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Femmes et politique : Burkina Faso, une politique à visage masculin

Publié le lundi 2 janvier 2006 à 08h32min

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Le vent de la politique ne semble pas souffler pour les femmes burkinabè. Leur représentation dans l’arène politique reste jusque-là faible, malgré un environnement juridique et institutionnel favorable. Regard sur la participation politique des femmes de 1990 à nos jours.

Les femmes occupent une place primordiale dans l’architecture démocratique de toute société (confère sa forte implication dans les élections). Elles représentent plus de 50% de la population africaine. Au Burkina Faso elles sont 52% de la population.

Mais en dépit de leur rôle socio-économique de premier plan et des espérances soulevées par le vent de démocratisation depuis 1990, les femmes restent sous-représentées dans la vie politique. L’accès des femmes aux postes de responsabilité politique, de l’Indépendance à nos jours, demeure un processus lent et fort limité, malgré les déclarations faites par le gouvernement burkinabè, à de multiples occasions sur la nécessité d’impliquer davantage de femmes dans la gestion des affaires de l’Etat.

Or, les femmes constituent le pilier central de l’électorat des partis politiques. Elles sont généralement électrices, qualifiées à tort de bétail électoral et leur mobilisation massive lors des compétitions politiques nationales ne souffre d’aucun débat. Qu’est-ce qui justifie alors cette faible représentativité sur la sphère politique si ce n’est la rigueur des préjugés et les comportements culturels qui en font des citoyens de seconde catégorie, victimes de discrimination de toute nature. Pourtant le Burkina a ratifié tous les instruments juridiques internationaux et régionaux qui, garantissent le principe de l’égalité de droit entre l’homme et la femme.

Tous les principes d’égalité et de non-discrimination contenus dans ces documents fondamentaux ont été intégrés dans la législation nationale. Des institutions en charge de la protection et de la promotion de la femme ont été mises en place.

C’est le cas du ministère de la Promotion de la femme, et celui des Droits humains. Une Commission de lutte contre les discriminations faites aux femmes (CONALDIS) a été mise en place. Elles contrôlent l’application effective de la Convention de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Elle produit un rapport tous les quatre ans. D’autres structures telles la Direction de la coordination des associations féminines (DCAF) la Direction du plaidoyer et de l’habilitation pour la promotion de la femme (DPHPF), la Direction des affaires juridiques (DAJ), la Direction du genre et du développement (DGD), la Direction de l’encadrement et du suivi des actions en faveur des femmes et des jeunes filles (DESAFJF) ont été mises en place. A côté de ces structures gouvernementales, existent des associations et organisations non gouvernementales œuvrant également pour la promotion de la femme. Et pourtant, sur le terrain, la réalité est toute autre.

Les énormes embûches

Le statut socioéconomique (sexe faible, manque de ressources financières) semble constituer pour la plupart du temps un handicap pour la femme. Il l’empêche d’accéder aux postes de responsabilité politique. A ce facteur s’ajoutent les pesanteurs politiques. Ainsi, les systèmes politiques ne sont pas sans influence sur l’action politique des femmes.

En effet, ces systèmes semblent être conçus conformément à des visions affectées par la domination masculine. Ils sont le fruit d’un univers qui masculinise la domination, selon Pierre Bourdieu, écrivain français. Pour le cas du Burkina, Mme Nestorine Compaoré, écrivaine estime que le scrutin proportionnel de liste ne facilite pas la promotion des femmes, dans la mesure où les partis politiques, fortement affectés par la domination masculine “donnent rarement des investitures à des femmes”.

Pendant les scrutins, les femmes sont généralement positionnées en fin de liste. A tous ces facteurs entravant la participation de la femme à la vie politique vient se greffer le poids socioculturel. L’action politique des femmes est donc soumise à des contraintes sociales qui ne la favorisent pas. Pour sa part, l’écrivain philosophe et homme politique grec Xénophon affirmait que : “Les dieux ont créé la femme pour les fonctions de dedans, l’homme pour toutes les autres... pour les femmes, il est honnête de rester dedans et malhonnête de traîner dehors”.

Femmes et élections

Une vision qui semble faire école puisque beaucoup de femmes refusent de prendre la parole, de décider ou même d’accéder à des postes de responsabilité tout simplement parce qu’elles ont peur. Peur de s’afficher, peur d’échouer. Selon l’analyse faite par Mme Kadidiatou Tall, écrivaine burkinabè, la modification du code électoral qui ramène le nombre de conseillers municipaux dans chaque secteur de 6 à 3, constitue une aubaine pour les femmes. De son étude réalisée en 1995, les élections municipales concernaient 41 communes dont 33 de “plein exercice” et 8 communes d’arrondissement.

Bien que le nombre soit passé de 41 à 57 en 2000, elle constate que le nombre total des candidats est demeuré sensiblement égal entre 1995 à 2000 soit respectivement 4 968 candidats en 1995 et 5 184 en 2000. A ces deux consultations, les femmes candidates étaient minoritaires d’autant plus qu’elles ne représentaient que 10,5% en 1995 au poste de conseiller et cela n’a que peu évolué en 2000 avec une proportion de 18,4% soit un écart de 7,9% entre les deux élections.

C’est une augmentation de 400 femmes dans les communes qui est constatée, atteste-t-elle. Ces pourcentages ont varié considérablement d’un parti à un autre. C’est ainsi que certains se situaient à plus de 30% de femmes alors que d’autres, poursuit Mme Tall, ne dépassaient pas les 5%. Entre 1995 et 2000, elle souligne que des avancées sont perceptibles dans les partis comme le CDP qui passe de 12,9% de femmes candidates à 28,3% et l’ADF/RDA passant de 9,4% à 14,00%. En 2000, les partis ayant présenté plus de 200 candidats aux communales présentaient diverses proportions des femmes candidates.

Ce sont : CDP : 28,3%, ULD : 24,5%, MTP : 19,1%, UDF : 18,0%, Les Verts : 15,3%, ADF/RDA : 14,0%, PNP : 13,4%, PAI : 9,6%. Les femmes candidates étaient donc présentes lors des communales de 1995 à 2000. Toutefois, on était loin d’atteindre la parité. A l’issue des élections, le pourcentage de femmes élues dans “les conseils communaux étaient de 9% en 1995 et de 21% en 2000 soit une augmentation de 76 conseillères”. De l’avis de Mme Tall : “La majorité des femmes élues s’est concentrée dans un parti, soit le CDP. Parmi les 228 conseillères élues, 210 l’ont été sous la bannière du CDP, il s’agit d’une situation compréhensible quand on sait que ce parti a fait élire près de 75% de l’ensemble des conseillers municipaux en 2000”.

Que faire pour changer la donne quand on sait qu’il y a des échéances électorales (les municipales) qui s’annoncent pour mars 2006 et que les femmes se préparent aussi pour les législatives de 2007 tout en ayant l’espoir que le quota des 30% sera appliqué à ces élections.A cette interrogation, l’avocate sud-africaine, G. Mongella prône un “environnement habilitant” car pense-t-elle, l’environnement politique et le système politique doivent être propices.

Pour ce faire, elle préconise la solidarité entre femmes politiques pour une participation efficace des femmes dans la vie politique. Elle soutient que “chaque fois que possible, celles d’entre nous qui occupent un poste où elles ont de l’influence se doivent de faire en sorte que d’autres femmes progressent”. Ainsi, pour elle, les femmes politiques doivent s’entraider afin de pouvoir aider les autres à mieux se positionner dans le champ politique chaque fois que l’occasion est offerte.

Cela se caractérise aussi par la capacité pour elles de “prendre connaissance des possibilités qui se présentent et d’en informer les autres”. Si les femmes n’ont pas osé se présenter à la présidentielle de novembre 2005, elles le feront certainement pour les municipales et les législatives de 2006 et de 2007. Et puisque le président du Faso, Blaise Compaoré a fait de l’approche genre un des principaux points de son programme de société, les femmes doivent alors s’armer de courage et relever le défi (pour peu que les hommes leur cèdent un tout petit espace).

A. Verlaine KABORE
Sidwaya

Source : Centre pour la gouvernance démocratique
Burkina Faso

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