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Entretien avec Robert Zongo, frère de Norbert Zongo

Publié le lundi 12 décembre 2005 à 09h28min

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Robert Zongo

A l’occasion du 7ème anniversaire de Norbert Zongo, San Finna a tenu à approcher un membre de la famille du regretté Norbert Zongo pour avoir son sentiment à l’heure actuelle sur ce drame. C’est Robert Zongo qui a accepté de répondre. Nous l’en remercions.

San Finna : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Robert ZONGO (R.Z) : Je suis Robert Zongo, peintre calligraphe, frère du regretté Norbert Zongo.

San Finna : 7 ans après, comment vivez-vous le 13 décembre ?

RZ : Voyez-vous, avant même le 13 décembre 1998, il y avait une pression. Tout est parti avec l’intoxication de Norbert à Kaya. La famille était quand même épouvantée ; ça veut dire qu’on craignait pour sa vie jusqu’à ce qu’il se rétablisse en clinique. Je dois même dire qu’en clinique, aucun médecin ne voulait prendre en charge Norbert pour ne pas avoir un cadavre entre les bras. Jusqu’à ce qu’il revienne ici à Faso Fani pour une conférence avec les ouvriers où il a déclaré qu’il était menacé de mort. Personnellement, on n’en a pas parlé jusqu’à cette date fatidique. Moi même je devais aller au campement avec lui ; j’ai décalé mon voyage parce que je devais faire des tee-shirts, des maillots de football ; donc je lui ai dit " tu remontes après tu me renvoies le chauffeur pour que je te rejoigne au campement. Qu’est-ce qu’il voulait me dire ? Je ne sais pas.

Voilà que c’est tombé brusquement, comme ça. Je suis remonté à Ouaga, j’ai continué directement à Sapouy. C’était l’horreur. Des trucs indescriptibles. Ca veut dire que quand on ouvrait la portière du véhicule, on ne pouvait reconnaître Norbert qu’à son colt. A 100 mètres, on sentait l’odeur de la chair humaine. Pour vous dire simplement que c’était apocalyptique. Il n’y a pas de mot plus que ça.

C’est vrai qu’il y avait intention de nuire mais même haïr jusqu’à ce point, et le griller ! Nous, on a discuté avec la famille et on a décidé de ne pas ramener Norbert, calciné, à la vieille à la maison de peur de perdre Norbert mais aussi notre mère. Raison pour laquelle, il y a eu des concertations avec le Collectif et tous ceux qui étaient à la première heure. On a jugé judicieux d’envoyer le corps à la morgue. Chaque 13 décembre, j’ai des frémissements et ça, c’est plus fort que moi.

San Finna : Est-ce que selon vous, on pouvait éviter ce drame, et si oui, comment ?

R.Z. : Ce drame pouvait être évité. C’est simple ; rappelez-vous : ceux qui lisaient l’Indépendant à l’époque, le pliait en 4 pour le mettre dans leur poche pour ne pas qu’on sache que c’est l’Indépendant, de peur qu’on dise qu’ils vont épouser les idées de Norbert.

Je me souviens que Norbert disait à ses riches promotionnaires : " c’est pas parce que vous roulez en Patroll que ça me gêne mais au moins, laissez-moi passer avec ma CT ". Pour vous dire, la grandeur que le gars avait.

Ce qui le préoccupait, c’était l’éveil des consciences du peuple. Norbert, vu ses études, ce qu’il avait fait, pouvait rester à l’extérieur. Même sous la Révolution, il travaillait pour les autres organes de presse, il faisait de la photo de gauche à droite, puis il s’est mis au journal. Bon, quoi qu’on dise, Norbert a joué sa partition, quitte au peuple burkinabé de le juger. Nous ne parlons pas de ceux qui ont tué Norbert ; ceux qui l’ont tué, pour reprendre Jimmy Cliff, " il y a une seule chose que Dieu ne peut pas faire. C’est quoi ? Moins que lui-même ". C’est dire que ce que Dieu a prophétisé ne peut être évité et à mon sens, si ce ne sont pas nos neveux, nos petits-fils connaîtront la vérité sur cette histoire. Cette vérité, elle est indéniable.

San Finna : Comment le peuple pouvait faire pour éviter ce drame ?

RZ : Norbert a tiré la sonnette. L’affaire David, c’est ça qui a amené Norbert à écrire. Il a dit : ça ne coûte rien par exemple à un François Compaoré, de s’occuper des enfants de David, de la famille de David, et s’il le fait, il ne va plus rien écrire sur le problème David. Voilà la condition que Norbert avait posée.

San Finna : Si François Compaoré avait bien écouté, l’affaire ne serait pas arrivée ? Est-ce à dire qu’il est en partie responsable ?

RZ : En partie responsable, mais nous n’avons pas de preuves palpables pour l’affirmer. Mais nous disons que de son vivant, si ce qu’il disait avait été pris en considération, Norbert n’allait pas partir. Norbert est parti tout simplement parce que c’est une question de zèle.

San Finna : Excès de zèle de la part de qui ?

RZ : Excès de zèle de tous ceux qui entouraient le problème David. On pouvait arriver à un consensus. Mais on n’a pas tenu compte de la proposition de Norbert.

San Finna : Croyez-vous que justice sera faite ?

RZ : Je vous ai dit que c’est une question de génération. Dieu va juger les choses. La " vieille " a tout finalisé ; elle a dit qu’elle n’a plus besoin de quoi que ce soit, elle laisse tout à Dieu et quand un bon Mossi te dit qu’il laisse tout à Dieu, je ne pense pas encore qu’il y ait un être suprême pour s’en occuper.

San Finna : Aujourd’hui, avez-vous des contacts avec Robert Ménard ?

RZ : Bon, maintenant, c’est un ami de la famille. Là, il faut rendre hommage à RSF à Robert Ménard, qui n’a ménagé aucun effort pour aider la famille et aider à ce que la lumière soit faite. Il a fait son boulot même s’il a eu des discordances avec le pouvoir en place. La famille ne peut que rendre hommage à Ménard. Actuellement, il nous soutient moralement. De temps en temps, la famille appelle pour avoir de ses nouvelles.

San Finna : Est-ce que vous êtes satisfait de son action ?

RZ : N’eût été par exemple RSF avec l’acharnement d’un Ménard, rien n’allait être obtenu mais ici au Faso, on aime à jouer avec le temps tout en sachant que le temps ne joue pas avec nous. On pense que le temps va tout faire alors qu’en général, nous avons un problème de suivi et on se dit qu’on va laisser faire, ça va s’arrêter mais quel que soit Alpha, le temps revient.

San Finna : Que dirait votre frère s’il était vivant, de la situation qui prévaut au Faso et en Afrique en général ?

RZ : Je suis un peu mal placé pour parler en son nom mais mon frère avait tout prédit. Ceux qui lisent l’Indépendant le savent.

La seule personne qui indiquait, qui aimait et qui admirait son pays, c’était Norbert et il guidait Blaise. Le strict minimum pour ce Président, c’était quand même d’écouter des hommes de la trempe de Norbert. Et quel que soit Alpha, j’ai foi en ce que Norbert faisait. Je me dis qu’avec ce renouvellement du mandat de Blaise Compaoré, qu’il puisse au moins voir ce que Norbert avait prédit, histoire d’installer son peuple dans le bonheur. Voilà. Qu’on quitte le stade de miséreux pour le stade de pauvreté. Voilà ce que Norbert voulait lui faire comprendre.

San Finna : Blaise Compaoré n’a pas écouté le guide qu’était Norbert et aujourd’hui il y a un flou sur la justice ?

RZ : Aujourd’hui, le dossier Norbert, quand bien même on nous parle de justice, ne se trouve pas aux mains de la justice mais entre celles de Blaise Compaoré. Si Blaise Compaoré veut que la lumière soit faite sur la mort de Norbert, elle sera faite.

San Finna : Abordons un autre point. Que devient la zone de chasse de votre défunt frère ?

RZ : Norbert avait des contrats, des dossiers avec l’Etat. La famille depuis son décès, suit tout cela admirablement par le biais, par exemple de la veuve Geneviève, (avec le soutien de toute la famille) et de son enfant Guy qui est un peu dans les affaires ; donc la zone se porte bien. On a des clients réguliers ; l’administration des Eaux et Forêts nous a orientés, guidés. Cette zone vit.

San Finna :Norbert était très attaché à Koudougou ; il a écrit un ouvrage sur Roug Benga. Comment expliquez-vous cela ?

RZ : Norbert est né et à grandi à Koudougou. Il a eu l’amour de cette ville depuis son plus jeune âge. Donc, c’était normal pour un journaliste écrivain, d’écrire cette histoire de Roug Benga. Monsieur notre père Henri l’a imprégné un peu de ça et lui, il est allé enquêter à Thiou ; c’est dans les grottes de Thiou que Roug Benga a été capturé. Il a voulu faire revivre tout cela pour apporter un plus à Koudougou, à cette ville dite rebelle.Ce terme ne sied pas. Koudougou a des principes : qu’on vienne pas nous marcher sur les pieds. C’est aussi simple que cela.

San Finna : Avez-vous un message à la société civile, politique et au Burkina Faso ?

RZ : Il faut remercier les Burkinabé au plan national et international, les amis de Norbert. La perle, il faut la donner au Collectif. RSF aussi a fait beaucoup. Je voudrais ajouter un mot au président nouvellement élu : je lui dirai de tout faire pour au moins sécher les larmes de beaucoup de Burkinabé, notamment de la famille Zongo. Je sais qu’il en a les moyens, la capacité, il suffit simplement qu’il le fasse. Tout ce que nous lui demandons, c’est avoir la lumière sur la mort de Norbert. Je ne sais pas si c’est trop demander mais j’espère quand même qu’il nous entendra et nous comprendra.

San Finna : Hier vous avez refusé le pardon ; si aujourd’hui Blaise Compaoré se présentait chez vous pour demander pardon, seriez-vous prêt à accepter ce pardon ?

RZ : Nous avons dit : nous voulons la lumière mais maintenant, imaginez Blaise venir chez nous nous demander pardon ? C’est pour quoi ? C’est sur quelle base ? J’ai toujours dit : si la justice nous dit : "C’est Marcel Kafando qui a tué Norbert " et si Marcel Kafando dit à la famille Zongo : "Oui, c’est moi qui l’ai tué ", la famille prendra ses responsabilités. Je ne parle pas en tant que famille mais en tant que Robert. Si aujourd’hui, on nous présente l’assassin, nous allons comprendre. Nous pouvons même pardonner sur place. Autrement, nous allons pardonner à qui ?

San Finna : La justice dit qu’elle a fait un grand pas...

RZ : Qu’est-ce qu’ils appellent " pas ", c’est ça ? La justice a fait un grand pas : en arrière ou en avant ?

San Finna : Le mot de la fin ?

RZ : Je dis quand même que dans ce recueillement de 7 ans, le fait que le peuple n’oublie pas, au nom de la famille, je veux le remercier. Il y a une impunité et il faut l’ôter à partir du sacrifice de Norbert. Nous allons nous recueillir le 13, prier. Et qu’au moins, son âme et celles de ses compagnons reposent en paix !

Donald Tondé

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 12 décembre 2005 à 21:54 En réponse à : > Entretien avec Robert Zongo, frère de Norbert Zongo

    Bonsoir Bâ Robert, je suis un ami au Cousin Mica, aujourd’hui expatrié hors du continent, je vous remercie pour l’article.
    Que la Paix du tout puissant DIEU soit avec lui et Inchala toute chose à une fin sur Terre. lemossi

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