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Désignation des candidats aux municipales : La base muselée

Publié le vendredi 6 janvier 2006 à 04h46min

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En mars prochain, le Burkina entrera de plain-pied dans la
communalisation intégrale de son territoire avec les élections
municipales. Un retard à l’allumage a nécessité un report du
scrutin presqu’à la demande générale. Impréparation et guerre
de positionnement en sont les raisons principales.

Si la
première répond à des impératifs techniques et logistiques, la
seconde par contre est le reflet du choc des ambitions
personnelles et du clientélisme politique au sein des partis
politiques.
Pourtant, la communalisation devrait être l’expression même de
la démocratie à la base.

Mais le risque est aujourd’hui grand de
voir les partis politiques prendre en otage un processus qui doit
en principe offrir de nouvelles perspectives de développement à
la base. En l’absence de candidatures indépendantes, les partis
politiques sont aujourd’hui, le haut lieu où se manifeste un
certain nombre de dérapages dangereux pour l’esprit de la
décentralisation. Les partis politiques cherchent à récompenser
leurs militants, les plus méritants, à leurs yeux.

Mais, il faut reconnaître que ce processus est également une
occasion pour les incapables et les intrigants d’accéder à des
postes de responsabilité. La courte échelle est devenue le
mode opératoire de toutes les ambitions, même les plus
obscures. Ainsi, la compétence et le fait d’être reconnu et voulu
par la base ne suffisent plus.

L’exemple de ce fonctionnaire mis
à la retraite par son département pour briguer un poste de
conseiller et qui fait face à la fronde des politiciens, en dit long
sur les enjeux du scrutin local. L’omniprésence, voire la dictature
des partis politiques sur le choix des citoyens, est un danger
pour la démocratie à la base.
Pourtant , ils sont nombreux ces partis qui ont édicté des textes
qui stipulent clairement que les candidats doivent être désignés
par les comités sectoriels de base.

Malheureusement, comme
dirait l’autre, il y a les textes et il y a la réalité. Cette réalité, c’est
le parachutage d’individus sans base et ne connaissant pas les
réalités de la cité qu’ils prétendent vouloir gérer. A s’y
méprendre, elle fera le lit à l’échec programmé du processus de
décentralisation avec en sus son cortège de frustrations. L’on a
déjà évité des affrontements entre partisans de tel ou tel
candidat. Mais, le pire n’est jamais loin, à trop vouloir jouer avec
le choix des populations. L’acte de voter n’est point mécanique. Il
obéit à un certain nombre de considérations affectives, sociales
et politiques. C’est la traduction dans les faits d’un engagement
militant.

Mais cela suppose auparavant que le vote a fait l’objet
d’une "transaction" où l’electeur a été conquis par la
personnalité et le projet du prétendant.
Dans le cas contraire, ce seront alors une atteinte grave à
l’esprit même de la décentralisation et un travestissement des
pouvoirs locaux qui deviendront en fait un prolongement de la
régence des partis avec son lot de courtisans incompétents,
plus soucieux de leur positionnement dans l’échelle du parti
que de la tâche pour laquelle ils ont été désignés.

Au contraire ,
ces strapontins obtenus de "hautes luttes" devraient être une
occasion de montrer ce qu’on a dans le sac en termes
d’ambitions pour sa cité. Un tremplin donc pour montrer des
résultats sur le terrain et non l’antichambre de politiciens
déchus en quête d’une nouvelle virginité, d’un second souffle.

Le pays tout entier est donc à un virage important de son
processus démocratique. Il coïncide avec le début d’un mandat
présidentiel. Ce qui veut dire que le chef de l’Etat comptabilisera
dans son bilan politique, les acquis et les échecs du processus
de décentralisation qui a pris le temps qu’il fallait pour se mettre
en branle. Il ne serait pas inutile, dès lors, qu’ils rappellent les
uns et les autres à l’ordre, surtout les militants de son parti où
les remous sont plus perceptibles.

Les déboires observés dans
la gestion des communes de plein exercice ont montré la
nécessité de donner un signal fort à tous ces acteurs qui
confondent la gestion de la cité à des opérations de
lotissements tous azimuts.
Les élections municipales sont par définition un scrutin local
où les populations à la base désignent par voie démocratique
les représentants pour gérer la cité. Les 302 communes
représentent un enjeu politique réel pour les partis politiques
qui vont tester leur représentativité au plan national.

C’est une
sorte de répétition pour les législatives de 2007. Les
municipales sont donc une affaire sérieuse. Sérieuse
également en termes de dynamique de développement et de
positionnement des partis politiques. C’est pourquoi, il est
impérieux que les états-majors politiques concilient les
aspirations de la base avec leurs intérêts stratégiques s’ ils ne
veulent pas porter, une fois de plus, la responsabilité de l’échec
de cette nouvelle expérience.

Il s’agit de laisser agir les
populations dans le sens de leurs intérêts et des priorités
qu’elles se sont données en toute liberté ; de leur permettre,
pour une fois, de s’exprimer simplement et en vérité.

"Le Pays"

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