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Collectif : Vaine recherche d’une seconde jeunesse

Publié le vendredi 16 décembre 2005 à 07h26min

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C’est par une déclaration et une conférence de presse que le Collectif des organisations démocratiques de masses et des partis politiques que dirige Halidou OUEDRAOGO a annoncé les couleurs. Comme chaque année depuis 7 ans, il entend prouvé son existence en se rappelant au souvenir des uns et des autres mais aussi et surtout de celui des « bailleurs de fonds » qui ont fini de comprendre que « la lutte contre l’impunité » de certains parangons de vertus n’est ni plus ni moins qu’un commerce honteux, pour ne pas dire crapuleux.

D’ailleurs n’est-ce pas l’autre qui était du groupe qui a dit que c’est devenu « un champ de cacao » pour eux ? En tout cas, les soubresauts actuels de ce Collectif suscitent moult interrogations.

En réalité pour beaucoup, le Collectif dont la virulence s’est éteinte du fait de conditions objectives qui militaient à cela n’est plus que l’ombre de lui-même, même si ses géniteurs refusent de dire la messe de requiem. C’est pour cela qu’il faut à Halidou OUEDRAOGO et son Etat-major expliquer la situation qui se vit pour espérer convaincre et remobiliser la base pour la relance des activités. Ainsi, au cours de la conférence de presse tenue à cet effet, le patron du Collectif fera comprendre que deux raisons qu’il juge essentielles militent à émousser les efforts dans leur lutte « il y a le contexte socio-économique difficile marqué par la misère des populations... ce qui peut jouer sur la mobilisation », et il y a que « les manifestations nécessitent des moyens (NDLR : financiers) ».

Et l’homme de conclure en cela sur un ton dubitatif : « Si nous les obtenons comptez sur nous pour renouer avec celles-ci ». Pour des justifications, c’est vraiment tiré par les cheveux et il va falloir aux responsables du Collectif, repasser. Ces lieux communs, on les connaît depuis... Même si les moyens étaient au départ à la mesure de l’ambition, le contexte socioéconomique était-il fondamentalement différent ? Et pourtant, les choses semblaient bien marcher.

Les raisons objectives pour la baisse de régime voire la mort du Collectif

En réalité le problème est plus profond que les explications superficielles et les fuites en avant de Halidou OUEDRAOGO. Le déclin du collectif puise sa source d’abord dans la composition de l’organisation mais aussi du fait que les « financiers » de l’ombre ont finalement compris qu’il n’y a pas de sincérité dans la lutte. Il faut dire que la seconde raison citée, qui du reste est le pendant de celle, financière avancée par Halidou OUEDRAOGO, semble la plus déterminante dans la situation inconfortable du Collectif.

Beaucoup de militants sincères de la lutte contre l’impunité et pour la promotion des droits de l’homme ne se sont-ils pas sentis abusés lorsqu’ils lisent à travers les comportements de leurs meneurs une volonté manifeste d’exploiter des deuils pour se faire une place honorable au soleil ? Le « champ de cacao » (dixit Tibo NANA) a en tout cas été très productif pour certains responsables du collectif qui ont pu s’embourgeoiser au grand dam de leurs compagnons « prolétaires » qui attendent toujours de l’Etat (quoiqu’il soit le monstre à abattre) qu’il fasse leur fortune.

Aujourd’hui, il suffit seulement de regarder le train de vie de certains responsables du collectif pour s’en convaincre. La lutte contre l’impunité et la promotion des droits de l’homme sont des domaines qui « marchent », ils sont pour certains des business très lucratifs. Tout dossier entrant dans ces domaines est vite pris en compte et financé. Mais, l’expérience aidant, les bailleurs commencent à comprendre et deviennent de plus en plus réticents, d’où cet aveu : « les manifestations nécessitent des moyens » qui ne suivent plus. Au collectif, l’argent ne rentre donc plus comme avant. Pouvait-il en être autrement quand les clauses du « contrat » entre partenaires ne sont pas honnêtement respectées ? Quand de nobles causes sont prostituées pour des intérêts bassement personnels ?

Les compagnons prolétaires et tous ces opprimés qui luttaient sincèrement ne sont pas tous, dupes, ils ne boivent pas l’eau par les narines ; voilà pourquoi la saignée dans les rangs. Si la cagnotte ne profite qu’à la « nomenklatura » du Collectif avec tous les effets induits de la lutte, ne vaudrait-il pas mieux que chacun reparte s’occuper de son jardin que l’herbe sauvage envahit ? Le raisonnement n’est qu’aussi simple. L’objet donc de la lutte dévoyé, les militants désabusés, les choses ne pouvaient plus être roses pour le Collectif : financements très insuffisants pour couvrir les besoins aussi nombreux que diversifiés, découragement général dans les rangs.

Quant à la première raison sus citée, elle montre que dès le départ, le collectif avait semé les graines de son autodestruction. Ce regroupement d’entités aux objets et aux méthodes de travail différents s’imposant un même objectif pouvait-il être longtemps viable ? La réponse, les responsables du Collectif la savaient mais, très optimistes, ont pensé que « leur chose » serait vite dans le sac avant que le temps ait raison de la cohésion du moment.

Beaucoup sont les observateurs qui ont mal perçu ce rassemblement hétéroclite où on retrouve même des organisations rivales aux humeurs des premiers dirigeants inconciliables. Partis politiques et organisations de la société civile dans un même panier, c’est comme si vous mettez des chats et des souris dans une même cage.

Dans un contexte où les « rouges » du PCRV dictent leur loi et imposent leur suprématie aux autres, il ne peut y avoir que « lutte de libération ». La leçon, on ne l’apprendra à personne. Déjà en 2002, les fissures ont commencé à se faire voir. En effet, pendant que certains prônaient le boycott des législatives, d’autres ne l’entendaient pas de cette oreille, d’où leur participation au grand dam du manitou Halidou qui pour l’occasion n’a pas souhaité « bonne chance à ces partis ».

Pourtant un simple mot d’ordre aurait suffi pour attirer à « ces partis » des milliers de voix potentielles qui auraient pu changer plus sensiblement la physionomie de l’hémicycle. En tout cas le constat a été que le Collectif n’a pas été utile pour les acteurs politiques qui s’y sont engouffrés quand il s’est agi de la lutte pour laquelle ils ont, eux, leur raison d’être dans l’arène politique.

Des soubresauts pour sauver la face ou une véritable « réfondation » ?

Le Collectif, on le sait, n’a pas véritablement œuvré au profit des partis politiques qui sont membres (conflits de personnes ou divergences fondamentales ?). On est donc surpris qu’il s’attribue la paternité des réformes politiques et institutionnelles ; on croit rêver, puisqu’aucun de ses membres n’a participé au processus. Le collectif a même travaillé contre ces réformes.

N’est-ce pas ce qui a condamné certains responsables à ne pouvoir valablement et de façon crédible participer au débat qui avait cours avant la présidentielle de novembre dernier ? Leur situation a quelque peu ressemblé à celle de l’arroseur arrosé. En ayant choisi de torpiller un processus qui a abouti malgré tout, on se voit en train de subir ses résolutions qu’on n’épouse pas et qu’on a pourtant eu la possibilité de faire concevoir en sa faveur. Qu’on ne se trompe pas.

Les déclarations communes signées et publiées dans la presse et le semblant d’entente qui se dégage pendant les conférences de presse cachent mal la division qui règne au sein du collectif. En effet, c’est un constat, Halidou OUEDRAOGO et Me SANKARA par exemple ne sont plus sur la même longueur d’onde. D’ailleurs au cours d’une émission télé, le manitou a déclaré qu’il ne connaît pas « Alternance 2005 », mais le G14. Une déclaration qui veut tout dire et qui devrait faire réfléchir plus d’un membre de ce regroupement.

Le temps faisant son œuvre, les partis politiques ont finalement compris que leur salut est loin du collectif mais sur le terrain politique à travers des activités et surtout la participation aux scrutins électorales. Me SANKARA et autres ne diront pas le contraire. Pour avoir compris ainsi la donne, il n’est jamais trop tard pour bien faire, ils sont en train de récolter des dividendes politiques de leur démarcation des directives de Halidou OUEDRAOGO.

A coup sûr, après le 13 décembre, les partis politiques vont reprendre leurs activités politiques amputant au Collectif ses membres les plus valides. Les partis politiques ont compris, les militants sincères des premières heures ont compris, les bailleurs de fonds ont également compris. Les desseins qui s’abritent derrière la lutte contre l’impunité et la promotion des droits de l’homme sont démasqués et personne ne veut plus se laisser duper.

Par Ben Alex Béogo
L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 17 décembre 2005 à 00:32 En réponse à : > Collectif : Vaine recherche d’une seconde jeunesse

    En lisant les articles des journalistes de L’OPINION sur l’affaire Norbert ZONGO, on se rend compte du dégré de haine que ces journalistes nourrissent à l’égard du Collectif des Organisations Démocratiques de Masses et des Partis Politiques. Ils nourrissent le vœux pieux de voir le Collectif disparaitre de la scène politique nationale. Ils tapent dans tous les sens, usant de calomnies et d’accusations sans fondements. Ils cherchent par tous les moyens à diviser les rangs du mouvement « trop c’est trop », à le discréditer, occultant totalement tout ce que ce Collectif a apporté de positif au Burkina du point de vue des libertés démocratiques. Pour des professionnels du journalisme, c’est honteux ! Comme tous ceux qui ont lu ces articles l’ont compris, le journal L’OPINION est un journal de Blaise COMPAORE, un journal animé par des journalistes à la solde du pouvoir du CDP qui ne veulent pas du tout qu’il y ait un jour la lumière sur l’affaire Norbert ZONGO et ses trois compagnons assassinés sauvagement le 13 décembre 1998.

    Que le Collectif soit confronté à des difficultés financières, c’est normal. Le contraire aurait été surprenant. Quelle est l’organisation de masse ou le parti politique du Burkina qui n’a pas de difficultés financières aujourd’hui, à part bien sûr ceux qui puisent directement dans les caisses de l’Etat ? Le Collectif a toujours fonctionné sur les contributions financières des organisations de masse (syndicats, associations, etc) et partis politiques qui le composent. Après 7 ans de fonctionnement (marches, meetings, conférences, etc) c’est normal qu’il y ait des difficultés financières surtout pour des burkinabé honnêtes dont le pouvoir d’achat est très limité.

    Qu’au sein du Collectif il y ait des luttes politiques, c’est normal et cela était prévu dès le départ. On ne peut pas prétendre réunir plus de 60 organisations d’origines diverses, de sensibilités différentes et vouloir quelles pensent toutes de la même façon. C’est le contraire qui aurait été surprenant. Il y a une plateforme minimale sur laquelle ces organisations se sont entendues et c’est cette plateforme minimale qui a guidé les choses 7 ans durant. Ceux qui n’ont pas voulu de cette plateforme minimale sont partis du Collectif, nombreux sont ceux qui l’ont rejoint bien plus tard.

    Je mets au défi ces journalistes corrompus de L’OPINION de nommer dans l’histoire du pays ou de la sous région africaine, un regroupement d’organisations comme le Collectif des Organisations Démocratiques de Masses et des Partis Politiques qui ait pu mobiliser tant de monde sur une aussi longue période sans voler aux éclats.

    Que les journalistes haineux de L’OPINION ne prennent pas leurs désirs pour la réalité. Le Collectif des Organisations Démocratiques de Masses et des Partis Politiques n’est pas mort et il ne mourra pas. Il continuera à troubler leur sommeil jusqu’à ce que justice soit rendu à Norbert ZONGO, à ses trois compagnons ainsi qu’à tous ceux qui ont été assassinés par le pouvoir de Blaise COMPAORE. Certes, Il y a eu des difficultés au sein du Collectif et il y en aura les jours à venir, mais elles seront surmontées parce que les hommes et les femmes qui animent la vie de ce Collectif sont des gens de conviction qui ne monnaieront jamais leur engagement pour un plat de lentilles. Que le journal L’OPINION ne s’y trompe pas.

    • Le 21 décembre 2005 à 17:34, par tarbala En réponse à : > Collectif : Vaine recherche d’une seconde jeunesse

      Bien dit et mes remerciments pour ton écrit (toi qui m’a précédé)
      L’opinion est journal gâteau. dire que son rédacteur en chef a été décoré.
      que deviendra-t-il quand le système blaise sera fini ?
      quel honte pour le Burkina !

  • Le 21 décembre 2005 à 18:57, par Sirima En réponse à : > Collectif : Vaine recherche d’une seconde jeunesse

    Je crois que certaines personnes qui m’ont dévancé dans le forum de l’article ont suffisamment bien traduit ce que je ressens après l’article du Journal l’Opinion qui, le moins que l’on puisse dire est loin de respecter la déontologie journalistique sans oublier sa méchanceté gratuite et même morbide. Ces gens-là sont capables de tout. Mais pour ne pas tomber dans leur piège je les invite à méditer sur ce texte que j’ai écrit pour commémorer le 7ème anniversaire de la mort de Norbert Zongo. Puisse cela les amener à refléchir et à se remettre un tant soi peu en question.

    LE JOURNALISTE ET L’ECRIVAIN
    HOMMAGE A NORBERT ZONGO

    A l’occasion du 7ème anniversaire de la disparition tragique de Norbert Zongo, il convient de rendre un hommage très appuyé à ce digne fils d’Afrique et du Burkina, ce journaliste et écrivain intrépide, talentueux, probe et intègre en campant, comme il le traduisait si bien dans sa vie, dans son comportement et avec sa plume, le genre de journalistes et d’écrivains dont l’Afrique et le Burkina ont grand besoin. C’est, à notre avis, le meilleur hommage que l’on puisse lui rendre aujourd’hui dans un Burkina Faso en panne morale et spirituelle ; dans un pays où les populations dans leur grande majorité payent durement le prix de la compromission des intellectuels opportunistes de service, des opposants de circonstance, des politiciens véreux et enfin de tous les indifférents et égoïstes. Aujourd’hui les peuples africains et burkinabé ont grand besoin de journalistes et d’écrivains. Mais, tout le problème est de savoir de quels journalistes et écrivains ils ont réellement besoin et ce qu’ils devraient écrire en leur nom ?
    Etre journaliste ou écrivain
    Nous appellerons journalistes ou écrivains tous ceux qui se font chroniqueurs d’évènements importants et significatifs ou qui en dégagent les enseignements. Mais, tous ceux qui écrivent ne tombent pas obligatoirement dans cette catégorie. Ici, il ne faut retenir que ceux qui témoignent et qui lèguent à la postérité pourvu qu’ils s’adressent à notre intelligence, éclairent notre vie et nous montrent le chemin du progrès et de la prospérité. Le journaliste ou l’écrivain n’exerce pas seulement un métier, il le vit et celui-ci est sa religion. Il croit en ce qu’il écrit et prend garde de n’écrire que ce en quoi il croit et ressent pleinement. Il ne recherche que l’expression de la vérité et la livre sans craindre personne hormis l’erreur, l’injustice et sa propre conscience. Sa plume inspire et guide l’humanité. Ce journaliste ou cet écrivain là est d’ordinaire d’un courage qui confine à la témérité. Il ne considère que la vérité et n’hésite pas à prendre des positions qui feraient fuir bien d’autres. Le véritable journaliste ou écrivain ne ménage aucun effort pour libérer les autres et rapporter la vérité qu’il en soit puni de prison ou de mort. L’Afrique et le Burkina Faso ont plus que toute autre région du monde besoin de ce genre de journalistes et d’écrivains. Mais, quel constat pouvons-nous faire aujourd’hui concernant ces professions sur notre continent et plus particulièrement dans notre pays ?
    Commerciaux, Scribes et Professionnels
    Ils sont devenus nombreux ces journalistes commerciaux qui n’écrivent que pour mettre du beurre sur leur pain. Ils sont prêts à écrire n’importe quoi, pourvu que cela leur ouvre des débouchés et leur gonfle l’escarcelle, sans se soucier du préjudice causé à la société ou à la dignité de l’individu, d’un peuple ni des mensonges que cela peut impliquer. D’autres, que l’on peut qualifier de journalistes ou d’écrivains du dimanche, ne s’occupent que du présent, de l’occasion et leur œuvre ne dure pas. Elle relève de la corbeille à papier. Dans d’obscurs recoins, ils n’écrivent que pour la galerie et les perce-oreilles . Ils ont fermé les yeux à toute vérité et n’éprouvent que haine pour leurs semblables. Sans forme ni acuité, sans sincérité ni objectivité, leurs écrits s’éteignent avec leur subjectivité. Et enfin, nous avons les professionnels qui ne cherchent à nuire à personne, qui n’écrivent pas nécessairement pour la gloire ou l’argent, mais par sentiment de leur devoir envers la nation, leur peuple et toute l’humanité. C’est de ceux-là dont nous avons réellement besoin.
    Payés en monnaie de singe
    Le journaliste et l’écrivain authentiques sont souvent payés en monnaie de singe dans l’immédiateté. Ils souffrent souvent d’injustices et de privations pour tout le bien qu’ils essayent de rendre à l’humanité. Quant aux journalistes et écrivains commerciaux, on les paye bien, mais seulement au cour du jour. Cependant, l’histoire a amplement démontré que les journalistes et écrivains qui auront subi mille épreuves leur vie durant, se verront récompensés par leur position au sein du peuple et cela pour l’éternité. Des exemples historiques et contemporains foisonnent dans le monde et en Afrique, d’écrivains et de journalistes victimes de leurs œuvres et écrits. Ainsi, l’un des plus grands écrivains et hommes de lettres du monde, Dante Alighieri, fut exilé de Florence en 1302 en raison de ses opinions. Et le plus érudits des écrivains italiens dût mener, dix-neuf ans durant, une existence vagabonde jusqu’à sa mort à Ravenne en 1321. Il traduira son amertume de façon émouvante en ces termes : « Depuis que les citoyens de la plus belle et plus réputée fille de Rome, Florence, ont pris plaisir à me chasser de son doux sein ... et de toutes les régions auxquelles s’étend leur langue, je navigue sans voiles, en vérité ballotté de part en part par le vent sec de la pauvreté ». Sa grande valeur fut reconnue après sa mort et son œuvre est considéré de nos jours comme un des monuments les plus surprenants de l’esprit humain. Le grand poète grec Homère, l’auteur de l’Iliade et de l’Odyssée, dût également souffrir de la faim et du mépris. Cependant, à sa mort, sept villes où il avait jadis mendié se targuèrent de lui avoir donné naissance. Plus près de nous, un grand écrivain comme Mongo Béti ne fut porté au Panthéon des hommes de culture illustres dans son propre pays qu’avec sa mort. Des journalistes de la qualité et de la trempe de Norbert Zongo et Pius Yavé ont souffert le martyr jusqu’au sacrifice suprême pour le premier, l’injustice et la prison en ce qui concerne le second pour avoir voulu travailler honnêtement et défendre la vérité. Ils ont tous fini par triompher de ceux qui voulaient les réduire. Le journaliste et l’écrivain africains n’échapperont pas à ces procès et à ces tribulations. Mais, ils ne lui viendront pas toujours des gouvernements car beaucoup d’individus répugnent à la vérité et sont capables de déchaîner des persécutions quand celles-ci les visent. C’est pourquoi ils doivent être courageux, prudent et ne pas abuser de leurs libertés. Ils doivent plutôt partager leurs souffrances avec leurs peuples et veiller à être objectifs, constructifs et patriotes dans tout ce qu’ils entreprennent.
    Ecrire : une si noble tâche
    Ecrire est une si noble tâche que l’écrivain ou le journaliste africain ne doit pas se laisser aller à sacrifier sa plume à la poursuite d’un vain monde car ce serait un monde sans lui. Le patrimoine historique, social et culturel de nos pays et de l’humanité, les réalisations et les pensées de nos hommes d’Etat, de nos religieux, de nos philosophes, de nos hommes de culture, etc., n’auraient pu passer à la postérité sans leurs efforts constants et leur génie, leurs souffrances et leurs privations. En effet, la plume fixe les évènements présents ou passés les plus furtifs et les préserve de l’oubli. Elle a le pouvoir de les empêcher de sombrer dans la mémoire des hommes. Cela est extrêmement important pour nous autres africains dont l’histoire se perd dans la nuit des temps. Quelle image les générations futures pourraient-elles avoir de nous, si nous ne tenions nos propres chroniques et que nous nous en déchargions sur des étrangers comme un certain Jean Guion dont les vues sont souvent plus que suspectes. En dépit des difficultés qu’ils rencontrent, le destin des journalistes et des écrivains authentiques est des plus glorieux. Leur mémoire sera vénérée car ils auront remporté la victoire sur l’obscurantisme et le mensonge et légué leur héritage à leurs nations et à leurs peuples.
    Norbert ce grand journaliste et écrivain
    C’est d’abord en se conformant et en respectant les principes ci-dessus évoqués, et ensuite en vivant intensément et concrètement selon les canons éthiques de la noble profession qu’il avait embrassé que Norbert Zongo, cet irremplaçable journaliste, cet incomparable écrivain a su transmettre à son peuple, notamment à sa fraction jeune, son goût, non seulement, pour la justice et l’équité, mais aussi, son aversion pour la compromission et la résignation. Et le bon peuple lui en est définitivement reconnaissant car il a fait sien et intériorisé ce vieil adage qui dit qu’en mourrant les écrivains ne cessent pas de vivre. En effet, Norbert Zongo est mort assassiné et brûlé mais il n’a pas cessé pour autant de vivre dans les cœurs et dans la conscience de nombreuses personnes à travers le monde entier. Son sacrifice a fait de lui un martyr définitivement logé, en bonne place, dans la mémoire collective et affective du peuple burkinabé et au delà, des peuples d’Afrique et du monde. Jamais une douleur et une souffrance aussi profondes et aussi terribles n’avaient envahi et tétanisé notre peuple jusque dans ses entrailles avec cette perte cruelle.
    L’esprit de Norbert
    Norbert n’est pas mort car des hommes comme lui ne meurent jamais. En effet, sept ans après l’abominable crime, sa mémoire est toujours vivace dans nos cœurs et dans nos esprits. Il continue toujours de vivre parmi nous. On le devine juché dans les hautes branches des arbres ou assis sous les caïlcédrats et les manguiers longeant les rues et les chemins de nos villes et campagnes. Son esprit fréquente les salles de rédaction de tout le pays en se faufilant discrètement d’un poste à l’autre. Il plane régulièrement sur les cours des établissements scolaires ainsi que dans les amphithéâtres et dans les salles de classe des écoles. Pendant l’hivernage, il aime titiller les paysans en furetant et voltigeant continuellement dans les champs. Les ouvriers des usines et des manufactures le côtoient souvent, le soir, quand sonnent les sirènes pour la descente. Certaines nuits de pleine lune, on le surprend, méditant à l’entrée des vestibules de certaines concessions de Sourgou, d’Issouka ou de Paalogho. Quand les vents blancs de l’harmattan commencent à se déchaîner vers la fin de l’année, certains bergers et paysans aperçoivent régulièrement sa vieille et robuste 4 x 4 passer furtivement et disparaître soudainement derrière un gros nuage de poussière, sur la route de Sapouy. Les nuits de ses « faiseurs » et de leurs commanditaires sont aussi hantées par sa grande silhouette, légèrement voûtée, qui les visite régulièrement. Ceux-ci n’arrivent plus à dormir, ni même à fermer un seul œil, car un autre, celui d’Abel poursuivant Caïn, les observe et les fixe intensément, continuellement et avec ténacité. La lumière finira par triompher des ténèbres et le passé finira par rattraper le présent car « le passé est radioactif ».

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