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Ellen- Johnson-Sirleaf, présidente du Liberia : « L’amitié Taylor/Compaoré ne me gêne pas »

Publié le vendredi 16 décembre 2005 à 07h22min

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Ellen Johnson Sirleaf

« Dame de fer », « passionaria de la politique libérienne », les qualificatifs ne manquent pas quand il s’agit d’Ellen Johnson-Sirleaf, élue présidente du Liberia, à l’issue d’un second tour le 8 novembre 2005. C’est cette femme au caractère bien trempé que avons rencontrée à la fin de son séjour de 48 heures au Burkina (l-2 décembre 2005).

Son parcours politique depuis les années 1980 où elle a goûté aux réalités des geôles de Samuel Doé, jusqu’à son accession à l’Exécutive Mansion (présidence), en passant par sa collaboration avec Charles Taylor, la reconstruction du Liberia, les rapports Taylor/Compoaré...ont quelques sujets évoqués au cours de cet entretien.

Excellence Madame Ellen Johnson, le 8 novembre, après un second tour, vous avez été élue présidente du Liberia avec 60% des voix contre 40% à votre challenger George Weah. Avez-vous douté à un moment de cette victoire ?

Non ! pas du tout. Et pour cause : nous avons observé les résultats du premier tour et au vu de ces derniers, les tendances étaient nettement en ma faveur, avec 60% à peu près de votants. Ce qui veut dire que ces 60% n’ont pas voté pour monsieur Weah. C’est vrai qu’il y avait le second tour, mais là aussi, notre stratégie a été payante, puisque notre électorat, qui était constitué de groupes ciblés, a été sensible, à travers les villages, à notre message politique. Nous avons essayé de toucher toutes les communautés qui comptent au Liberia et le résultat a été notre victoire.

Vous avez collaboré, dans les années 1980, avec Samuel Doe qui vous a envoyée deux /ois en prison, puis avec Charles Taylor, que vous avez affronté par la suite à la présidentielle. Alors acceptez-vous les qualificatifs de « passionaria de la politique libérienne ou encore de dame de fer, c’est selon ?

Je les accepte. 0h oui. Je suis en fait une femme de décision, qui, durant de nombreuses années, a servi non seulement dans le gouvernement libérien, mais aussi dans l’administration internationale (NDRL : PNUD, Banque mondiale, FMI, BAD), ce qui m’a permis de me faire connaître, de me forger aussi un caractère. J’ai des valeurs, je crois en ces valeurs et je me bats pour qu’elles triomphent.

Durant les trois semaines de campagne, j’ai essayé d’apporter aux Libériens et surtout aux Libériennes ce que ressent une femme, une mère face au désastre qui a frappé mon pays. Je leur ai dit qu’il faut qu’ensemble nous pansions les plaies profondes de notre Nation, et pour cela, je souhaite réunir tous les partis qui le désirent pour que nous reconstruisions le Liberia et qu’enfin les populations connaissent le bien-être.

Votre formation politique, le Parti de l’unité (PU), aura donc à rechercher des technocrates pour reconstruire le Liberia, détruit par 14 ans de guerre. Pensez-vous trouver ces oiseaux rares qui accepteront de s’allier à vous pour celle tâche ?

Oui. Car bien que le PU soit le parti victorieux qui va bientôt jouer le rôle majeur dans le pays, à travers les mécanismes de gouvernement, nous sommes convaincu qu’il faut composer avec tout le monde pour ce travail. C’est pourquoi nous allons convier les technocrates des autres partis politiques, de la société civile, de la diaspora vivant en Afrique, aux USA, en Europe... à venir pour former une bonne équipe gouvernementale afin de relever les grands défis qui se présentent à nous et dont le challenge majeur demeure le développement du Liberia.

Jewell Howard Taylor, l’épouse de Charles Taylor, a été votre alliée dans cette présidentielle. Allez-vous l’appeler dans votre gouvernement ?

Comme dans tout régime politique, il y avait dans celui de Charles Taylor de bons et de mauvais éléments. Nous considérons que les bons sont ceux qui partagent avec nous les idéaux d’unité et de reconstruction du pays. Ce qui veut dire que ces derniers sont les bienvenus dans notre équipe, car nous ne prenons pas en compte les pesanteurs ethniques ou religieuses, mais l’engagement à reconstruire le Liberia.

Au sujet de Charles Taylor, qui réside à Calabar au Nigeria, le président Olusegun Obasanjo a affirmé qu’il était prêt à le livrer à un tribunal libérien, au lieu du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), à condition, avait-il précisé, qu’il y ait des élections libres. Accepterez-vous qu’il soit jugé au Liberia ?

. Nous n’en sommes pas encore là.

Concrètement quels seront vos priorités à l’Exécutive Mansion durant votre mandat ?

Il faut d’abord que les gens se remettent au travail. Il faut pour cela que la paix soit acquise, et aussi le respect des uns et des autres. Ensuite, il faut que le gouvernement redémarre notre économie, exsangue, et à cet effet, toutes les sources d’entrée de devises devront être bien gérées. En clair, il nous faut imposer la bonne gouvernance, avec des agendas précis et des obligations de résultats. C’est à ce prix que nous pourrons peut-être voir le bout du tunnel.

Revenons à votre présence à Ouagadougou. Cette visite s’inscrit dans le cadre de votre tournée dans les capitales sous-régionales, afin de rencontrer vos homologues. Vous avez de ce fait échangé avec Blaise Compaoré, qui, c’est connu, a des atomes crochus avec Charles Taylor. Cela ne vous gêne-t-il pas ?

Oh non ! Pas du tout. Le président Blaise Compaoré a contribué aux efforts pour le retour de la paix au Liberia. (NDLR : en juillet 2000 a eu lieu à Ouagadougou un conclave des protagonistes de la crise libérienne). Avec d’autres dirigeants des pays de l’ECOMOG, il a participé au renforcement du processus de paix. C’est donc normal que nous venions à Ouagadougou pour lui rendre visite et le remercier pour ce qu’il a fait pour le Liberia, notamment son action pour restaurer la paix.

Interview réalisée par Zoweonmanogo Dieudonné Zoungrana
L’Observateur Paalga

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