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La culture sans Mahamoudou Ouédraogo : La fin d’une époque ?

Publié le mercredi 11 janvier 2006 à 07h36min

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Mahamoudou Ouédraogo, fait commandeur de l’Ordre national le 11 décembre dernier

Rarement ministre aura marqué aussi positivement son domaine de compétence, ses collaborateurs, ses confrères, le public et l’extérieur. Puissent sa modestie et son humilité en souffrir, c’est là une vérité de La Palice.

Nous n’insinuerons pas que les autres (anciens) ministres sont moins méritants. Nous faisons seulement un constat qui est certes le fruit d’un concours de circonstances mais qui est suffisamment éloquent pour qu’on en parle.

L’autre raison qui justifie qu’on en fasse un sujet de réflexion c’est que dans un milieu (culture et information) où le moindre des péchés des acteurs est de renier les leurs qui gravissent l’échelle administrative, il aura réussi à rallier le maximum de suffrages et à faire taire ses contradicteurs de son environnement professionnel et des milieux politiques.

Certes, il a été aidé en cela par le président du Faso, Blaise Compaoré, qui lui a donné l’occasion de mériter ce qu’il vaut et de le soutenir sous forme de conseil.

Cependant, quelles que soient les compétences d’un maître nageur, ce n’est pas à lui de nager à la place de son élève.

Il prodigue à ce dernier les conseils nécessaires, lui donne les leçons appropriées et s’attend à ce que tout ceci soit mis en application. De la capacité d’assimilation de l’élève et de sa dextérité dans la mise en œuvre du contenu de l’apprentissage depend la suite.

Il y a également la contribution des autres ministres du gouvernement dans la mesure où le pays est un tout, même si pour des raisons pratiques de délégation de pouvoirs, la nécessité s’est imposée de procéder à un découpage ministériel, c’est-à-dire par secteur d’activités. A propos de la contribution des autres membres du gouvernement, deux exemples à titre d’illustration.

Si dans la mise en œuvre du programme d’activités du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme (MCAT), celui du Budget, pour une raison ou pour une autre, ne met pas à sa disposition des crédits, rien ne peut se faire et il n’y aurait point de lisibilité concrète des intentions du ministre qu’il est.

Si le ministère de l’Information ne servait pas de relai, à travers les organes de presse, entre le MCAT et le public, ses actions auraient été vaines.

En dépit de tout ce bémol, il reste que l’homme lui-même est doté d’une faculté de création hors du commun et convainc plus ses collaborateurs qu’il ne les instruits. Autrement dit, exécuter la décision d’un supérieur hiérarchique n’est pas nécessairement être convaincu de sa pertinence.

Or chez Mahamoudou Ouédraogo, la force de conviction qu’il a, la modestie dont il fait preuve vis-à-vis de son entourage et l’humanisme qui transpire font de lui un manager modèle dont bien des agents sont prêts à cirer les chaussures ; non pas qu’il les y oblige ou qu’il appelle cela de ses vœux, mais parce que celui que l’être craint le plus c’est celui qui le respecte, pas celui qui le menace, le tyrannise parce qu’il dispose d’une parcelle de pouvoir.

En général d’ailleurs, quand il se décide à reprimander ou à punir un collaborateur, même le premier concerné lui-même peut difficilement crier à l’injustice ou à l’acharnement auprès de ses collègues.

Mieux, nous avions rencontré un qui nous a avoué qu’en le sanctionnant, le ministre avait totalement raison et qu’il ne doit s’en prendre qu’a lui-même. Une telle preuve de franchise et d’honnêteté témoigne aussi du niveau de qualité des rapports entre le ministre et son agent.

Un comportement qui surprend peu

A la réflexion, il faut oser affirmer, quoique cela puisse faire jaser, que ce n’est le MCAT qui a révélé Mahamoudou, mais c’est Mahamoudou Ouédraogo qui a révélé le MCAT.

Pour une des rares fois que quelqu’un fait bien son boulot, n’ayons pas peur des mots ; partout où il est passé, il a mis le maximum d’agents et de citoyens d’accord sur son programme et sa gestion managériale :

la Télévision nationale du Burkina en tant que directeur, la présidence du Faso comme directeur chargé de la communication et le ministère de la Communication et de la Culture dont il était aux commandes pendant les moments tumultueux de l’affaire Norbert Zongo (qu’il a gérés avec une modération dont s’accommodaient mal nombre de caciques qui traînaient encore derrière eux les survivances de l’Etat d’exception révolutionnaire) ont pu s’abreuver des qualités de cet homme qui a été, il y a quelques années, élu ministre mondial de la Culture grâce à ce qui a été réalisé au profit de la culture sous son impulsion.

L’ironie, c’est que ceux qui s’étaient réjouis du fait que le volet communication lui avait été retiré en 2000 lors d’un remaniement ministériel ont vite déchanté quand il se sont aperçus que cela lui a permis de recentrer son action et de se concentrer sur un secteur qui a été jusque-là l’appendice d’autres. Les plus honnêtes d’entre eux ont même fini par reconnaître que sa gestion de l’affaire N. Zongo a permis d’éviter bien des travers.

Le fait de s’être vu confier la Commission chargée de la réconciliation nationale pour éteindre des feux que nous avons mis ou contribué à mettre ne corrobore-t-il pas la pertinence de son approche calme et tempérée des questions délicates ? Dans un certain sens oui, car entreprendre d’apporter sa contribution à la réunification d’une famille commande du tact, de l’humilité, de la tempérance.

On ne peut pas dire qu’il a réussi, mais il n’a pas suscité l’hostilité qu’à sa place d’autres auraient pu faire naître. De plus, il est des situations où il faut laisser le temps au temps, tout en menant des actions bien sûr, pour panser les plaies béantes causées par les vicissitudes souvent regrettables de l’histoire d’une nation en gestation.

Ce qui est considéré comme ses défauts

"En fait d’homme, soutient le philosophe, il n’y a que des imperfections". C’est dire si on peut déceler en l’homme des défauts, des erreurs, des vices...

Pour les professionnels de la politique dont la plupart sont le produit du mouvement étudiant et de l’Etat d’exception révolutionnaire, ces défauts sont de deux ordres :

D’abord son manque d’assise populaire. En d’autres termes, il n’a aucun mandat électif et n’a jamais cherché à en avoir alors que, contre toute attente, Blaise Compaoré lui fait confiance. Dans la même foulée, l’importance qu’il accorde à la technique, considérée comme le domaine où il excelle le plus dans la construction du pays dérangerait plus d’un.

Ensuite, pour beaucoup de gens qui comptent, sa propension à la conciliation, à la tempérance, à la modération n’est pas équilibrée par la fermeté, voire la violence qui sont l’autre expression caractéristique du pouvoir. Cela ferait le lit au laxisme sans oublier qu’en cas de crise, le manque de fermeté peut saper les fondements du régime en place. Quant à nous, nous pensons que ces arguments sont bien limités du point de vue de leur rigueur.

En effet, à moins de réfléchir comme sous l’Etat d’exception, l’Etat de droit démocratique est par excellence celui du calme et de la tempérance. Les agitations et les excitations n’y ont pas leur place. Parfois, elles ont contribué du reste à compliquer des situations qui pouvaient se dénouer sérieusement. D’un autre côté, n’oublions pas non plus que l’exercice du pouvoir est une autre école et que quand on y entre, on apprend. Il est certain que Mahamoudou Ouédraogo est plus ferme aujourd’hui qu’hier.

Enfin, si le profil de sa personnalité (au sens psychologique du terme) devait faire le lit du laxisme, cela se serait remarqué partout où il est passé. Mais que nenni ! Alors concluez vous-même.

Quelle va être la suite ?

Est-ce la fin d’une époque comme nous nous sommes interrogé dans le titre ? A priori non. Aline Koala, qui lui succède, a été directrice du Livre et de la Promotion littéraire (DLPL), a dirigé la TNB sous Mahamoudou Ouédraogo avant de présider aux destinées du secrétariat général du Conseil supérieur de la communication (CSC).

Elle a donc bu aux sources de M. Ouédraogo et de Luc Adolphe Tiao (un autre poids lourd du CSC. Et puis, c’est son ministère d’origine même s’il faut se méfier du préjugé qui veut qu’on connaisse son ministère et qu’on n’y compte que des amis au regard des sourires (jusqu’aux oreilles) qu’on vous sert en tant que ministre.

Il n’est un secret pour personne que l’information et sa sœur jumelle, la culture, sont des secteurs difficiles ou réputés tels. Par ailleurs, succéder à quelqu’un comme son prédécesseur n’est pas chose facile.

Cependant, la nouvelle ministre a côtoyé suffisamment de personnes, été au carrefour d’idées et d’humeurs qui, en principe, doivent l’avoir déjà formée pour ce poste. En cela, elle a un exemple en face, dont elle peut s’inspirer : Joseph Kahoun. Après avoir appris sagement sous l’ombrelle protectrice de M. Ouédraogo, il fait, à son tour, son petit bonhomme de chemin malgré les péripéties et la particularité de son département.

Cela dit, on sait Aline Koala rigoureuse mais attention à ne pas faire dans le rigorisme. On la sait également ferme mais attention à ne pas faire dans l’autoritarisme.

Car la gestion des artistes nécessite plus le cœur que la raison. Effectivement, pour beaucoup, ce sont des talents, c’est-à-dire des dons qu’ils expriment. Ce n’est pas l’interprétation hégélienne rationnelle de l’histoire comme elle l’a apprise en "grands courants de la pensée contemporaine" (Cours de philosophie en lettres modernes à l’université de Ouagadougou au début des années 80).

Convaincre les artistes nécessitera donc un peu de raison et surtout du cœur que la mère qu’elle est ne devrait pas en manquer. De cette façon, ce serait la continuation et l’enrichissement de l’existant. Ce qui ne devrait désorienter ni ses collaborateurs, ni les artistes, ni le public.

Z.K.
L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 11 janvier 2006 à 17:52, par Valy En réponse à : > La culture sans Mahamoudou Ouédraogo : La fin d’une époque ?

    Des hommes comme Mahamoudou Ouédraogo, le gouvernement burkinabé en a besoin pour atteindre ses objectifs. Des hommes qui se donnent à fond pour la réussite de leur mission. Des hommes qui croient au développement de leur pays. Des hommes qui savent ce pour quoi on les a confié des responsabilités. Du courage à Mme le Ministre car il n’est pas facile de remplacer une personne qui s’est donnée à fond pour la culture burkinabé. C’est aussi l’occasion qui lui est offerte pour confirmer ses compétences dans ce domaine.

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