LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Opposition : Pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va

Publié le jeudi 1er décembre 2005 à 07h58min

PARTAGER :                          

Maintenant que les résultats sont connus, les candidats de l’opposition feignent d’être surpris. Mais à la vérité, comme l’a dit Salif Diallo, il faut que pour une fois, les leaders de l’opposition arrêtent de se mentir à eux-mêmes. Il n’était pas possible de faire mieux que les résultats que nous avons présentement.

Mais peut-être faut-il s’interroger sur ce que voulait exactement les leaders de l’opposition en décidant d’aller à cette présidentielle ? Pour gagner les élections ? Ou pour faire une expérience de participation au scrutin présidentiel, question de dire un jour : " en 2005, j’étais candidat à la présidentielle " ?

Pour la première hypothèse, c’est-à-dire gagner la présidentielle, c’était clair, personne d’eux pris individuellement ne remplissait les conditions. Et pour le démontrer, nous avions dans ces colonnes même, repris les scores des partis qui présentaient des candidats. Voilà que ce qu’il en était, même si cela nous a valu des critiques acerbes de certains leaders de l’opposition, qui nous faisaient la gentillesse de nous dire que nous faisions des confusions terribles, en comparant des scrutins qui n’ont pas les mêmes enjeux. Mais pour évaluer les chances d’un individu qui se présente à une compétition aux voix, que fallait-il faire, sinon mesurer le poids électoral de la structure qui le porte ?

Comment évaluer le poids électoral d’un candidat

De façon traditionnelle, dans une démocratie, le parti ou la structure qui présente le candidat constitue, pour parler comme les économistes, la mise de départ, avec son potentiel électoral. Le candidat en fonction de son charisme et sa force de persuasion apporte la plus value nécessaire pour faire la différence avec les autres candidats. C’est sur cette base que nous étions partis pour faire les projections. Les résultats de la présidentielle ne nous ont pas démenti, loin de là. Prenons les quatre premiers et voyons à la lumière de leur score ce que nous avions prédit.

Maître Bénéwendé Sankara, avec l’UNIR/MS, avait au niveau national totalisé, 42 599 voix soit 2,5% des suffrages (élections législatives de mai 2002). En considérant que les 42 599 électeurs étaient la mise de départ avec laquelle il partait à cette élection, il ne nous semblait pas mathématiquement possible qu’il fasse un score qui puisse chambouler la donne. Pour ce qui le concerne personnellement, les résultats sont plus que flatteurs. Avec ses 103 216 voix à la présidentielle, il a multiplié par deux les scores de son parti aux législatives dernières, soit une progression de plus de 60%.

Avec une telle performance, qu’en serait-il s’il avait été porté par une structure ou des structures plus représentatives ?
Pour Laurent Bado, il allait à cette élection avec une assise électorale de 47 477 voix, soit 2,87% des électeurs (base législatives de mai 2002). Comme Maître Sankara, la mise de départ était trop insignifiante, pour qu’il prétende peser conséquemment sur les résultats de la présidentielle. Effectivement, son score à la présidentielle n’a pas beaucoup amélioré la mise de départ, même s’il a connu une légère évolution.

A cette présidentielle, 54 550 Burkinabè lui ont donné leur voix, soit un gain de 7 000 voix supplémentaires par rapport aux législatives dernières. Une performance négligeable au regard de l’espoir qu’avait suscité son entrée en politique. Mais il y a eu entre temps la sale affaire des trente millions, qui quoiqu’il s’en défende, l’a complètement discréditée.

En quatrième position arrive Philippe Ouédraogo qui a pu attirer sur son nom 47 505 voix, pour la présente présidentielle. Pour les législatives de 2002, son parti avait fait un score de 42 039. Lui aussi réalise une petite performance en faisant mieux que son parti. Mais de toute façon, sa rampe de lancement était trop faible pour lui permettre de prendre de la hauteur.

Enfin le candidat du PDP/PS, Ali Lankoandé qui était de tous les partants (les candidats de l’opposition), celui qui avait une assise relativement acceptable. Aux législatives dernières, son parti avait fait un score honorable avec 122 100 voix, soit 7,33% des votants. Pour cette présidentielle, le professeur Lankoandé n’a pu réunir autour de son nom que 36 346 voix.

Pour lui principalement, c’est un effondrement. Il n’a pas apporté de plus value à sa mise de départ. Pour ce qui concerne le candidat du PDP/PS, nous disions du reste ceci : "Deux partis seulement pourraient franchir la barre des 5% : le PDP/PS et La famille RDA reconstituée. Et même dans ces deux cas, la situation n’est plus celle de 2002. La famille RDA déchirée ne fera certainement pas un score aussi bon. Il suffit pour cela de se référer aux législatives passées. Notamment celle de 1997.

Quand au PDP/PS, le départ du professeur Ki-Zerbo ne peut pas ne pas avoir des conséquences. On attend de voir dans quel ordre ". La succession du Professeur Ki-Zerbo vient donc d’exprimer son impact sur la vie du parti. Il est certain que le sympathique Ali Lankoandé n’a pas le même charisme et la même légitimité que le baobab Joseph Ki-Zerbo.

Blaise a travaillé scientifiquement

Au regard des résultats que nous venons d’exposer, il était quasiment impossible aux prétendants de l’opposition de changer individuellement la donne. Et même coalisés, la tâche n’aurait pas été aisée. Mais dans ce cas, il y aurait eu certainement un déclic qui aurait pu provoquer un repositionnement dans l’électorat.

Car il faut tout de même se dire qu’une élection est une science et qu’il faut bien la maîtriser avant d’espérer en tirer le maximum. Une élection se gagne d’abord en créant les conditions de la victoire. Dans un suffrage, ce sont les voix qui comptent et les électeurs, mêmes analphabètes, ne donnent pas leur voix comme ça au premier venu. C’est pourquoi, Blaise Compaoré, même se sachant majoritaire, a toujours recherché des rassemblements. Il a crée ainsi le CDP en 1997, pour les législatives, mais surtout pour la présidentielle de 1998.

Et pour les présentes, il a commencé à se préparer depuis 2003, en cassant d’abord l’ADF/RDA, avant de s’assujettir la fraction importante de ce qui restait de cette formation. Mais tout cela n’a pas suffi à le rassurer. Il a fallu travailler méthodiquement à discréditer les leaders putatifs de ce qui restait de l’opposition. Et il a réussi au-delà des attentes en empêchant que ne se constitue vraiment un pôle crédible de l’opposition, comme les prémices l’annonçaient au début de l’année 2004. En effet jusqu’en avril 2004, l’opposition montrait une volonté de se constituer en front. Et puis brusquement, les choses ont commencé à aller de travers. L’OBU devient inconciliante avec son affaire de candidat unique ou rien.

S’en suivront d’autres prises de positions qui consacreront le divorce définitif. On apprendra une année plus tard qu’en cette période, les premiers responsables de l’OBU faisaient déjà l’objet d’une cour assidue du président du Faso qui, en leur cirant malicieusement les pompes, en les gratifiant du qualificatif " d’opposants les plus crédibles ", se préparait à " leur perdre la tête, pour mieux les perdre ". Et ça n’a pas manqué. Car une fois l’OBU isolée, il ne restait plus qu’à le désamorcer, en faisant transpirer dans la presse le deal des 30 millions, qui aurait immanquablement discrédité leurs destinataires.

Les choses se déroulèrent comme prévu et ont été même extraordinairement facilitées par une communication maladroite et à la limite du cynisme, qui voulait que l’on prenne des vessies pour des lanternes. Et pour ne laisser aucune chance au professeur Bado, après le discrédit, on l’isola définitivement en le séparant de son allié Emile Paré et en faisant fuir les trois députés de son parti.

Ainsi esseulé et discrédité, qu’aurait-il pu faire ? Pas grand-chose. Est-il possible que Bado n’ait pas perçu ce dessein qui a ruiné définitivement sa brève carrière politique ? Pour un grand esprit comme Bado, ce n’est pas imaginable. Nous pensons plutôt que s’étant rendu compte du vilain coup que le " petit capitaine " lui a joué, lui le professeur dont la science infuse était si recherchée, il a décidé, comme il le dit lui-même, de faire le judoka et de pendre ce vicieux adversaire dans le sens de son mouvement, pour sauver son honneur. En arrivant troisième, il n’a pas pu laver l’affront, mais il n’a pas été déshonoré non plus. Qu’en serait-il si Bado avait pu maintenir son aura de 2002 intact ?

Le règne sans fin du CDP

Maintenant que chacun des prétendants a fait son expérience en permettant la consolidation du pouvoir de Blaise Compaoré, est-il possible que les choses changent ? Il ne faut pas rêver. Nous sommes partis pour le règne sans fin du CDP exactement comme ce fut le cas du RDA sur trois décennies dans notre pays. Ce parti, dont les barons ont compris tout l’intérêt qu’ils ont à s’abriter derrière cet instrument électoral puissant, continuera de remporter les élections dans ce pays, même en l’absence de Blaise Compaoré.

L’opposition burkinabè n’a jamais su différencier les contradictions principales des secondaires. " En 1978, confesse Ki-Zerbo, si Joseph Ouédraogo et nous avions accepté faire front commun, nous aurions changé la donne politique dans ce pays. Mais entre lui et moi, parce que nous étions des promotionnaires depuis l’école missionnaire de Pabré, il y avait une sourde rivalité, et chacun tenait à démontrer ce qu’il valait effectivement en terme de poids politique ".

Cet esprit de compétition morbide entre les leaders de l’opposition est une tare congénitale de notre opposition. Prendre le pouvoir devient dans ce cas secondaire. Le plus important, c’est de montrer au vis-à-vis de l’opposition qu’on le bat. Dans ce cas, autant nous faire à l’idée, avec notre opposition, qu’il n’y a pas d’alternative à l’horizon. L’alternance est cependant possible. Blaise Compaoré pourrait y travailler

Newton A.Barry
L’Evénement

P.-S.

Voir notre dossier :
Présidentielle 2005

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 1er décembre 2005 à 18:38 En réponse à : > Opposition : Pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va

    Drôle de démocratie !!!
    C’est le principal chef du parti au pouvoir qui va, finalement, déterminer l’ossature de l’opposition.
    Alors, Monsieur COMPAORE, vous êtes vraiment fort !!!
    Je pense sincèrement que la tare congénitale de l’opposition a été parfaitement mise en exergue par l’article.
    observateur attentif de la vie politique burkinabè.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique