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SIDA : L’Afrique, comme toujours

Publié le vendredi 2 décembre 2005 à 07h47min

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Quand en 1981, le premier cas de ce qui deviendra la pandémie du 20e siècle apparut, le monde médical l’avait nommé la maladie des "3 H", à savoir la maladie des homosexuels, des héroïnomanes et des Haïtiens. Près d’un quart de siècle après, on sait à peu près tout sur le Syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), qui touche 40 millions de personnes dans le monde, avec 25 millions de décès chaque année.

Le Sida, de nos jours, touche toute la planète à divers degrés. Les pays développés, tels les pays européens et les USA, comptent moins de séropositifs. Et comme en toute mauvaise situation, l’Afrique, ici, tient encore et toujours la tête avec 2/3 des séropositifs de la planète. Ce triste record résulte d’abord de la pauvreté du continent noir, mais aussi de l’ignorance ambiante, propice à la propagation du virus.

Ainsi, aux dénégations des premières années ("le Sida a été inventé, il n’existe pas") qui continuaient d’avoir libre cours dans certains pays africains, se sont substitués des appels francs, quelquefois voilés, à utiliser le seul remède contre ce mal : le préservatif. Encore que sur le port du condom, les avis sont partagés, notamment en ce qui concerne les religions. L’Eglise catholique par exemple, fidèle aux lois canoniques, prône la fidélité ou l’abstinence : "Tout acte matrimonial doit rester ouvert à la transmission de la vie", stipule l’encyclique catholique humanae vitae (1968).

Le judaïsme autorise au cas par cas l’usage du préservatif contre le Sida, au nom du premier commandement : "Tu ne tueras point". L’islam admet le recours au préservatif au nom du même impératif. En 2005, 3,2 millions d’Africains ont contracté le VIH/Sida et 2,4 millions en sont morts. L’Afrique subsaharienne, qui compte à peine 10% de la population mondiale, regroupe, à elle seule, 60% des personnes vivant avec le VIH, soit 25,8 millions sur les 40,3 millions, mentionne le rapport ONUSIDA/OMS.

L’Afrique du Sud, premier pays touché, et le Nigeria, le troisième, comptent à eux deux près de 10 millions de personnes vivant avec le VIH, l’Inde étant la seconde dans ce classement. On ne saurait oublier l’Afrique australe, dont les pays ont également atteint la côte d’alerte, notamment en Zambie, au Kenya, au Malawi, au Swaziland. Seule embellie dans cette partie du continent noir, l’Ouganda, qui, après avoir abrité le plus grand nombre d’enfants orphelins du Sida, affiche une baisse régulière du taux de prévalence.

En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire a également un taux de prévalence élevé, mais en matière de chiffre, il faut cultiver la circonspection, car entre ceux-ci et la réalité, il y a un écart abyssal. L’heure maintenant est à la prévention et surtout aux soins, notamment à l’utilisation des ARV. Selon le même rapport de l’ONUSIDA, une personne sur trois bénéficie des ARV au Botswana, en Ouganda, contre 10 à 20% au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Kenya... tandis que 85% des Sud-Africains atteints par ce mal ne les recevaient toujours pas à la mi-2005.

Ce déséquilibre s’explique par le fait que les premiers responsables politiques de ce pays, parmi lesquels le président Thabo M’Beki himself, rechignaient à ce que leurs compatriotes usent des ARV. Conséquences : les décès ont augmenté de 62% entre 1997 et 2002 dans ce pays arc-en-ciel. Il a fallu d’ailleurs que l’un des fils de Nelson Mandela meure de ce mal, il y a un an, et que le "Sage Madiba" en parle pour dire "qu’il n’y a pas de honte à avoir le Sida", pour que la tendance s’inverse un peu.

En tout cas, actuellement, les gouvernements africains ont pris le taureau par les cornes et au Burkina Faso par exemple, a été créé le Conseil national de lutte contre le Sida (CNLS), présidé par le chef de l’Etat lui-même. Des centaines d’associations ont vu également le jour pour lutter contre le Sida. Sans oublier les milliards consacrés à ce domaine.

Cependant, disons le tout net, il y a encore beaucoup à faire : d’aucuns estiment en effet que la construction d’infrastructures luxueuses n’est pas une priorité par rapport par exemple à la vulgarisation à coût moindre des ARV. En effet, même si le coût des médicaments a chuté, il reste toujours hors de portée pour de nombreux malades. Ce qui fait qu’il est impératif de revoir ces prix surtout dans nos sociétés où le malade, une fois étiqueté comme tel, est presqu’un pestiféré, n’ayant souvent aucun point d’attache.

Le Sida étant devenu une question de développement (mais aussi de business, avec l’industrie des condoms, celle des recherches ; et là où il y a le business, il y a l’appât du gain...), alors si ce mot traverse tous les discours, il est temps que le soin des malades à coût très réduit soit inscrit, pourquoi pas de façon permanente, dans les programmes PPTE. Car dans tous les cas, à défaut de cela et si les prévisions de l’hécatombe que va occasionner ce mal se réalisaient dans les prochaines années, il est à craindre que le développement en Afrique soit compromis.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana
Observateur Paalga

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