LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Diplomatie burkinabè : Pour une présence africaine et mondiale renforcée

Publié le mercredi 11 janvier 2006 à 07h25min

PARTAGER :                          

Youssouf Ouédraogo avec Colin Powell

"Dans le contexte de la globalisation, la coopération politique et économique revêt plus que par le passé une importance cruciale. C’est pourquoi, une organisation institutionnelle efficiente sera mise en place, à la fois pour honorer les engagements pris avec nos partenaires et pour un meilleur suivi des recommandations et résolutions des rencontres internationales.

L’objectif est d’arriver à l’organisation d’une diplomatie plus volontariste et plus présente dans le monde », promet le candidat Blaise Compaoré, dans son projet de société pour l’élection présidentielle du 13 novembre 2005 intitulé "Le Progrès continu pour une société d’espérance".

Ces lignes du président sortant nous ont inspiré quelques réflexions à partager avec l’opinion.

En effet, le monde actuel se caractérise par la vitesse et l’instantanéité des échanges de biens et de données immatérielles, notamment de l’information. Les questions transnationales comme le SIDA, l’insécurité, la criminalité, la dégradation de l’environnement, les atteintes aux droits humains constituent les principaux menus des débats internationaux.

Les acteurs classiques, les Etats, individuellement ou collectivement sont impuissants face à ces fléaux. Les organisations et les associations de la société civile viennent au secours des structures étatiques et interétatiques pour la gestion des affaires globales. Malgré tout, l’Etat demeure l’acteur majeur de la scène internationale. Il est impérieux qu’il adapte sa diplomatie au nouveau contexte en constante mutation.

Cela exige des capacités d’anticipation et des moyens d’action dans tous les domaines, car « Ce n’est pas parce qu’on est un pays pauvre qu’il faut faire une diplomatie de pauvre ».

Le Burkina Faso doit relever un triple défi : une machine au point pour conduire une diplomatie plus gagnante, une communication efficace et un personnel motivé. Pour mettre en place une organisation efficiente, il serait intéressant de créer une structure de ville des questions internationales et de procéder à la restructuration du ministère des Affaires étrangères, réformes qui nous paraissent indispensables.

Doter la diplomatie burkinabè d’un appareil de veille des questions internationales

Sous l’éclairage de la Présidence du Faso, et sous la responsabilité du ministère des Affaires étrangères, une cellule d’experts aura pour mission de concevoir, de suivre et d’évaluer la politique extérieure du Burkina Faso et sa mise en œuvre.

Elle comprendra des experts des différents ministères et des différentes institutions publiques et privées agissant à l’international, des acteurs de la société civile, des chercheurs des instituts et des universités.

Elle offrira un espace approprié pour débattre des questions internationales d’importance capitale pour notre pays. Les résultats de ses réflexions pourront être utilisés par notre diplomatie. La cellule sera la mémoire de la diplomatie burkinabè.

Elle devra être compétente dans l’analyse rétrospective et prospective afin de maîtriser le présent et préparer l’avenir. En tant qu’observatoire permanent, la cellule aura pour mission principale l’anticipation pour éviter à notre diplomatie de subir les événements, de travailler dans la hâte. Par la prospective, le Burkina Faso relèvera le défi de l’interdépendance, de l’intégration et de la paix. Cela s’accompagne d’une organisation efficiente du ministère des Affaires étrangères dans son ensemble.

Restructurer le ministère des Affaires étrangères

L’organisation actuelle du ministère des Affaires étrangères mérite d’être revue pour une diplomatie plus gagnante à long terme...

Il serait intéressant de se référer aux expériences passées pour puiser une structuration conséquente capable de donner des résultats plus probants. La pluridisciplinarité des directions pourrait améliorer la qualité des prestations du ministère.

La formation des diplomates doit répondre à cette exigence. Nous faisons nôtre l’affirmation de l’Ambassadeur Bernard Dorin, dans son ouvrage intitulé Appelez-moi Excellence, Un ambassadeur par le... publié aux éditions Stanké en 200 l, qui soutient que « la diplomatie est plus qu’un état d’esprit ou une ambition de vie, c’est un véritable métier qui s’apprend certes « sur le tas », mais exige au préalable une pratique, minutieuse et cohérente ». Le diplomate doit être formé à savoir bien faire. Il est à la fois un spécialiste de l’analyse politique, de la négociation, de la prévention des conflits, de la représentation.

Le diplomate, qui doit être meilleur parmi les siens (les agents de la fonction publique nationale) et parmi ses pairs (les diplomates des autres pays et les fonctionnaires internationaux), a besoin d’une formation approfondie et complète. A la fois spécialiste du droit, de la politique, de la culture, de l’économie et du commerce, le diplomate du XXle siècle peut aisément passer alternativement d’une section à l’autre.

Cette pluridisciplinarité permet de faire des économies de temps au profit de la réflexion, de l’anticipation et de la prospective diplomatique c’est-à-dire politique, économique, géopolitique et géostratégique. Le ministère des Affaires étrangères devrait mettre en place un système de communication efficace, à l’interne et à l’externe.

Instaurer un véritable dialogue à l’interne

Le ministère des Affaires étrangères, à l’image d’une multinationale, à son interne dehors, ce qui exige une communication spécifique.

Aussi bien à la centrale que dans les postes diplomatiques et consulaires, il est nécessaire d’asseoir une communication participative. Il serait intéressant d’instaurer une communication ascendante pour connaître et comprendre les aspirations des agents. La communication latérale doit aussi être promue. Tout cela permet de disposer d’une communication consensuelle. Les occasions de rencontre et de dialogue doivent être plus régulières et plus ouvertes.

La fluidité de l’information entre la centrale et les postes diplomatiques et consulaires est la première condition de succès. Les autorités doivent travailler pour faciliter la transmission des informations de la centrale aux postes et vice versa car du partenariat étroit entre le ministère et ses services déconcentrés viendront les meilleurs résultats au jour du décompte. La communication avec les partenaires nationaux et étrangers mérite aussi une haute considération.

Promouvoir des relations publiques externes transparentes

Pour assumer sa mission de coordination des politiques et des actions internationales du Burkina Faso, le ministère des Affaires étrangères doit promouvoir une communication rapide et transparente à l’endroit de ses partenaires nationaux et étrangers.

Il est courant de constater que les autres ministères mènent leur diplomatie sans notification du ministère des Affaires étrangères. Ainsi, des télécopies sont envoyées directement à l’extérieur, des missions s’y rendent sans implication des services techniques du ministère des Affaires étrangères.

Chacun fait sa diplomatie. Pour éviter la conduite de notre diplomatie à différents niveaux due à l’incapacité, surtout à la lenteur, pudiquement appelée administrative, des services du ministère des Affaires étrangères et à la méconnaissance des autres ministères des risques de la diplomatie parallèle, il est souhaitable d’instaurer une communication pour éviter des dérives éventuelles.

Le ministère devra travailler à apporter un appui de qualité à toutes les institutions nationales, en tant qu’organe efficace de coordination et d’assistance de la politique étrangère du Burkina Faso. Son offre de service aux autres ministères, aux institutions publiques et privées, aux associations et organisations de la société civile et aux particuliers doit répondre au critère de rapidité, d’efficacité et d’utilité. C’est à ce prix, par l’apport d’une plus value au travail des autres, qu’il se fera accepter comme relais indispensable.

La même dynamique doit prévaloir dans le dialogue permanent avec les ambassades, les bureaux de coopération des Etats frères et amis et les institutions internationales accrédités auprès de notre pays. L’apport des acteurs non officiels des relations internationales est fondamental pour la réussite de l’entreprise diplomatique. La société civile doit être un partenaire privilégié pour contribuer à enrichir les débats sur les questions internationales.

Il faut à ce niveau repenser les missions et le rôle du porte-parole dont l’expérience a tourné court. Cela devra permettre une information régulière des citoyens sur certaines questions internationales. Signalons, ici, le nécessaire constant partenariat avec les médias, relais indispensable dans la chaîne de transmission des informations aux divers publics.

C’est en cela que la contribution de la diplomatie nationale à l’insertion de nos compatriotes dans la fonction publique internationale est source d’importants bénéfices. Ces fonctionnaires internationaux deviennent des ambassadeurs de fait pour la défense de nos intérêts au plan international. L’encadrement de nos compatriotes pour la réussite de leur expatriation est aussi important.

Le succès de notre diplomatie dépendra aussi de l’utilisation intelligente des nouveaux supports de communication planétaires, notamment l’internet qui permet une communication interactive instantanée.

Cet outil offre également des connaissances utiles pour répondre aux attentes des usagers du ministère. Aujourd’hui, pour avoir sa place au soleil, il faut être « branché » et ceux qui refusent de prendre le train de la mondialisation en marche se trouveront fatalement marginalisés, avertit l’Ambassadeur Dorin. Cela fait partie de l’amélioration des conditions de travail des agents du ministère des affaires étrangères. Le personnel du ministère des affaires étrangères, à la centrale ou dans les ambassades, a besoin d’être motivé. Il serait aussi souhaitable de créer un « cadre d’écoute ».

Améliorer les conditions matérielles

Le diplomate ne doit pas être dans le besoin au regard du double défi interne et externe qu’il est appelé à relever. 80 % des ressources financières pour le développement du Burkina Faso, ou du moins pour la lutte contre la pauvreté « au Pays des hommes intègres », proviennent de l’extérieur. Les diplomates sont les principaux acteurs de la mobilisation de ces ressources. Il est normal de leur donner les moyens matériels nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

La gestion transparente des carrières, des promotions et des missions à l’extérieur doit être faite dans le respect de l’équité, tout en favorisant la compétence et l’excellence.

Une commission multipartite pourrait s’atteler à l’identification des agents suivant leurs compétences et leur profil avant la décision politique finale. Il faut travailler à réduire les situations d’injustice, de blessure à l’amour propre des agents et l’indifférence des décideurs. La diplomatie est faite par des hommes et des femmes. Bernard Dorin défend qu’ « Elle est toute charnelle et si l’on méprise les hommes qui la font, on se prépare des mécomptes ».

Cependant, on assiste à la dégradation progressive de la situation financière des diplomates. Les affectations dans un poste diplomatique ou consulaire ou la participation à une mission à l’extérieur deviennent les seules voies de survie et de salut. La gestion des affaires internationales à domicile doit être encouragée. Les fonctionnaires qui restent à la centrale devraient bénéficier des avantages similaires à ceux qui sont en poste.

Cela permettra de réduire les frustrations. En plus, à l’image du ministère de l’Information qui offre ses services aux autres ministères et institutions et au regard de l’intrusion de l’international dans le domestique, il serait intéressant de placer des diplomates au sein des autres ministères, des institutions publiques pour jouer le rôle de conseillers diplomatiques ou de chargés des relations internationales. Dans cette dynamique, les agents des affaires étrangères pourraient servir auprès des gouvernorats pour assister les gouverneurs dans leurs entreprises en matière de coopération. Voilà des pistes qui donneront espoir à un corps dont la grande partie de ses membres sont victimes de son inertie.

Les diplomates burkinabè n’ont pas seulement besoin de pain, ils ont aussi besoin d’un saint à qui se vouer par la mise sur pied d’un cadre d’écoute et de dialogue social. Créer un « cadre d’écoute » Assaillis de problèmes matériels, financiers et moraux, les diplomates burkinabè ont besoin de se confier, de s’orienter, d’espérer.

Il serait souhaitable de mettre sur pied un cadre pour les écouter. Celui-ci devra être un espace impartial et humain « pour introduire justement un peu d’humanité dans le déroulement des carrières en prenant en considération les goûts des agents et leurs contraintes familiales », comme le recommande Bernard Dorin.

En somme, nous ne sous-estimons pas les ressources humaines, financières et matérielles indispensables que doit mobiliser l’Etat pour asseoir une diplomatie plus présente en Afrique et dans le monde. Mais, il faut le reconnaître et l’accepter, « Ce n’est pas parce qu’on est un pays pauvre qu’il faut faire une diplomatie de pauvre ! ».

Poussi Sawadogo

Institut Diplomatique et des Relations Internationales de Ouagadougou (IDRI)

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?