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Nouveau gouvernement : De grandes stratégies pour l’horizon 2007 ?

Publié le jeudi 12 janvier 2006 à 08h22min

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Nommé en 2000, Ernest Paramanga Yonli (EPY) a été reconduit en 2002 puis en 2006. Lorsqu’il a été appelé, EPY avait pour mission de former un gouvernement protocolaire pour contribuer à apaiser la crise socio-politique née du drame de Sapouy. Le contexte était particulièrement tendu et caractérisé par l’impopularité du régime. EPY a donc tout de suite été envoyé au charbon.

L’une des actions les plus marquantes de son gouvernement a été l’organisation de la journée nationale de pardon, le 30 mars 2001. Cette journée controversée a néanmoins permis de s’arrêter sur les pages sombres de notre histoire nationale et de prendre des engagements (les 7 engagements de Blaise) en vue d’un nouveau départ. Les mesures d’apaisement qui ont été prises à la suite des recommandations du collège de sages et du comité de réconciliation nationale ont fortement contribué à faire baisser la tension sociale. Sous Yonli également, de nombreux projets ont été réalisés ou sont en voie de l’être.

Il en est ainsi du projet Zaca, de Ziga, de l’usine Faso Tex, des infrastructures routières, éducatives et de santé, etc. Au plan de la sécurité alimentaire, la mise en œuvre de la petite irrigation villageoise a complètement changé la donne agricole en démontrant qu’un pays sahélien comme le Burkina pouvait récolter deux fois grâce à la culture de contre-saison. Au niveau du commerce international, le Burkina Faso est éligible à l’AGOA depuis le 10 décembre 2004.

Le pays a également réussi à se hisser à la tête des pays africains producteurs de coton, même si par le jeu pervers du commerce inégal cela ne s’est pas traduit par un accroissement significatif de richesses dans les campagnes. Sur le plan de la gouvernance politique, on retient les processus de décentralisation et de déconcentration promus à un nouvel élan après les municipales de Mars prochain.

Il faut cependant souligner que des motifs d’appréhension existent parce que le bilan des municipalités existantes même s’il n’est pas connu ne parait pas reluisant, l’accompagnement financier et matériel nécessaire résultant de décisions administratives à prendre par le pouvoir central n’ayant pas suivi.
La qualité de Yonli, c’est le sens de la mesure et de la pondération qu’on lui attribue.

Il appartient à ce petit nombre de nos dirigeants au tempérament modéré qui ne s’emportent pas pour un rien mais qui sait cependant se faire respecter. Lors de ses différents passages à l’Assemblée Nationale, il affiche une aisance parfaite, synonyme d’une certaine maîtrise de ses dossiers. Sur cet aspect, le Premier Ministre se rapproche davantage de son mentor qui est présenté par ses laudateurs comme " un homme à l’œil vif, à la lenteur affable et aux mots mesurés ".

Ces derniers temps cependant, une certaine opinion le présente comme un homme corruptible et même corrompu. On l’accuse d’enrichissement illicite. Il aurait même un goût immodéré pour les palais princiers. Propos de jaloux ? Peut-être. Mais à tort ou à raison, Yonli devrait considérer ces critiques comme une alerte afin de ne pas se départir des vertus cardinales des Burkinabè qu’on dit modestes et humbles.

Départs remarqués.

Les trois départs les plus significatifs sont ceux de Laya Sawadogo, de Mahamoudou Ouédraogo et de Ludovic Tou. Ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, Laya est arrivé aux temps forts de la crise universitaire. Sous son ministère, l’Université de Ouagadougou s’est engagée dans la réfondation, système dont le bien fondé est aujourd’hui diversement apprécié par les différents acteurs. L’un des points saillants du passage de Laya à la tête du MESSRS a été l’ouverture de l’université de Koudougou. Mais ces derniers temps le ministre a été l’objet de controverses ( renvoi des 300 élèves enseignants de l’IDS, repris sur instruction du chef de l’Etat, projet BAD V, difficultés avec les encadreurs pédagogiques du secondaire).

Ces sorties tonitruantes sur ces différentes questions avaient fini par incommoder plus d’un. Son remplaçant, le Pr. Joseph Paré est l’ex-Président Chancelier de l’Université de Ouagadougou. Il est présenté comme un homme de dialogue à la capacité d’écoute remarquable. Toute chose dont il aura nécessairement besoin au moment où l’enseignement supérieur est à la croisée des chemins avec la poursuite des réformes et notamment la perspective de l’intégration de nos universités au système LMD (Licence-Master-Doctorat).

Alain Ludovic Tou a cédé le fauteuil de la jeunesse et de l’emploi pour raison de santé. Son remplaçant Justin Koutaba est un universitaire. Philosophe de son Etat, Justin Koutaba est passé par la chambre des représentants et est présentement directeur d’UFR à l’université de Ouagadougou. La jeunesse et l’emploi, un énorme défi pour un homme habitué à la manipulation des concepts et qui devra cependant trouver des réponses concrètes au problème lancinant de l’emploi des jeunes. Il ne devrait pas avoir d’énormes difficultés pour se familiariser à un environnement de travail pétri par Ludovic Tou, et qui a déjà pas mal balisé le terrain.

Mahamoudou Ouédraogo a été un ministre très charismatique. D’où sa longévité. En bon communicateur, il a pu impulser une dynamique nouvelle à la culture burkinabè. De grands rendez-vous comme la FILO, le SITHO... ont vu le jour sous son ministère. En héritant d’un tel ministère, Aline Koala, l’ex SG du Conseil Supérieur de la Communication, est aussi confrontée à de gros défis : maintenir d’abord le cap et aller progressivement de l’avant. Elle a la réputation d’être la protégée de celui auquel elle succède. Elle connaît bien les questions culturelles puisque c’est son département d’origine.

Clément Sawadogo remplace Moumouni Fabré dont le départ demeure une énigme. C’est l’homme qui a mis le dossier de la décentralisation intégrale en marche et qui part sans avoir testé sa potion. Clément Sawadogo fut député à l’assemblée nationale,directeur de cabinet du premier ministre Yonli, Secrétaire général du gouvernement. Une ascension fulgurante qui laisse penser que l’homme récolte les récompenses d’un certain savoir faire au plan administratif et politique.

Camouflet pour l’ADF/RDA ?

Les résultats sont plutôt mitigés pour l’ADF/RDA et l’AMP. Gilbert Noèl Ouédraogo de l’ADF/RDA engrange au profit de son parti un ministère des transports et un ministère délégué à l’Enseignement technique et professionnel. Rien que ça sur un total de 34 maroquins. Pour expliquer son soutien à Balise Compaoré, L’ADF/ RDA avait déclaré avoir conclu un accord programmatique avec le chef de l’Etat. Déjà que la stratégie de l’éléphant continue à faire des gorges chaudes au niveau de certains caciques du CDP, on peut aisément imaginer l’ambiance de cohabitation... L’AMP s’en sort aussi avec un poste. Djemdjoba Dicko qui s’occupe de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle. Il faut voir dans cette marginalisation des partis mouvanciers l’action du CDP qui se refuse à donner à ses adversaires l’arme avec laquelle ces derniers entendent le combattre.

A la vérité, seul le chef de l’Etat sait où il veut en venir en s’encombrant avec des mouvanciers dont la seule tactique semble être celle du profit opportuniste. A la dernière campagne présidentielle, le CDP a pratiquement fait le boulot tout seul sur le terrain avec ses moyens. Ceux qui sont venus pour soutenir le chef de l’Etat attendaient plutôt que ce dernier leur fournisse les moyens de ce soutien. Or le constat est que quand on leur fournit les moyens, ils servent à faire autre chose. Il y a une telle exaspération chez les caciques du CDP à telle enseigne qu’ils considèrent que trois maroquins c’est trop donné !

Le CDP reste donc plus que jamais le maître absolu du jeu. Salif Diallo qui a conservé le poste stratégique de l’Agriculture va continuer à tisser les mailles du pouvoir dans les campagnes par les multiples réalisations de son département. Cet ancien révolutionnaire a bien compris et intériorisé la stratégie de Mao : " encercler les villes par les campagnes." Il suffit de voir comment les cohortes de paysans sont montés à la capitale à l’occasion de la maladie de " Gorba " pour comprendre à quel point est efficace cette stratégie. Un lecteur de l’Evénement a écrit que Blaise n’a été voté que par les paysans en sous entendant que ces derniers ne comprenaient rien à la politique.

Même si les paysans ne comprennent rien à la politique des salons, ils ont au moins un sens pratique inné qui les rend infaillibles quand ils flairent leur intérêt. C’est ce que Blaise et son fidèle compagnon Diallo Salif semblent avoir compris. Paramanga Ernest Yonli est probablement là pour un an encore. Le temps pour le CDP de retrouver ses marques. D’ici là Blaise aura eu le temps de voir venir et d’apprécier les nouveaux rapports de forces sur le terrain. C’est véritablement sur cette base que se précisera sa nouvelle stratégie politique pour l’horizon 2015

Aimé Franck Bazié et Germain B. Nama

L’Evénement

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