de cette affaire, mais j’essaye de le schématiser de la façon suivante :

II faut tout d’abord se dire que ce qui se passe actuellement ne semble pas être un fait nouveau. II y a eu des cas similaires où certains estimaient que les natifs de la ville ou même du village étaient lésés dans le choix de tel ou tel responsable, ou pire encore, dans la redistribution des gains d’une action donnée. Cette situation semble reprendre jour à cause notamment des enjeux colossaux qui se profilent à l’horizon à l’occasion des élections municipales de mars 2006.

La première hypothèse se fonde sur une certaine revendication d’authenticité, voire de connaissance des réalités profondes d’un territoire donné pour justifier l’élection d’un natif, bon sang bon teint, à la tête de l’exécutif municipal. Dans cette optique, pourrait mieux gérer une maison, que celui qui y est né, en connaît les arcanes et les acteurs en profondeur. C’est oublier que de nos jours, les méthodes de gestion ont changé et que le management demande davantage que la simple appartenance à une entité !

Mais enfin, l’on suppose par là que non seulement on satisfait son ego parce qu’on garde une mainmise sur " son " patrimoine, mais aussi que l’on conserve les leviers permettant de gérer, au sens large du terme, la localité. Cette façon de voir la commune est très proche de l’autarcie territoriale, donc du repli identitaire. L’inconvénient de cette approche est de se fonder, pour le choix de son exécutif, dans un monde de compétitivité, sur des liens qui ne sont autres que le fruit du hasard. Le hasard ne construisant pas, c’est se mettre en difficulté avec une certaine évolution du contexte national, régional et international marqué par l’interdépendance, la diversité, la solidarité, la communauté de destin ou encore l’ équité.

Cela peut aboutir à la mauvaise gestion de la chose communale au détriment de tout le monde, autochtones comme allogènes. Cela ne fait pas avancer. Or, qui n’avance pas recule, dit-on. Et sans trop m’aventurer, je parie que les citoyens préfèrent de loin avancer et voir leur quotidien s’améliorer sur la base des compétences, comme un des sondages l’ avaient si bien indiqué il y a quelques temps.

La deuxième hypothèse suggère que l’ objectif de ces stratégies électorales aux relents régionalistes n’est que ponctuel, ne valant dans l’esprit de ceux qui en usent, que pour les élections municipales uniquement. Cela supposerait que le but visé, loin d’être les communales comme cela pourrait être lu à vue d’œil, concerne en réalité le contrôle des conseils régionaux, sachant bien entendu que la région est une entité viable d’avenir.

L’on élaguerait par ces moyens des concurrents potentiels pour s’assurer le contrôle du conseil régional, sachant que l’élection de ces responsables se fait par un vote indirect. Il serait alors loisible de travailler après à faire entendre raison aux uns et aux autres, parce que dans le fond, personne ne croit en cette différenciation et même que la coopération décentralisée ne saurait avoir de justification dans un contexte d’autarcie.

Les enjeux de ces élections, en plus d’être communaux, sont aussi et surtout régionaux et c’est cela qui pose toute l’importance de ces consultations en terme de renforcement du processus démocratique, de liberté et de maturité politique. Ce jeu ponctuel pourrait néanmoins se révéler beaucoup plus dangereux qu’il ne le paraît dans la mesure où il peut réveiller ou susciter des sentiments négateurs et préjudiciables au besoin de vivre ensemble. Ces considérations ont fait oublié bien des gens que non seulement la décentralisation n’est synonyme ni de déchirements, ni d’indépendance.

Il est bon de rappeler que la bonne exécution des affaires locales doit se faire dans un Etat unitaire, fondement même du processus en cours, et sur des bases républicaines.

Ton frère Ladji
L’Hebdo

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