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Code électoral : Lettre ouverte de Soumane Touré à la CENI

Publié le vendredi 6 janvier 2006 à 04h40min

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Monsieur le Président,

Dans votre correspondance du 15 novembre 2004 adressée aux partis politiques et relative aux élections locales initialement prévues pour le 15 février 2006, puis reportées par une décision gouvernementale du 12 mars 2005, vous écrivez : « Les partis ou regroupements de formations politiques sont tenus de présenter des listes de candidats dans tous les villages et/ou dans tous secteurs d’un même arrondissement ou d’une même commune ».

Ainsi, vous exigez des partis politiques, lorsqu’ils présentent des candidatures dans une commune, d’être présents dans chaque circonscription électorale à savoir chaque village dans les communes rurales et chaque secteur et village dans les communes urbaines. Lors de la rencontre avec les partis politiques le 21 décembre 2006 vous êtes revenu sur votre exigence et vous avez spécifié que les partis politiques qui ne se conformeront pas à votre exigence verront leurs dossiers de candidatures rejetés par les démembrements de la CENI.

Lorsque les partis politiques dans leur grande majorité ont protesté, vous avez expliqué que votre exigence était fondée sur votre interprétation des articles 246 3e alinéa et 75 dernier alinéa du code électoral. En outre, vous ajoutiez que c’est du régionalisme si un parti politique ne présente pas de candidats dans un village d’une commune.

Nous venons, par la présente, vous marquer notre désaccord avec votre interprétation des dispositions du code électoral.

En effet, selon l’article 236 alinéas 1 et 4 la circonscription électorale dans les élections locales est le village et le secteur. Par ailleurs, selon l’article 246 alinéa 4, la liste est établie par circonscription électorale et doit être complète. Cela veut dire donc que la circonscription électorale étant le village ou le secteur, la liste par secteur ou par village doit être complète en comportant au moins deux ou trois candidats par village, deux ou six candidats par secteur selon qu’on est dans une commune rurale ou dans une commune urbaine.

Comment peut-on vouloir invalider toutes les listes d’un parti politique dans une commune sous prétexte qu’il n’a pas de candidats dans un village ou dans un secteur ? Vous voulez fonder votre argumentation sur l’alinéa 3 de l’article 246 qui stipule : « les partis ou regroupements des formations politiques ne sont pas tenus de présenter des listes de candidats dans toutes les communes ou dans tous les arrondissements.

Toutefois, ils sont tenus de présenter des listes de candidats dans les secteurs d’une même commune ou d’un arrondissement ». Comme vous le constatez, cet alinéa parle de liste de candidats dans les communes d’avant la communalisation intégrale et ne peut pas concerner les communes rurales où il n’y a pas de secteurs. Nulle part dans l’article 246 on ne voit une disposition qui oblige les partis politiques à présenter des candidats dans chacune des circonscriptions électorales, donc dans chaque village d’une commune rurale.

Il se peut que le législateur ait oublié de relire cet alinéa au moment de la communalisation intégrale pour l’étendre aux communes rurales où il n’y a que des villages comme circonscriptions. Mieux, les chefs-lieux de départements sont devenus de simples villages suite à la dernière relecture du code des collectivités territoriales par le gouvernement à la dernière session de l’Assemblée nationale.

Vous avez essayé également d’appuyer votre argumentation en évoquant l’article 76 dernier alinéa qui stipule : « Pour les élections municipales, le bulletin unique est établi par commune ou par arrondissement ». A la réflexion on ne voit pas le lien de cet article avec votre exigence d’obliger les partis politiques à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions électorales d’une commune, d’autant plus que le décompte des voix pour le candidat se fait par circonscription électorale c’est-à-dire par secteur ou par village et non au niveau de l’ensemble des villages ou des secteurs d’une même commune.

Enfin votre argument taxant de régionalistes les partis politiques qui n’auront pas de candidats dans un village d’une commune rurale, est pour le moins déroutant. Même en faisant un parallèle avec l’élection des députés, les partis politiques n’ont jamais été qualifiés de régionalistes parce qu’ils n’avaient pas présenté de candidats dans une région ou dans une province. Le législateur pour inciter les partis politiques à ne pas s’enfermer dans une région ou dans une province a tout juste prévu la liste nationale que les partis peuvent présenter sans être forcément présents dans toutes les provinces ou dans toutes les régions.

Votre interprétation est donc erronée lorsque vous voulez obliger les partis à être présents dans tous les villages ou tous les secteurs d’une même commune dans le cadre des élections municipales qui sont par excellence des élections de proximité dans une entité territoriale (la commune) considérée comme la plus cohérente, et dans une circonscription électorale, le village ou le secteur, considérée comme l’entité la plus homogène.

Monsieur le Président,

Votre interprétation soulève par avance un problème : qu’adviendrait-il, si un parti politique après avoir présenté des listes dans toutes les circonscriptions électorales d’une commune, voit une de ses listes annulée pour une raison quelconque ? Ce parti serait-il disqualifié dans l’ensemble de la commune ? Vous voyez que votre interprétation de l’alinéa 4 de l’article 246 entraîne des conséquences auxquelles vous n’avez sûrement pas pensé.

Monsieur le Président,

Votre interprétation qui oblige les partis politiques à présenter des candidats dans toutes les circonscriptions électorales est incongrue dans la tradition électorale de la 4e République. Jamais un parti politique n’a été pénalisé parce qu’il ne présente pas de candidature dans toutes les circonscriptions électorales et ce n’est pas parce que les élections locales vont concerner les plus petites circonscriptions électorales (les villages et les secteurs) que vous allez y déroger. A preuve la caution est payée par village ou par secteur et non par commune ou par arrondissement.

Manifestement vous allez contre la « jurisprudence électorale » dans la mesure où lors des deux consultations municipales vous trouverez des partis qui n’avaient de candidatures que dans quelques secteurs. Ainsi, en 2 000 le NDS n’avait que trois listes et le RDP de Nana T. n’avait qu’une liste à Ouagadougou où il a été élu conseiller municipal.

Monsieur le Président,

Sur la base de l’interprétation des dispositions du code électoral, vous avez instruit les démembrements de la CENI à ne pas recevoir les dossiers incomplets c’est-à-dire ne comportant pas les candidatures au niveau de tous les villages ou de tous les secteurs d’un arrondissement. Nous croyons sincèrement que cela est abusif de votre part, puisque vous brûlez les étapes de la procédure électorale. Les démembrements à cette étape ne sont habilités juste qu’à recevoir les dossiers et à délivrer un récépissé de dépôt qui ne préjuge pas de la recevabilité des candidatures présentées (art 247).

L’étape suivante est l’examen et la validation des listes de candidatures par la commission ad hoc de validation (art 247) ce qui peut donner lieu à ces recours. C’est la procédure qui doit être appliquée à toutes les élections, comme nous l’avons vu lors de la dernière élection présidentielle : toutes les candidatures ont été reçues dans un premier temps pour ensuite être examinées et validées ou invalidées.

Pour la première fois dans notre histoire politique nous organisons des élections pour la communalisation intégrale et d’énormes problèmes et difficultés se posent. N’en rajoutez pas par des interprétations erronées ou abusives du code électoral. Et comme vous le répétez vous-même, la CENI applique la loi, elle ne l’interprète pas. Et lorsqu’il y a des difficultés avec les partis politiques vous gagnerez à prendre l’avis du Conseil constitutionnel pour nous faire l’économie du contentieux.

Pour le Bureau, le Bureau Exécutif Central
Touré Soumane

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