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Côte d’Ivoire : Jusqu’où ira le GTI ?

Publié le mercredi 18 janvier 2006 à 07h48min

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Pierre Schori

La situation socio-politique s’est encore détériorée ces
derniers temps, sur les bords de la lagune Ebrié. La poussée
de fièvre est intervenue après que le Groupe de travail
international (GTI) sur la Côte d’Ivoire, chargé du suivi du
processus de paix dans ce pays, a estimé que le mandat des
députés ivoiriens, qui s’est officiellement achevé le 15 janvier
dernier, " n’a pas à être prolongé".

Ce groupe de travail, qui
contrôle l’application de la résolution 1633 du Conseil de
sécurité des Nations unies, a-t-il pensé que l’Assemblée
nationale, dans sa composition actuelle, pourrait constituer un
sérieux obstacle à l’application de la feuille de route du Premier
ministre ivoirien, Charles Konan Banny ?

Officiellement, en tout
cas, la décision de l’organe chargé notamment de "vérifier que
le Premier ministre dispose de tous les pouvoirs nécessaires"
pour désarmer, réunifier le pays, et organiser les élections, fait
suite à des consultations approfondies avec toutes les parties
ivoiriennes.

Ainsi, par une décision du 6 décembre 2005, le Groupe a pris
ses responsabilités, autorisant le pouvoir exécutif à légiférer en
lieu et place du Parlement. A situation exceptionnelle, mesures
exceptionnelles. Mais jusqu’où ira le courage du groupe face aux
fréquentes volées de bois vert des Jeunes patriotes ?

Résistera-t-il au contact de la déferlante de la violence constatée
chaque fois qu’une décision imposée de l’extérieur à la Côte
d’Ivoire ne va pas dans le sens souhaité par le pouvoir en
place ? Le groupe finira-t-il par se dégonfler, après les
protestations du régime qui a beau jeu de brandir chaque fois
l’arme de la souveraineté de la Côte d’Ivoire ?

La décision du GTI, évidemment, n’est pas pour plaire au
pouvoir qui estime que le groupe de travail s’est détourné de
ses missions pour s’en attribuer d’autres. Le Groupe
parlementaire du FPI, pour qui il est hors de question de
dissoudre le Parlement, n’entend reconnaître aucune décision
ou recommandation du GTI qui "serait contraire aux dispositions
de la Constitution". Mais, une prolongation du mandat du
Parlement n’est-elle pas, en elle-même, contraire aux
dispositions de la Constitution ?

Il y a tout lieu de croire que ce qui préoccupe les princes du jour,
c’est que l’Assemblée nationale, largement dominée par le FPI,
demeure un levier du pouvoir. En criant à l’atteinte de la
souveraineté du pays, cette formation politique feint d’ignorer
que le GTI, malgré sa composition (ONU, Union européenne,
Union africaine, France, certains pays africains, etc.), a pris
langue avec les acteurs politiques ivoiriens avant de donner son
avis.

La tenue dès que possible, d’élections libres, régulières,
ouvertes et transparentes, et au plus tard le 31 octobre 2006, ne
va pas sans un fonctionnement normal des institutions.
Notamment de l’Assemblée nationale.

Or, bien souvent, celle-ci
s’est illustrée par un radicalisme de mauvais aloi, s’est complu
dans un quasi-immobilisme et a, par moments, étalé sa
mauvaise foi, contribuant, à sa façon, à interrompre l’élan
salvateur vers un processus de paix et de réconciliation en Côte
d’Ivoire.

C’est du reste ce qui explique l’échec de l’ancien
Premier ministre Seydou Diarra. Mais si cette situation de ni paix
ni guerre persiste jusqu’à ce jour, c’est aussi et surtout du fait de
la communauté internationale, qui a multiplié des signes de
faiblesse et s’est laissé aller à de dangereuses
compromissions.

Chaque fois qu’elle a brandi l’arme de la sanction, elle n’est
pas allée jusqu’au bout. Et à ce propos, on peut se demander
où étaient les forces de l’ONUCI quand des barricades étaient
dressées à travers les rues d’Abidjan, le 16 janvier dernier. Une
indolence dont profite le président ivoirien pour rester maître du
jeu et agir à sa guise.

Et si la crise n’a pas encore connu d’issue, au point d’agacer de
plus en plus la communauté internationale, celle-ci doit s’en
prendre à elle-même, elle qui reçoit aujourd’hui l’effet
boomerang de son manque de vision et de prospective. En
prolongeant le mandat du chef de l’Etat, elle n’a demandé
aucune contre-partie à Laurent Gbgabo. A moins de neuf mois
de la tenue des élections, il n’est pas improbable que le
président ivoirien use encore de subterfuges pour se maintenir
aux affaires au-delà du 31 octobre.

En tout état de cause, la décision du GTI d’accompagner le
Premier ministre dans ses premiers pas dans l’univers
impitoyable de la politique ivoirienne est un signe encourageant.
Mais pour combien de temps encore ? Toute la question est là.

"Le Pays"

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