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Coopération militaire et sécuritaire : L’impossible multilatéralisme de la France

Publié le jeudi 29 décembre 2005 à 08h03min

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Devant le camp du 43e BIMA à Abidjan

Dans une interview accordée à RFI, le directeur de l’Institut des
Relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal
Boniface, a abordé ce que devrait être la nouvelle politique
française en matière de coopération militaire et sécuritaire avec
les Etats africains.

Selon les règles de la nouvelle politique,
telles que souhaitées par l’IRIS, les interventions militaires de la
France en Afrique doivent désormais se faire dans un cadre
multilatéral, c’est-à-dire soit dans le cadre des structures
sous-régionales comme la CEDEAO, soit dans le cadre des
organisations internationales comme l’ONU. L’autre
caractéristique de cette nouvelle option hexagonale c’est la
transparence, au nom de laquelle des ex-responsables de
l’"opération Licorne", en Côte d’Ivoire, font aujourd’hui face à la
justice de leur pays dans le cadre de l’affaire Mahé.

Dans cette
logique, tous les anciens accords bilatéraux de défense et de
sécurité de la France avec ses pré-carrés du continent
deviennent caducs. Mais si les propos de Pascal Boniface sont
raisonnables au regard de l’échec de certaines interventions
militaires françaises en Afrique, comme ce fut le cas lors de
l’opération turquoise en juin 1994 au Rwanda, des
interrogations subsistent quant à la capacité de la France à
suivre dans les faits, cette nouvelle politique de coopération
militaire et sécuritaire avec ses anciennes colonies. Peut-elle,
compte tenu des enjeux, souscrire au multilatéralisme ?

Cela
est difficile au regard des avantages économiques et
stratégiques que cela génère. Certes, des discours de certains
hommes politiques français et quelques actions de
démantèlement d’anciennes bases militaires sur le continent
peuvent faire penser le contraire, mais la réalité est tout autre.
La France ne saurait se départir des accords qui la lient à
certaines de ses colonies car ils constituent un garant à la
défense de ses intérêts. Si elle se hasarde à le faire, ce sera à
ses dépens.

Déjà, à la faveur de la question de la lutte contre le
terrorisme, les Etats-Unis collaborent avec de nombreux Etats
du continent, parmi lesquels figurent certains pays de l’ancien
empire colonial français. Dans ce contexte, inscrire ses actions
militaires et sécuritaires en Afrique dans le strict cadre
multilatéral, c’est céder tout le terrain à ses concurrents
(Américains, Britanniques).

Or, la logique stratégique veut
qu’elle soit toujours présente, même en l’absence de conflits. Et
la France ne perd pas de vue cette réalité. C’est pourquoi, tout
en démantelant certaines de ses anciennes bases militaires
sur le continent, elle procède à un redéploiement de ses
troupes et travaille à installer d’autres dans des zones qu’elle
estime stratégiquement sensibles. C’est le cas de la base
militaire de Djibouti, installée pour contrecarrer un peu
l’hégémonie américaine dans la Corne de l’Afrique. En effet,
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Américains ont
renforcé leur présence militaire dans la région, ce qui n’a pas
laissé la France indifférente.

On le voit, la plupart des actions
militaires et sécuritaires des Etats occidentaux en Afrique
s’inscrivent dans la logique de la défense de leurs intérêts qui
peuvent être économiques, stratégiques, géopolitiques ou tout
cela à la fois. Ainsi, n’hésitent-ils pas à fouler au pied les
aspirations des peuples africains pour entretenir des relations
avec les dirigeants d’Etats peu fréquentables en matière de
démocratie sur le continent.

C’est par exemple, les cas des
autorités d’Addis Abeba et de Khartoum qui jouissent du soutien
des Etats Unis alors qu’elles ne sont pas du tout respectueuses
des droits humains. C’est pourquoi, dans un souci de défense
réelle des intérêts des peuples africains et de la promotion de la
démocratie en Afrique, il est temps d’essayer la solution d’une
force africaine de maintien de la paix, plutôt que de toujours
miser sur les assistances intéressées des partenaires du Nord.

A ce niveau, les moyens existent. En effet, de nombreux études
ont démontré que la plupart des budgets militaires des pays
africains dépassent de loin ceux consacrés aux secteurs
sociaux comme l’Education et la Santé. Il suffirait d’une infime
partie de ces crédits pour alimenter cette force continentale.

Sans doute, si un tel projet voyait le jour, il conférerait plus
d’indépendance aux Etats africains. Encore, faut-il une réelle
volonté politique de la part des dirigeants du continent. Et, en la
matière, la nouvelle classe dirigeante africaine est loin de
rassurer par son comportement sur fond de compromissions et
de démission.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 2 janvier 2006 à 02:40, par Kenneth EDUSEI En réponse à : > Coopération militaire et sécuritaire : L’impossible multilatéralisme de la France

    Le concept "RECAMP",le redéploiement des forces etc...ça c’est le discours officiel ;mais notre équation demeure la même.Il est question pour la France d’être présente et de défendre ses intérêts d’abord.Le multilatéralisme n’est pas seulement impossible pour la France,il est tout simplement suicidaire.

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