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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Ely Ould Vall, président mauritanien : "Avec le Burkina, nous avons remis nos compteurs à zéro"

Publié le vendredi 9 décembre 2005 à 08h48min

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Ely ould Mohamed Vall

Comme Ange Félix Patassé un certain 15 mars 2003, Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya, qui rentrait d’un voyage en Arabie Saoudite où il était allé assister aux obsèques du roi Fahd, n’a pu regagner Nouakchott. Les portes de la maison lui ont tout simplement été fermées par celui qui était, depuis 20 ans, au cœur du dispositif sécuritaire du régime.

"Nous allions droit dans le mur", expliquait le colonel Ely Ould Mohamed Vall après ce coup d’Etat en douceur du 3 août 2005, promettant au passage de conduire une transition de 18 mois avant d’aller cultiver son propre jardin. Alors, les relations entre la Mauritanie et le Burkina étaient exécrables, le premier pays cité accusant le second de soutenir son opposition armée et de fomenter des putschs contre lui.

En marge du 23e sommet Afrique-France, qui s’est tenu à Bamako les 3 et 4 décembre, Blaise Compaoré et le nouvel homme fort de Nouakchott ont eu un tête-à-tête, signe sans doute de la décrispation entre les deux Etats. Le samedi 3 en début de soirée, nous avons eu un petit entretien avec le président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie. "Vous avez 10 minutes", nous prévient son aide de camp. Allons donc droit au but.

Du temps de votre prédécesseur, le Burkina a été souvent accusé de menées déstabilisatrices contre la Mauritanie. Vous qui étiez le monsieur sécurité du régime Ould Taya, quel était la réalité de ces accusations ?

Ecoutez, nous avons remis, le Burkina et la Mauritanie, nos compteurs à zéro...

Ça veut dire qu’il y avait quelque chose, mais que vous avez décidé de passer l’éponge ?

Ça veut dire que le passé ne nous intéresse pas aujourd’hui. Et comme j’ai eu à le dire au président Blaise Compaoré, quelles que soient les impasses, les petits problèmes qui aient pu exister dans les relations entre le Burkina Faso et la Mauritanie, cela nous importe aujourd’hui très peu. Ce qui est important pour nous présentement, c’est de rehausser au niveau qu’ils méritent et au niveau qu’attendent nos deux peuples, les rapports entre nos deux Etats, parce que rien n’oppose le Burkina et la Mauritanie. Bien au contraire, tout les unit, et tout les incite à travailler la main dans la main. Voilà ce qui est capital pour nous de nos jours, et non les comptabilités du passé.

Après donc l’entretien que vous avez eu avec votre homologue, on peut dire que les nuages sont totalement dissipés entre Nouakchott et Ouaga ?

Vous savez, nous sommes des pays sahéliens, et les nuages n’y sont pas particulièrement épais. Et ceux qui existaient ont été totalement dissipés.

Est-ce vrai qu’au plus fort de la crise entre les deux pays, l’opposant burkinabè Hermann Yaméogo a été reçu à Nouakchott par les autorités mauritaniennes ?

Personnellement, je ne suis pas au courant de ce dossier-là. Sincèrement, je n’ai absolument aucune information sur cette affaire et je regrette de ne pouvoir vous en dire grand-chose.

Puisque vous avez mille fois réitéré vos promesses de balayer la maison et de partir (et non de vous y coucher comme l’autre), il ne nous reste donc plus qu’à attendre patiemment que vous teniez parole ?

Je ne demande même pas qu’on me croie sur parole, mais sur les actes. Et de voir si les promesses faites sont effectivement tenues aux dates promises. A la date d’aujourd’hui, l’ensemble des promesses que nous avons faites aux Mauritaniens, et, par delà eux, à la communauté internationale, ont été respectées point par point.

Il ne reste plus qu’un calendrier électoral qui est daté à l’année, au mois et au jour près. D’ailleurs l’ensemble des instruments de ces élections sont déjà prêts et en mouvement. Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait encore lieu de douter de quoi que ce soit.

Mais peu importe qu’on doute, après tout chacun a le droit de douter de ce qu’il veut, car, encore une fois, nous ne demandons à personne de nous croire sur parole ; l’essentiel est de comptabiliser nos actes pour nous dire, au besoin, "attention, là vous avez failli" ou au contraire "vous avez été réglo". C’est tout ce que nous demandons.

L’une des raisons invoquées pour déposer Ould Taya, c’est la dérive totalitaire de son régime. Vous qui avez toujours été à ses côtés, vous êtes quand même un peu comptable ou même coupable de ça, non ?

Ecoutez, une clé n’ouvre pas toutes les serrures...

C’est-à-dire ?

Ça veut dire que je ne me sens coupable ou responsable que de mes propres actes.

Quelle importance accordez-vous à votre participation à ce sommet Afrique-France de Bamako ?

La participation de notre pays est tout à fait naturelle, normale et ordinaire. La Mauritanie est avant tout un pays africain. Par conséquent, l’ensemble des problèmes qui sont posés à ce continent lui sont posés directement ou indirectement. Le sommet Afrique-France est quelque chose d’extrêmement important pour nous ; nous y participons avec un esprit tout à fait constructif, et nous essayons d’y apporter notre pierre afin de pouvoir, ensemble, trouver des solutions aux problèmes qui se posent à notre continent.

Dans un pays comme la Mauritanie, en quels termes se pose la problématique de la jeunesse, objet du présent sommet ?

Les problèmes de la jeunesse mauritanienne sont ceux de toute la jeunesse africaine en général. Il n’y a rien de différent. Dans la structure de notre population, les jeunes constituent un pourcentage important et nous sommes confrontés aux mêmes problèmes que les autres pays, à savoir l’éducation, l’émigration, le chômage, la formation..., tout ce dont il est question ici à Bamako. Il est donc tout à fait normal et naturel de trouver une solution à l’échelle continentale ainsi qu’au sein des organisations sous-régionales qui peuvent, à un degré ou à un autre, améliorer cette situation ou lui trouver une solution.

Monsieur le président, à l’issue de la transition, vous aurez à peine 55 ans, et c’est trop jeune pour prendre sa retraite. Vous avez déjà pensé à votre vie après la présidence ?

Je n’ai jamais pensé à ce que je vais faire après. Laissons, comme on dit, du temps au temps, mais ce qui est sûr, je serai retraité.

Entretien réalisé à Bamako par Ousséni Ilboudo


Un parfum de sincérité

Des retrouvailles samedi matin avec un confrère mauritanien que nous avions rencontré (en 1994 précisément) à Tunis, et perdu de vue depuis une dizaine d’années puis un échange dans les couloirs du Centre international de conférences de Bamako avec l’aide de camp d’Ely Ould Mohamed Vall, à qui nous formulons le souhait de rencontrer son patron, et nous voici vers 19 heures attendant à l’entrée d’un des salons présidentiels, attenant à la salle où les chefs d’Etat tiennent leur huis clos. Après naturellement avoir passé les multiples barrages de sécurité, nonobstant l’absence d’un surbadge indispensable pour pénétrer en ces lieux. Mais la présence à nos côtés de l’officier mauritanien valait tous les sauf-conduits du monde.

"Vous avez 10 minutes", nous dit-il. Qu’importe, ne serait-ce que pour marquer le coup, c’est toujours bon à prendre quand on connaît l’agenda surbooké des chefs d’Etat, pris entre tête-à-tête, audiences, huis clos et des sollicitations de toutes sortes. Après avoir raccompagné son compatriote Ahmedou Ould Abdelah, le représentant spécial de l’ONU en Afrique de l’Ouest, à qui il venait d’accorder une audience, le nouveau maître de Nouakchott nous reçoit. Le ton est courtois, le verbe calme et posé. Il s’excuse même à la fin de l’entretien, des fois que nous n’aurions pas été satisfait de ses réponses. "J’espère que vous n’avez pas été trop déçu", lance-t-il. Difficile d’imaginer que sous ces dehors d’intello racé, se cache un colonel qui fut, deux décennies durant, le gardien du temple Ould Taya.

Mais contrairement à son prédécesseur, lui promet juste de remettre la Mauritanie sur les rails de la démocratie et de la bonne gouvernance et de s’en aller. Quitte à se mettre en réserve de la république. Sur les traces d’ATT donc plutôt que de Robert Guei ou deFrançois Bozizé, sans oublier ces nombreux militaires qui sont venus au pouvoir par les armes et qui n’ont jamais pris le risque de promettre partir. Bien au contraire, ils s’accrochent.

Si ça se trouve, le sujet (de son départ programmé), qui revient immanquablement, doit commencer à l’agacer quelque peu même s’il comprend qu’au regard des précédents fâcheux, on soit fondé sinon au scepticisme du moins à la prudence. Il y a cependant comme un parfum de sincérité qui se dégage de ce monsieur affable, surtout qu’il met lui-même les verrous politico-juridiques pour ne pas céder aux chants des sirènes.

Bien sûr, nous direz-vous, un verrou, ça se saute et on peut fort bien, dans cette Afrique où on aura tout vu, commanditer des marches, meetings, matches de soutien et appels pressants à la candidature pour ensuite prétendre répondre aux sollicitations de ses compatriotes auxquels on fait don de sa personne. Mais tout porte à croire qu’il tiendra parole. "Ce qui est sûr, je serai retraité après la transition", nous confie-t-il. Eh bien, prenons-le au mot et prenons date.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga

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