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Tchad : Sale temps pour N’Djamena

Publié le jeudi 12 janvier 2006 à 07h27min

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Idriss Déby

Assauts des rebelles par-ci, frondes de l’opposition politique par-là, et pour ajouter au calvaire, une gifle magistrale administrée par la Banque mondiale. C’est dire que par ces temps qui courent, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille pour le président tchadien Idriss Deby.

En effet, alors qu’il est en train de se tirer les cheveux pour voir comment contenir et mater sa dissidence armée, le tombeur de Hissène Habré vient de compliquer davantage sa situation, déjà peu enviable, en réussissant à se faire hara-kiri avec le courroux de l’institution de Paul Wolfowitz, qu’il a su diriger contre lui-même.

Et quand on considère les accointances réelles du patron de la Banque mondiale avec Georges Bush, on peut imaginer sans trop se tromper que la Maison blanche cautionne la décision prise par Wolfie de geler les prêts de son institution à N’Djamena.

Deby peut alors véritablement se faire des soucis. Ses soucis, le maître du Tchad les a provoqués en fin décembre 2005 lorsqu’il a fait modifier, par une Assemblée nationale acquise à sa cause, la loi 001.

Cette loi même qui, depuis son adoption en 1999, faisait de son pays « un élève modèle » en matière de gestion transparente des revenus de l’or noir. Et pour cause, cette disposition légale commandait au Tchad d’épargner sur un compte 10% de ses revenus pétroliers pour « les générations futures ». Exit donc cette clause.

Mieux, dans la nouvelle mouture de cette loi, le pourcentage des pétrodollars que le Tchad peut utiliser sans le moindre contrôle des institutions financières internationales passe de 15 à 30%. En clair, le Tchad veut juste disposer de ses revenus pétroliers comme il l’entend. Normal pour un Etat souverain.

Mais N’Djamena oublie qu’il avait déjà aliéné sa souveraineté en 1999 lorsqu’il a conclu des accords de financement avec la Banque mondiale. Ce sont ces accords qui ont permis de financer le projet d’exploitation de l’or noir tchadien et peut-être que sans eux, son pétrole serait toujours en train de sommeiller dans son sous-sol.

L’institution de Breton Woods en veut donc au pays d’Idriss Deby qui a unilatéralement changé la loi concoctée d’accord partie. La courtoisie commandait au Tchad d’en informer la Banque mondiale et de négocier sa modification éventuelle.

C’est donc cette insolence que Paul Wolfowitz a tenu à sanctionner en suspendant le décaissement de quelque 124 millions de dollars dus au Tchad au titre des prêts accordés.

Le pouvoir tchadien doit maintenant prier pour que certains financiers internationaux comme le Fonds monétaire international ou le Club de Paris n’emboîtent pas le pas à la Banque mondiale. Si cela devait advenir, sa situation n’en serait que davantage corsée.

Mais on comprend le président Deby, pressé comme il est par les revendications salariales de ses fonctionnaires et la grogne des bidasses. Tous veulent bien jouir des fruits de la croissance apportée par le pétrole.

En décidant sciemment de modifier unilatéralement la loi 001, N’Djamena a fait le choix du moindre mal selon ses calculs. Mieux vaut être vomi à l’extérieur, mais adulé à l’intérieur.

Deby a donc fait le pari de contenter ses concitoyens quitte à s’attirer les foudres des institutions de Breton Woods. Mais ses calculs se révèlent désastreux. En effet, l’opposition condamne cette modification qui va « augmenter l’assiette de la corruption du régime » qui, désormais, va manipuler de colossales sommes d’argent.

La modification de cette loi intervient aussi au moment où Deby a besoin de beaucoup d’argent pour équiper son armée contre sa rébellion et contre son voisin, avec qui il est « en état de belligérance ».

Toute cette manne qu’il vient de s’octroyer le droit de gérer à son aise va donc servir à alimenter la guerre, dont les ingrédients sont en train d’être réunis dans l’est du pays.

Décidément, la malédiction du pétrole frappe le Tchad de plein fouet tout comme l’abondance de certaines ressources naturelles a fini par paralyser le développement de nombre de pays africains, les réduisant à des guerres à n’en plus finir et à une misère noire.

Avec le cas tchadien, on peut dire que l’exploitation de l’or noir dans un pays n’est pas toujours source de bonheur pour les dirigeants et la population.

Décidément avec le cas tchadien, on peut dire que l’exploitation de l’or noir dans un pays n’est pas toujours source de bonheur pour les dirigeants et la population.

San Evariste Barro
Observateur Paalga

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