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Zéphirin Diabré, <I>chairman</I> Afrique et Moyen-Orient du groupe français Areva

Publié le mercredi 14 décembre 2005 à 08h29min

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Zéphirin Diabré

C’est une remarquable consécration professionnelle pour Zéphirin Diabré. Et qui l’honore, honore le Burkina Faso, son pays, mais également l’Afrique de l’Ouest. A 46 ans, le voilà nommé chairman Afrique et Moyen-Orient au sein de la direction internationale et marketing de Areva et, par la même occasion, conseiller de Anne Lauvergeon, présidente du directoire du groupe nucléaire français.

Un mot, tout d’abord, sur Anne Lauvergeon puisque Areva lui doit beaucoup. Cette figure marquante du "mitterrandisme" est née en 1959 à Dij on, dans le département de la Côte d’Or.

Fille d’un professeur d’histoire et d’une assistante sociale, ancienne élève de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole nationale supérieure des mines de Paris, elle est agrégée de sciences physiques et ingénieur du corps des mines. Après un début de carrière dans l’industrie (Usinor, CEA) , elle sera nommée chargée de mission (1990) puis secrétaire général adjoint de la Présidence de la République (1990-1995).

Elle devient le sherpa de François Mitterrand en charge de la préparation des grands sommets internationaux. Après la fin des "années Mitterrand", elle rejoindra Lazard Frères et Cie comme associé-gérant (1995-1997), sera nommée directeur général adjoint de Alcatel Alsthom. Lionel Jospin, Premier ministre, va la propulser à la tête de la Cogema en juin 1999. Elle y remplace Jean Syrota. Cogema est alors un groupe public mal connu mais de "mauvaise réputation" : c’est la cible de Greenpeace et des écologistes.

Filiale du CEA Industrie, le Commissariat à l’énergie atomique (81,50 %), de TotaIFinaE ?f(15 %) et de Technip (3,5 %), la Cogema emploie alors 18 700 personnes pour le retraitement et le transport des matières nucléaires, la chimie de l’uranium et son retraitement, la fabrication de combustible, son recyclage + ingénierie, services, activités minières.

Lauvergeon sa sortir la Cogema de son ghetto nucléaire qui facilite d’autant plus sa diabolisation que l’entreprise ne communique pas. Première étape, le transfert du siège social de Vélizy, en banlieue parisienne, au coeur de Paris, non loin de l’Opéra. Puis le changement de nom : Areva (d’après l’abbaye cistercienne d’Arevalo, en Espagne) va naître le 3 septembre 2001.

Elle va en faire le numéro un mondial de l’industrie nucléaire à la suite de la fusion de Cogema avec CEA Industrie et Framatome. Areva va (presque) devenir une entreprise industrielle comme les autres, communicante et sponsorisante (notamment le Défi français dans la Coupe de l’America en Nouvelle-Zélande). Lauvergeon ne se fera pas que des amis.

D’autant plus qu’elle va multiplier les sièges d’administrateur dans les grands groupes français (Total, Eramet, Suez-Lyonnaise des Eaux, etc.) et étrangers (Vodafone, etc.). En 2004, elle sera classée comme "la femme d’affaires la plus puissante du monde" hors des Etats-Unis par le magazine US Fortune dont elle fait la co ver.

En 2005, elle a été consacrée "personnalité de l’année" par la Chambre de commerce franco-américaine. Forbes, Financial Times, etc. vont également lui tresser des couronnes. Qui lui ont récemment laissé croire que, sur sa lancée médiatique, elle pouvait être privatisée et cotée en Bourse. Ce qui n’est pas un point de vue partagé par l’Elysée, Matignon et, surtout, Bercy. On ne peut pas toujours gagner !

En sortant Areva du ghetto nucléaire, Lauvergeon a sorti l’entreprise de l’Hexagone ; elle est devenue la meilleure propagandiste de l’énergie nucléaire partout dans le monde (avec un "plus" : un pétrole cher et rare). En 2004, la France ne représente plus que 37 % de son activité contre 24 % pour l’Europe (hors France), 22 % pour les Amériques, 16 % pour l’Asie-Pacifique et 1 % seulement pour l’Afrique. L’activité minière est redevenue stratégique pour le groupe français qui veut doubler sa production d’uranium d’ici à 2010.

A noter qu’en la matière, trois pays africains figurent actuellement dans le Top 10 des producteurs mondiaux : Niger au troisième rang (3.280 T), Namibie au sixième rang (3.040 T) et Afrique du Sud au dixième rang (750 T). Mais bien d’autres pays africains ont des réserves d’uranium significatives.

C’est dans ce contexte que s’inscrit l’arrivée de Zéphirin Diabré au sein de la direction international et marketing du groupe. Né en 1959, tout comme Lauvergeon, diplômé de l’ESC de Bordeaux, docteur en sciences de gestion, Diabré a débuté comme professeur assistant de gestion financière à l’université de Ouagadougou. Il n’y restera que peu de temps. Il obtient alors le poste de directeur adjoint des Brasseries du Burkina, filiale du groupe bordelais Castel.

Le 20 juin 1992, dans le premier gouvernement formé par Youssouf Ouédraogo, il obtiendra le portefeuille de l’Industrie, du Commerce et des Mines, puis, le 22 mars 1994, deux mois après la dévaluation du franc CFA (12 janvier 1994), alors que Marc-Christian Roch Kaboré a obtenu la primature, il est nommé ministre de l’Economie, des Finances et du Plan. Diabré va donner une nouvelle tonalité à l’action gouvernementale.

Lors des Deuxièmes assises nationales sur l’économie (9, 10 et Il mai 1994), il annoncera la couleur : "Les hommes et les femmes de ce pays ont le droit de savoir et d’accepter qu’avec 122 milliards de recettes, on ne peutfaire qu’une politique de 122 milliards ". Il ajoutera : "Il y a trop de revendications irréalistes arc-boutées sur un malencontreux dialogue de sourds entre ceux qui pensent que la caisse est trop pleine et ceux qui savent que la caisse est trop vide".

Diabré ne cessera de se faire le tenant d’une ligne que j’ai caractérisée comme étant "sado-fatalisto-réaliste" (cf LDD Burkina Faso 0 75/Lundi 19 septembre 2005) : "La dévaluation est difficile, disait-il, comme l’était l’esclavage, comme l’était la colonisation... car il s’agit d’épreuves que le destin réserve toujours aux peuples qu’il a choisi d’aimer". Diabré devra gérer la dévaluation du CFA, l’exécution du PAS et lancera la "lettre d’intention de politique de développement humain durable 1995-2005".

Le 3 septembre 1996, le nouveau premier ministre, Kadré Désiré Ouédraogo, ayant pris en charge, également, le portefeuille de l’économie et des finances, Diabré va se retrouver président du Conseil économique et social.

Il n’y restera que quelques mois préférant rejoindre l’université Harvard pour y travailler avec Jeffrey Sachs sur le devenir des économies africaines. Il sera enseignant-chercheur de 1997 à 1999.

Le 15 janvier 1999, il est nommé administrateur associé du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) à New York. Il est le premier Africain à accéder à ce poste. Sa promotion est notamment liée au soutien que lui ont apporté le président burkinabè Blaise Compaoré et l’ivoirien Alassane D. Ouattara alors directeur général adjoint du FMI.

Récemment, Diabré a créé à Ouaga un think-tank : Institut Afrique moderne (IAM) dont l’ 0 bj ectif est de permettre à l’Afrique de donner ses propres réponses à ses propres maux. Il veut y développer la réflexion sur l’économie de la solidarité (les transferts financiers des migrants vers leur pays d’origine) et ce qu’il appelle "l’économie de la tradition ", ce mode de production à l’africaine qui permet la survie de plusieurs centaines de millions d’individus sur l’ensemble du continent.

C’est donc une nouvelle carrière que va entamer Zéphirin Diabré au sein de la direction international et marketing de Areva (dont le patron est Jean-Jacques Gautrot, un ingénieur des Arts et Métiers, diplômé de l’Ecole des pétroles et moteurs, ancien PDG de Delattre Levivier, qui a rejoint la Cogema en 1997 dont il a été le directeur commercial et du développement international).

C’est aussi la confirmation de la qualité internationale des hommes qui participent (ou ont participé) à l’exceptionnelle aventure qui est celle du Burkina Faso.

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique

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