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Burkina Faso : "Grand petit pays ouvert sur le monde"

Publié le vendredi 23 janvier 2004 à 10h02min

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Le professeur de maths-phsiques, Ali Lankoandé aujourd’hui à la retraite, avait une très bonne habitude de grand pédagogue dans les années 1960, au lycée Philippe Zinda Kaboré de Ouagadougou. Il disait à ses élèves, réfractaires comme moi aux mathématiques : "A force de répéter qu’on est un âne, on finit par le devenir".

C’est tellement vrai que chacun peut le constater dans les images négatives que la majorité écrasante des élites intellectuelles et politiques africaines ont d’elles-mêmes, de leurs pays et de l’Afrique. A force de répéter que nous sommes "pauvres", "arriérés", "faibles" "divisés et incapables de nous unir", nous avons fini par le devenir au bout de 44 ans seulement, entre 1960 et 2004.

A l’inverse, la Chine populaire de Mao Tse Toung, que le reste du monde méprisait en 1960 mais qui s’est dotée d’une élite intellectuelle nationaliste, déterminée à recoller "les mille morceaux" de Chine créés par les puissances impérialistes européennes (cf. guerre de l’opium et ses seigneurs de la guerre) se dresse fièrement aujourd’hui face aux USA avec lesquels, la Chine traite d’égal à égal.

En ce début d’année, il me paraît important de partager mon diagnostic de la vie politique et sociale de notre pays en 2003, livrer mes réflexions, mes espoirs et mes espérances pour 2004 dans un esprit de "positivité lucide".

Une excellente pluviométrie 2003 a autorisé le sourire sur tous les visages de tous les agriculteurs et éleveurs (90 % des Burkinabè) même si ici et là, les inondations ont fait des dégâts. En Europe, on dit, "Quand le bâtiment va bien, tout va bien" ! Au Burkina Faso, "Quand la pluviométrie va bien, tout va bien," ! Et comme aimait à le répéter, le regretté Harouna Idani, (1) père d’un ami : "laa n gâand ti kom ka vêer ye" !

Dans nos villages, les bonnes récoltes doivent pouvoir servir à faire reculer les maladies, satisfaire en partie les immenses besoins en connaissances (écoles, alphabétisation, formation, progrès techniques élémentaires), et vaincre l’ignorance, mère de toutes les pauvretés au monde.

Dans les villes, les problèmes sociopolitiques restent fondamentalement les mêmes : chômage endémique, salaires incapables de se hisser au niveau de la hausse des prix des produits importés qu’il faut coûte que coûte consommer, blocages fréquents du dialogue social entre ceux qui gouvernent et ceux qui se sentent malgouvernés, difficultés d’ancrage des institutions démocratiques dans les esprits et les comportements, divorce entre l’institution et le citoyen, entre l’Etat et la Nation. La Nation est ici comprise comme "La totalité des volontés individuelles de vivre ensemble par la soumission consciente aux même règles et aux mêmes lois". En 2003, ces contradictions n’ont pas trouvé de solutions durables.

Il m’est arrivé de me demander si tous les acteurs de notre scène sociopolitique pouvaient parler des mêmes choses dans la même langue française, notre seule et unique langue officielle. Mais, même dans ce cas, il faut aussi se doter d’une capacité d’écoute pour autoriser la communication et l’échange.

Démocratie, justice sociale, justice tout court, libertés, liberté d’expression, droit à la vie et vie du droit, égalité des citoyens, demeurent des concepts abstraits, "clairs-obscurs", que chaque catégorie sociale organisée et chaque citoyen "éduqué" et "diplômé" estime devoir interpréter au gré de ses intérêts immédiats ou futurs, de son niveau de conscience citoyenne ou de sa position sociale.

Par exemple, quand le gouvernement parvient à satisfaire une juste et légitime revendication syndicale des travailleurs, ces derniers s’exclament : "Le pouvoir a capitulé ! La lutte continue par tous les moyens jusqu’à la victoire finale !". Le dernier bout de phrase autorise les défenseurs du gouvernement à affirmer : "C’est de la politique de déstabilisation d’opposants camouflés derrière les syndicats. Ils cherchent le pouvoir comme l’indiquent les propos, "Par tous les moyens jusqu’à la victoire finale" ! Comment s’en sortir ? C’est en forgeant que l’on devient forgeron. C’est en cultivant la volonté politique, la foi et la confiance en soi que l’on peut espérer voir naître et grandir des ambitions collectives mobilisant toute l’élite dirigeante du pays.

L’école, le statut officiel, la place et le rôle de nos langues maternelles, à l’école et dans la vie constitutionnelle sont les axes fondamentaux, les socles, les bases d’appui les plus fermes pour asseoir un Etat, produit de la Nation et construire une société moderne.

Sur ce chemin, le Burkina Faso a été, est et restera en 2004, "Un pays dur, sec, parfois violent, mais toujours courageux... Un grand petit pays ouvert sur le monde".

(1) c/- Zyad Limam 2003. La résistance et l’ambition. In "JA/L’Intelligent" N° 2221 du 3/9 août 2003

(1) En moore= "Endors-toi, avec le sourire, car il n’y aura pas de famine l’année prochaine". Feu Harouna Idani a porté ce surnom toute sa vie et ses enfants en ont hérité chacun. Il sont, "Seydou lann gâang" ou "Bona laan gâand" ou "Omar laan gâand".

Prof. Basile L. GUISSOU
CNRST
03 BP 7047 Ouagadougou 03

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