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Mamadou Barro :SG du SYNTER : "Laya oubliait parfois qu’il était enseignant"

Publié le jeudi 12 janvier 2006 à 07h35min

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Après la démission du premier ministre Paramanga Ernest Yonli, suivit de sa reconduction à la tête du nouveau gouvernement de la VIe République, les commentaires sur la composition de la nouvelle équipe gouvernementale vont bon train.

Le dernier en date est celui fait par le secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’éducation et de la recherche (SYNTER), Mamadou Barro, que nous avons rencontré à la Bourse du travail, le mercredi 11 janvier 2006. Dans l’entretien qu’il a accordé à notre journal, M. Barro donne sa lecture sur le départ et la nomination de certains ministres.

D’une manière générale, que pensez-vous de la reconduction du Premier ministre et de la formation de sa nouvelle équipe gouvernementale ?

• Je vous remercie pour cette opportunité qui est donnée au SYNTER d’apprécier les derniers développements intervenus au gouvernement. De notre point de vue, le changement de gouvernement s’imposait ; après l’élection, c’est en quelque sorte une formalité.

Mais parfois cette formalité peut avoir un contenu assez fort. Le sentiment que j’ai eu est que c’est vraiment juste une formalité qui a été remplie. Il n’y a pas véritablement de bouleversement qui puisse faire espérer un changement de ligne au niveau de la gestion des problèmes des travailleurs.

Votre ministre de tutelle, Laya Sawadogo, a été remercié. C’est bien ? c’est mauvais ou ça vous laisse vert ?

• Comme je le disais tantôt, c’est l’axe de travail du gouvernement que nous regardons beaucoup plus. Lorsqu’il y a changement de ministre, nous tenons compte bien sûr de la personnalité, ça peut faciliter certaines communications, mais il reste qu’au gouvernement, dans l’axe politique qu’il a dégagé au niveau de l’éducation, il n’y a pas de changement majeur avec l’application du programme d’ajustement structurel, dont l’une des composantes essentielles est le désengagement de l’Etat.

Quel que soit le ministre qui est nommé, cet élément-là demeure constant. En tout cas, nous ne voyons pas de signe qu’il y aura un changement à ce niveau. Pour nous, le ministre peut changer mais cet axe demeure.

Seulement, il peut être intéressant qu’avec certains ministres, la communication soit bonne, ce qui permet d’approfondir certaines questions ensemble, et de voir ce qui est réalisable. C’est déjà quelque chose, mais notre préoccupation fondamentale est que l’Etat revoie son désengagement des dépenses sociales.

Toujours concernant Laya Sawadogo, certains appréciaient son franc parler, que d’autres appelaient « malcause ». Qu’est-ce que le syndicaliste que vous êtes retiendra en particulier de son passage au MESSRS ?

• Ce que nous devons dire par rapport à M. Laya Sawadogo, c’est qu’il n’y a pas eu de rupture dans la communication, durant les cinq ans qu’il a passés dans ce département ; c’est un élément qui peut avoir son importance, parce que lorsqu’il y a rupture, on ne peut plus examiner les problèmes ensemble, ni rechercher des solutions, même dans les limites imposées par l’option gouvernementale.

Par contre si l’on discute, on peut arriver à trouver des éléments de compromis. Je crois que c’est l’élément que je retiens. Nous avons toujours discuté ; il y a eu peut-être des moments où nous avons pensé qu’il a oublié qu’il était un enseignant, mais ça, c’était certainement pour répondre aux injonctions générales du gouvernement. Mais d’une manière générale on a pu communiquer.

C’est un élément qui n’est pas entièrement négatif au niveau du syndicat. Cela dit, il faut quand même qu’on signale que nous avons eu des désaccords sur par exemple un certain nombre de questions, soit directement à travers le bureau national, soit à travers nos structures, sur la question de la refondation qu’il a eue la responsabilité de mettre en œuvre. Nous n’étions pas d’accord avec les éléments de la refondation, c’est vrai que ce n’était pas une option personnelle du ministre, c’était une décision du gouvernement.

Sur la question également des encadreurs, la presse a fait état un peu des dissensions avec le personnel d’encadrement ; nous avons pensé qu’à ce niveau, on aurait pu faire l’économie de certains désaccords, puisque nous sommes tous enseignants, que nous soyons du supérieur ou du secondaire. Mais globalement, avec le bureau national, nous avons pu travailler sur beaucoup de problèmes.

Les préoccupations des personnels de l’encadrement de l’enseignement secondaire, qui étaient à prendre en compte, n’ont pas pu l’être forcément avant son départ, mais nous espérons qu’ils le seront.

Que pensez-vous du choix de Joseph Paré, le président de l’université de Ouagadougou, pour lui succéder ?

• Je ne le connais pas particulièrement. Sauf qu’il a été à un moment donné, syndicaliste. J’espère qu’il gardera le souvenir qu’il a été syndicaliste, puisqu’il a été membre d’un bureau national, si je ne me trompe pas.

Et que, de ce point de vue, il restera ouvert aux préoccupations des travailleurs qu’il a eu à défendre en tant que leur porte- drapeau. Aujourd’hui à un autre niveau de responsabilité, j’espère qu’il prendra cela en compte pour pouvoir avancer avec les enseignants.

Comme il vient directement de l’U.O. et qu’il en connaît les problèmes, pensez-vous qu’il pourra améliorer sensiblement les conditions de vie et de travail du monde universitaire, notamment des étudiants ?

• Si on se réfère à ce que j’ai dit au début de notre entretien, il y a un axe que le gouvernement trace, et cet axe-là, les ministres l’endossent. Monsieur Sawadogo était de l’enseignement supérieur. Cela n’a pas empêché la mise en œuvre de la refondation.

Et il y a l’adoption d’une mesure que j’estime inacceptable, à savoir le décret portant institution de la Police spéciale des Universités. Cela s’est passé sous un ministre qui est de l’enseignement supérieur. C’est aussi sous le nouveau ministre, qui était alors président de l’Université de Ouagadougou.

Je ne suis donc pas sûr que ce soit un atout pour faire changer les choses comme on l’entend. C’est le gouvernement qui doit revoir sa politique éducative. Les hommes qui servent cette politique-là, de mon point de vue, font ce qu’ils peuvent. Ils ne peuvent pas faire l’impossible. C’est-à-dire changer à eux seuls l’option gouvernementale.

Selon vous, quels genres de dossiers va-t-il trouver sur son bureau en arrivant et à quel problème doit-il s’attaquer en priorité ?

• Les syndicats ont fait état à la presse, le 5 octobre 2005, des discussions qu’ils ont eues avec le département sur un certain nombre de questions, j’en parlais tantôt, en liaison avec le SNESS. Ce travail est resté en chemin.

Nous avons relancé le ministère pour dire comme l’adage : « N’enterrez pas le cadavre en enlaissant les pieds dehors ». Nous avons discuté, nous avons eu des accords qui sont assez intéressants, et pour ces accords-là, on doit envisager leur mise en œuvre.

Nous pensons que là où le ministre Laya n’a pas pu poser des actes, travailler à la mise en œuvre des accords, le nouveau ministre devrait s’y atteler. Maintenant, concernant la marche générale du ministère, il y a des questions qui sont posées actuellement comme la description des emplois des personnels du MESSRS.

Pour cette description des emplois, nous sommes invités à la commission paritaire pour en discuter. Certainement pour adoption. Il y a aussi qu’au niveau de l’université, le passage en force de la refondation, malgré la désapprobation des enseignants, a été maintenu. Ce sont des questions qui restent posées.

On a adopté la police universitaire malgré notre avis. On a mis en œuvre la refondation dans ces aspects pédagogiques, qui font beaucoup de tort aux étudiants et aux enseignements de façon générale, contre notre avis. On nous a exclus du Conseil de l’université pour y inclure l’association des parents d’élèves.

Au niveau de l’enseignement secondaire, il y a les problèmes dont j’ai fait cas concernant les discussions qui ont été menées. En plus de cela, nous sommes en train de recenser, et nous l’avons dit au ministre Laya Sawadogo en son temps, les préoccupations des différents secteurs de façon ciblée : enseignements technique, supérieur, éducation physique et sportive, encadrement.

Un autre de vos interlocuteurs en tant que syndicaliste a également quitté le navire : Ludovic Tou, remplacé au Travail et à la Sécurité sociale par Jérôme Bougma. Qu’attendez-vous du nouveau venu ?

• Nous attendons qu’il fasse l’effort avec le gouvernement, encore une fois, de tenir compte des préoccupations des travailleurs. Parce que la situation est très difficile. Les derniers mouvements qu’on a pu observer au niveau de l’ensemble des centrales syndicales et syndicats autonomes ont montré que les travailleurs sont préoccupés par leurs conditions de vie et de travail.

Toutes choses qui sont résumées dans la plate-forme minimale. Nous pensons que l’attitude du gouvernement, c’est le mépris. Il n’y a pas d’autre mot. Parce que si on dit qu’on est des partenaires, on doit s’asseoir ensemble et discuter.

Or ce que nous avons observé ces derniers mois, c’est que ces discussions ont manqué. Nous espérons qu’avec le ministre entrant et avec le gouvernement, effectivement, on va se retrouver avec les responsables des centrales et des syndicats autonomes pour examiner sérieusement la plate-forme minimale, pour que les travailleurs voient leur sort s’améliorer.

C’est vraiment à cela, nous pensons, que le ministre doit servir. S’il ne peut pas tenir compte des préoccupations générales du monde du travail, on ne sait pas finalement à quoi se résume sa mission. Les ministres sont là pour nous.

Ne pensez-vous que quel que soit le ministre, c’est plus un problème d’environnement politique et de réalités financières qui se pose qu’une affaire de volonté personnelle de changer les choses ?

• Je suis en partie d’accord avec vous que ce n’est pas une question d’individu, de volonté personnelle. Là où je ne suis pas d’accord, c’est sur l’environnement, en particulier financier.

Apparemment, ce que nous pouvons voir sans être économiste, sans faire d’analyses circonstanciées, c’est qu’il y a de l’argent au Burkina : la campagne présidentielle l’a démontré ; le candidat du CDP a fait une démonstration de moyens. Quel que soit l’origine de ces moyens, ces gens en ont bénéficié en étant aux fonctions officielles. Ils n’ont pas eu d’héritage. Ils les ont eus quelque part au Burkina, ou en tout cas ils ont profité de leurs fonctions pour les avoir.

Ces moyens, au lieu de les mettre dans les tee-shirts, dans les gadgets, qui sont pour nous des objets inutiles, on aurait pu les utiliser pour impulser le travail et le meilleur devenir de certains secteurs qui sont aujourd’hui à la charge des populations, comme ceux de la santé, de l’éducation, et pour lesquels les gens ont de terribles souffrances.

Prenez l’enseignement secondaire, où nous sommes : il n’y a que 13% des enfants qui sont scolarisés. Dans l’enseignement supérieur, moins de 2 % des jeunes en âge d’aller à l’université y vont effectivement.

D. Evariste Ouédraogo & Agnan Kayorgo
Observateur Paalga

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