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Extradition d’Hissein Habré : Les chefs d’Etat bottent en touche

Publié le jeudi 26 janvier 2006 à 07h39min

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Au nombre des grands dossiers attendus au dernier Sommet de l’Union africaine (UA) à Khartoum, figurait le sort que les princes qui nous gouvernent allaient réserver à l’affaire Hissène Habré.

On se rappelle, en effet, que les juridictions sénégalaises avaient déclaré leur incompétence à statuer sur l’extradition de l’ex-dictateur tchadien vers la Belgique.

Dès lors, le sort de Habré était aux mains du président Abdoulaye Wade. Ce dernier, pour ne pas porter seul le fardeau de cette lourde décision qui serait une première sur le continent, avait décidé de s’en remettre à l’Union africaine.

Pour lui en effet, le dossier Hissène Habré est une affaire africaine et il appartient à l’ensemble des chefs d’Etat de décider s’il faut ou non extrader en Belgique l’ex-homme fort de N’Djamena. Depuis, tout le monde avait l’oreille tendue vers Khartoum pour entendre ce que déciderait « le syndicat » des chefs d’Etat.

Faut-il oui ou non extrader Habré ? Cette question a donné naissance à une vive polémique entre ceux qui étaient pour et ceux qui étaient contre. Chacun y allant de ses arguments et commentaires.

Le débat avait dépassé le strict cadre juridique pour embrasser le terrain passionnel de la souveraineté des Etats africains et de l’orgueil nègre.

Et c’est sans surprise que le syndicat a décidé de ne pas livrer un de ses ex-membres à une juridiction extracontinentale, en l’occurrence celle de la Belgique.

Revers pour les victimes de la férule sous l’ère Habré ainsi que des militants des droits de l’homme qui avaient espéré voir le dictateur du Tibesti répondre de ses actes.

Inutile de dire que ces derniers sont réellement désillusionnés et crient au déni de justice. En effet, ils avancent que cette décision des chefs d’Etat est une assurance d’impunité pour cet ex-bourreau devenu, depuis, musulman très pratiquant.

Naturellement, ceux qui avaient pris partie contre l’extradition de l’hôte encombrant de Dakar applaudissent à tout rompre. Pour eux en effet, l’Afrique vient d’affirmer sa souveraineté vis-à-vis de l’Occident, qui rechigne tout le temps à laisser ses citoyens répondre devant les juridictions pénales étrangères.

Rien que pour le parallélisme des formes, Habré, en tant qu’ancien président, ne doit pas être jugé hors du continent. C’est en cela qu’il faut saluer cette courageuse décision issue du dernier Sommet de l’UA.

Malgré tout, on ne peut pas s’empêcher de voir dans cette décision une volonté de nos gouvernants d’assurer leurs arrières.

En effet, accepter l’extradition de Habré créerait un précédent dangereux, à même de donner le tournis à nombre d’entre eux, qui sont auteurs ou instigateurs d’actes qu’on pourrait leur reprocher une fois qu’ils ne seront plus aux affaires, car nombre d’entre eux ont à leur compte des cadavres et des martyrs. Qui est fou !

Sur ce même dossier, il faut se féliciter de ce que ce Sommet a marqué une farouche volonté de lutter contre l’impunité.

La création d’un collège d’experts de la chose judiciaire, chargé de voir comment et quelle instance juridictionnelle pourrait se saisir de l’affaire Hissène Habré en est la preuve. Seulement, il ne faut pas que ce collège soit une sorte de caveau où on enterrera ce dossier.

En Afrique, l’expérience a montré que la meilleure façon de noyer à jamais une affaire, c’est de lui créer une commission spéciale.

La balle est maintenant dans le camp de la société civile de manière générale et dans celui des activistes des droits de l’homme en particulier. A eux de faire pression pour que ce procès tant attendu ait lieu.

Une des faiblesses de ce collège d’experts est qu’il est ad hoc. On aurait souhaité qu’il puisse travailler de sorte à disposer pour l’avenir.

Ainsi, chaque président saurait où il pourrait répondre de ses actes s’il faisait dans la mal gouvernance, la torture, les exécutions sommaires des opposants et le terrorisme d’Etat.

En somme, l’érection d’une sorte de Haute Cour de justice africaine pourrait bien faire l’affaire. Une idée lumineuse que les experts gagneraient à exploiter.

San Evariste Barro
Observateur Paalga

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