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Charles Konan Banny, nouveau Premier ministre de la Côte d’Ivoire : Un agneau parmi les loups

Publié le mardi 6 décembre 2005 à 07h50min

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Charles Konan Banny et Laurent Gbagbo

Plus d’un mois après le délai fixé par les Nations unies pour la désignation d’un Premier ministre en Côte d’Ivoire, l’Union africaine, après moult tractations, vient de proposer Charles Konan Banny à ce poste. Proposition acceptée par toutes les parties. Mais, pourra-t-il réussir là où Seydou Elimane Diarra a échoué ?

Après deux mois de négociations tous azimuts, l’Union africaine vient de donner un Premier ministre à la Côte d’Ivoire, Charles Konan Banny quitte la tête de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pour le siège de Premier ministre de la République de Côte d’Ivoire. Si sa nomination a été acceptée par toutes les forces en présence dans le pays de feu Félix-Houphouët Boigny, il n’en demeure pas moins que sur le terrain de la lutte politique, des intrigues et des crocs-en-jambe, des acteurs de la crise attendent Charly. C’est dire qu’il a du pain sur la planche.

En théorie, l’homme ne devrait pas avoir de problème à mettre en œuvre les accords issus de Pretoria. Mais en pratique, la chose semble difficile dans la mesure où les caciques du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ont des exigences quant à la priorité à accorder à tel ou tel texte. Les uns (PDCI-RDA, RDR, FN) réclament à cor et à cri, l’application des recommandations des Nations unies qui font de Laurent Gbagbo un président « sans-pouvoir » et du Premier ministre, le maître à bord du navire Côte d’Ivoire.

Les autres (FPI et affiliés) clament la mise en application de la constitution. Dans cet imbroglio politique, Charles Konan Banny du haut de ses 63 ans, risque d’être « embrigadé ». La roublardise politique est en passe d’être une spécialité ivoirienne. Après Marcoussis, les frères ivoiriens avaient chanté en chœur « l’Abidjanaise », Seydou Elimane Diarra était, par consensus, nommé Premier ministre.

La suite on l’a connaît. L’homme est noyé dans les crocs-en-jambe des protagonistes de la crise ivoirienne. Aujourd’hui, il en fait les frais en donnant l’image d’un agneau qu’on a envoyé à l’abattoir pour le sacrifier sur l’autel des appétits voraces d’individus assoiffés de pouvoir. Aujourd’hui, Charles Konan Banny prend le relais grâce à la troïka de l’Union africaine (Obansanjo, M’Beki, Tandja) avec la bénédiction de Paris, par le biais de Jacques Chirac. La grand-messe France-Afrique aura été bénéfique sur ce plan.

Un an pour convaincre

Le nouveau Premier ministre ivoirien, Charles Konan Banny a un an pour convaincre. Convaincre en premier lieu, ses frères ivoiriens qu’il est l’homme de la situation. En second lieu, la communauté internationale par l’organisation de l’élection présidentielle libre, transparente avec un résultat accepté par les quatre grands ogres de la politique ivoirienne : Henri Konan Bédié (PDCI-RDA), Alassane Dramane Ouattara (RDR) et Laurent Koudou Gbagbo (FPI) et Guillaume Soro (FN). A scruter de près, et sans être dans les secrets des dieux, Charles Konan Banny risque de subir le même sort qu’Elimane Diarra. Non pas par incompétence mais empêtré qu’il sera dans l’ornière des peaux de banane que se jettent à longueur de journée, les protagonistes de la crise ivoirienne par groupuscules interposés.

Par ailleurs, économiste qu’il est, Charles Konan Banny aura à se frotter à deux maux fondamentaux du diagnostic ivoirien : la crise politique et la crise économique. Si Gbagbo et ses hommes lui donnent les pleins pouvoirs (cela relève du rêve), l’ex-patron de la BCEAO peut réussir là où son prédécesseur s’est cassé les dents. Mais, si l’on lui met les bâtons dans les roues et cela ne manquera pas, « Charly » court à l’échec.

Conséquence, le pays du café et du cacao restera toujours à supputer sur le comment sortir de cette crise qui n’a que trop duré. Charles Konan Banny aura à affronter les hommes de Laurent Gbagbo sur les problèmes qui ont conduit l’ex-eldorado de l’Afrique de l’Ouest au bord du gouffre. La nationalité, la réforme agraire et foncière, l’établissement des listes électorales dans un pays coupé en deux. Les maux ivoiriens s’imbriquent et se chevauchent. Aujourd’hui, la régression économique, le chômage, la pression foncière font de l’accès à la nationalité et partant, au capital et à l’éligibilité, des questions de spéculations et de conflits.

Quels hommes pour quel pays ?

La Côte d’Ivoire patauge et ne sait où elle va. La crise qui depuis trois ans, secoue ce pays a tendance à s’enliser avec ou sans la bénédiction de la communauté internationale.

A tout point de vue, l’ONU en reconduisant le mandat de Laurent Gbagbo pour un an, en maquillant le texte de termes tels que « sans pouvoir décisionnaire », est passé à côté du sujet ivoirien. A bord du navire Côte d’Ivoire, Gbagbo qu’il soit « sans-pouvoir » ou « avec-pouvoir » demeure le seul décideur.

Le prédécesseur de Charles Konan Banny, Elimane Diarra devait, selon Marcoussis, « partager les pouvoirs ». Sur le terrain, Gbagbo en fin politique, le nargue en lui opposant la Constitution comme loi fondamentale à appliquer face aux différents accords signés. Le nouveau Du côté de l’ancienne puissance coloniale, la France, l’on regarde et laisse faire pour ne pas pénaliser « le gombo » des entreprises françaises. La France est le premier investisseur étranger en Côte d’Ivoire.

Plus de 1 000 entreprises françaises se partagent la poire industrielle ivoirienne. Au bas mot, ce sont plus de 2,3 milliards d’euros de chiffres d’affaires. Donc, la France préfère ne pas effaroucher Laurent Gbagbo. Charles Konan Banny aura à prendre, à tête froide, des décisions qui pourront bousculer et bouleverser les différents appétits. Réussira-t-il ? Wait and see.

Daouda Emile OUEDRAOGO (ouedro1@yahoo.fr)
Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 6 décembre 2005 à 11:56, par Madiba En réponse à : > Charles Konan Banny, nouveau Premier ministre de la Côte d’Ivoire : Un agneau parmi les loups

    La nomination de Charles Konnan Bany ne surprend personne. C’est l’homme dont avait besoin Bagbo depuis un certain temps, avant même la décision de l’UA et de l’ONU de le maintenir au pouvoir. Pourquoi, Konan Bany ?

    1) Le choix de Konnan Bany à la primature permet à Laurent Bagbo de protéger son fauteuil présidentiel. Avec la crise qui secoue le pays, Konan Banny se révelait de plus en plus être l’homme de la situation pour beaucoup d’ivoiriens du Nord et du Sud. C’est donc un adversaire à écarter. Mais, étant donné qu’il n’est pas impliqué dans la crise comme le sont Alassane et Bédié, il ne peut être traité comme un ennemi. Une fois nommé à la primature, il doit maintenant se charger de l’organisation des prochaines élections. Par conséquent, il ne pourra pas se présenter aux prochaines élections car on ne peut pas être juge et partie en même temps. Mathématiquement et politiquement parlant Charles Konnan Banny est écarté dans la course au pouvoir.

    2) Selon certaines presses, Konnan Bany aurait des ambitions politiques. Pour cela, il envisageait de passer par le PDCI. Mais la présence de Bédié n’arrangeait pas les choses. Bagbo voit en cela un moyen de se faire un allié contre Bédié en l’alliant à sa cause.

    3) Konan Bany n’est pas de l’opposition. Sa nomination est une victoire pour Bagbo qui a refusé toutes les autres propositions venant de l’opposition.

    4) Pour terminer, Charles Konan Banny n’est pas du nord. Tout le monde sait que le conflit est en partie ethnique. Nommer un nordiste pour organiser les prochaines élections ? Pour Bagbo, il faudra être un fou pour accepter une telle décision. Un nordiste n’acceptera jamais d’écarter le nord dans les prochaines élections quelque soit la situation du pays car il sera rattrapé par l’histoire. Je ne dis pas que Konnan Banny acceptera cela, mais sa nomination constitue un réel espoir pour Bagbo.

    Pour conclure, jusque là Bagbo gagne et continue de gagner contre l’opposition et contre les rebelles. Comme Bagbo l’a dit, la rébellion est morte depuis la décision de l’UA de le maintenir au pouvoir pour une année supplémentaire. Les rebelles n’ont que trois issues, 1) soit accepter le désarmement et opter une politique qui leur permettra de sortir par la grande porte, 2) entrer en guerre (ce qui n’est pas forcement la bonne) et risquer d’être sanctionnés par la communauté internationale et de donner une victoire définitive à Bagbo ou 3) diviser le pays en deux (pas forcement la bonne aussi).

    Quant à l’opposition politique, elle a manqué le grand rendez-vous pour se faire une place et préparer leur prochaine victoire. Au lieu de faire une candidature commune qu’ils pourront imposer, ils ont préféré la division. On dit qu’il faut savoir perdre pour mieux gagner. Une seule candidature certes n’arrangerait pas tous les partis, mais elle permettra à l’opposition de contrôler indirectement l’organisation des élections et de garantir la transparence et leur prochaine victoire. Mais ils se sont trop précipités à la soupe car chacun voulait tout le morceau pour lui seul. C’est ce manque de réalisme de l’opposition qui fera sans doute de Bagbo le gagnant des prochaines élections. Bagbo est un politicien pas comme ses opposants (Alassane et Bédié) qui ont tous eu le pouvoir grâce à la faveur d’un homme : Le Vieux. Ils n’ont pas appris à gagner le pouvoir ni à le conserver, on les a donnés le pouvoir...

    Je m’arrête là, je ne fais que donner une analyse de la situation qui peut ne pas être juste. Sachez que ce point de vue est impartial. Je souhaite à Konnan Banny beaucoup de chances car la réussite de sa mission sera un grand bonheur pour l’Afrique de l’Ouest car tout le monde est fatigué de ce conflit dont personne ne connaît l’issue.

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