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Sécurisation foncière au Burkina : “La terre à ceux qui la travaillent”

Publié le vendredi 27 janvier 2006 à 07h57min

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La terre est la principale source économique au Burkina. Malgré la mise en place d’une réforme agraire et foncière depuis une vingtaine d’années, et qui « étatise » la terre, des conflits fonciers demeurent. La nouvelle politique foncière devrait œuvrer à faire de la terre la propriété de ceux qui l’exploitent, tel est l’avis de Mamadou Kabré exprimé dans le texte qui suit.

La Journée nationale du paysan est annoncée pour le 28 janvier à Manga. Le choix du thème, judicieux s’il en est, reste d’actualité dans un monde marqué par les conflits liés à l’occupation de l’espace.

Dans des pays européens comme la France, le manque de logement découle plus du manque de terre pour construire que du manque de ressources pour louer les appartements vides.

En Afrique le conflit foncier dramatique reste celui de 1989 entre la Mauritanie et le Sénégal autour du fleuve. Plus bruyant est celui d’Afrique australe, avec les fermiers blancs, jadis ségrégationnistes, devenus indésirables. Ou encore dans les Grands lacs où le conflit sur l’espace se passe entre les braconniers et les animaux, défendus par les zoophiles.

Au Burkina Faso, le conflit de la terre, jadis entre acteurs du secteur primaire ( cas éleveurs-agriculteurs à Béléré et dans le Nahouri) devient de plus en plus entre administrés et administration. Les plaintes vont de la non obtention d’une parcelle, à l’expropriation en passant par le déguerpissement sans pitié.

Les habitants des arrondissements de Nongr-Massom, Bogodo et Boulmiougou en savent quelque chose, et Baskuy avec la ZACA.

Les conflits vont être de plus en plus fréquents voire durs à gérer , avec la furia des maires, borneurs (les bornes du lotissement).

Une borne finale au lotissement

Depuis 1995, beaucoup de conseils municipaux n’ont eu d’activités récurrentes que les affaires de lotissement. Et en 10 ans de communalisation, certains arrondissements ont loti pour 50 ans. Malgré tout, il n’y a pas de satisfaction. Avec la communalisation intégrale, Il faut craindre que la terre ne soit la seule ressource des conseillers. Ce serait la porte ouverte aux abus et à la croissance exponentielle des maux de la société.

Avec les lotissements « sauvages » et rapprochés à Ouagadougou, il y a des citadins qui ont de multiples parcelles comme le cas à Tampouy Marcousis, Zongo, Tingandogo et j’en passe. A Tampouy, 19 maisons dans le dernier lotissement sont construites au nom de O.K.S. Les a-t-il achetées ces parcelles, en a-t-il été attributaire ou les deux à la fois ?

En lotissant sans cesse pour se faire de l’argent, les mairies ont fait par ricochet des pauvres et des affamés, pour ne pas dire des morfals. Aussi le paysan dépossédé de son « bureau » n’est plus qu’un chômeur. Pire, la production qu’il gagnait disparaît et il devient acheteur. Donc la demande en céréales devient forte et le cours grimpe. Même conséquence pour les produits de l’élevage. Voilà pourquoi on achète un coq à 3.000 F, alors qu’il était au 6e de son prix, il y a 10 ans.

En clair, le lotissement ne développe pas forcément, mais fait plutôt de l’urbanisme à outrance.

Le thème doit donner

Pour sécuriser les acteurs du secteur primaire, il faut repenser le lotissement. Selon l’étude du professeur Kiethéga de l’EIER-ETSHER, 25% de la population urbaine à Ouagadougou a comme activité l’agriculture. Si Ouagadougou dont les limites ont été repoussées, n’a plus de place pour jardiner, cultiver et élever c’est le quart de la population urbaine au moins qui perd une source de revenus et d’activités. Dans ce cas, comment lutter contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté ? Ce ne sont pas les cultivateurs les seules victimes, car un proverbe moaga soutient que le cultivateur est seul dans son labeur, mais ‘les mangeurs de sa récolte sont nombreux ».

Le lotissement ne préserve pas l’environnement et ne crée pas un autre écosystème favorable. Ils sont nombreux ceux qui sont interloqués avec le déboisement partout où il ya des bornes d’enfouies ! Fini alors la pharmacopée à portée de main, les espèces fauniques en disparition et même le climat d’air pur.

Pourtant on peut trouver un logis sans lotir à l’aveuglette. C’est de construire en hauteur, là où c’est déjà loti. Mais aussi prendre des mesures concernant cette affaire de lotissement.

Enquête « commodo et incommodo » avec les occupants des zones à lotir.

Ne lotir que lorsque les investissements sont réalisés. Construire des HLM municipaux pour les SDF. Ne lotir également que lorsque les exploitants sans investissements acceptent le recasement. Quant à ceux qui y ont investi ou ont un projet ils doivent y demeurer. Agrocités obligent, il faut désormais contourner les plantations, les fermes, les champs et les carrières.

Sinon s’appuyer sur la RAF, dont l’esprit est dévoyé, le risque de résistance aux lotissements sera naturel : « Nous pas bouger : Pas moyen bouger ». Du reste S.E. Frédéric Guirma lors de la présidentielle de 1998 comptait stopper Ouaga- 2000 net là où il était. Des idées ne manquent pas pour que lotir ne soit plus un lot de lamentations, d’angoisses pour les premiers occupants de la terre.

Ouagadougou a dégonfler

Ouagadougou surtout s’étend, parce que l’on veut vendre les terrains à tout le monde. Chimère. Par contre on peut offrir un toît à tous. Construire en hauteur on dégagerait des locaux pour les activités diverses et l’habitat.

Assurément avec la formule de lotissement, présentation CDP, il y a plus de peines, de haines, et de déboires. Si cela fait tache d’huile avec les nouveaux conseils, bonjour les conflits déplorables. Quelques conséquences des « Iotissements-pognons »

- la pollution de l’environnement. Quitter Naabmatenga par exemple pour le centre ville à Ouagadougou c’est tout au long du trajet la fumée de son engin dans l’air.

- Le lotissement induit une improductivité des hommes. Les paysans sont sans bureaux. Les fonctionnaires arrivent tard à leurs bureaux qu’ils quittent tôt, longue distance à parcourir oblige.

- L’insécurité se développe et se diversifie avec le lotissement. A côté de l’insécurité physique s’ajoute celle du foyer. De plus en plus on compte des foyers brisés, parce que le conjoint habitué à rester à midi en ville a conquis la restauratrice ; on flirte avec une salariée du coin.

Sans compter les enfants, dont l’éducation parentale est absente, parce que les parents et même les écoliers font journée continue au travail.

Et les conséquences de l’extension de la ville sont légion. Pourquoi ne pas urbaniser à échéance immuable et à échelle raisonnable chaque ville autour des grands centres ? On développera ces villes démunies, tout en favorisant le transport en commun interurbain. A ce prix on réduira l’écart entre la capitale et les autres villes tout en faisant de ce mot d’ordre une réalité : fixation des jeunes dans leur terroir ! En attendant, ce sont les maires-borneurs qu’ils faut clouer au pilori sinon la sécurité foncière sera un thème flatteur .

Alors pourquoi les acteurs ne feront pas déjà de la résistance contre les lotissements qui les dépossèdent en s’organisant par centre d’intérêt ? La terre à ceux qui l’exploitent et non ceux qui ont les moyens.

El Hadj Mamadou KABRE,
Initiateur de « Quatre A »(Action pour l’arbre,
l’Agriculture et les Animaux)
76 57 67 64/70 26 55 54

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