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Afrique : Faute d’alternance, essayons les monarchies constitutionnelles

Publié le mercredi 30 novembre 2005 à 08h13min

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"Le dernier survivant". C’est ainsi que notre confrère Jeune Afrique
l’Intelligent qualifie le président gabonais Omar Bongo. 38 ans de règne.
Dernier dinosaure de la faune des "pères de la nation" qui cherche encore à
s’agripper au pouvoir.

Les autres, de gré ou de force, l’ont quitté.
L’"indécrottable" Mobutu a fini par être chassé comme un malpropre par
certains de ses compatriotes, las d’attendre pendant plusieurs décennies,
l’heure tant espérée de l’alternance. Il est mort, abandonné par les plus
fidèles de ses fidèles, absents à son enterrement, exception faite de quelques
membres de sa famille.

Au Togo, le général Gnassingbé Eyadéma est resté,
lui aussi, scotché au fauteuil présidentiel pendant 38 ans. Quitter le pouvoir
semblait ne point lui effleurer l’esprit. Si bien que sa mort plus ou moins subite
a conduit le pays droit dans le mur de briques. La suite, on la connaît :
manifestations populaires, répressions, plusieurs centaines de morts. Bref,
comme dit un observateur de la scène politique africaine, "le pouvoir, trop de
pouvoir, corrode l’esprit et rend aveugle".

Même si, évidemment, certains
"pères de la nation" ont réussi à déjouer le piège. Léopold Sédar Senghor,
par exemple, a volontairement quitté le trône présidentiel, animé non
seulement par le sens du partage, de l’alternance, mais aussi et surtout de
l’intérêt supérieur du Sénégal, de l’Afrique et de l’humanité tout entière.
Mais il n’y a pas que les "vieux dinosaures" entrés en politique dans les
années 60 qui torpillent l’Afrique.

Il y a aussi une nouvelle race de chefs d’Etat
voraces, fermement soutenus par des puissances occidentales dont ils
défendent farouchement les intérêts au détriment de ceux de leur propre
peuple, qui s’installent de plus en plus, aptes, eux aussi, à inventer toutes
sortes de stratégies pour se pérenniser au pouvoir. Oubliant que tôt ou tard,
ils finiront par être désarmés par leur peuple. Car, à force de vouloir savourer
sans cesse et avec trop de gourmandise les délices du pouvoir, on finit par
susciter des frustrations qui conduisent inéluctablement à des crises graves.
L’alternance est assurément le meilleur antidote à l’instabilité politique.

Mais certains chefs d’Etat semblent n’en avoir cure. Quand sonne l’heure des
élections, ils suscitent des mouvements de soutien et affirment sans sourciller
qu’ils n’ont pas encore achevé le programme entrepris lors de leurs
précédents mandats. Comme si, après plus de 30 ans de règne, on pouvait
encore faire ses preuves. Et les Occidentaux, nos directeurs de conscience,
s’en amusent. C’est, en réalité, un manque de respect au peuple. Car, au nom
de la démocratie tant prônée, il eût été judicieux de donner des chances de
réussite à l’alternance. Mais l’on préfère doper ses concitoyens du principe
africain selon lequel "on ne change un chef que s’il est mort".

En réalité,
aujourd’hui, de nombreux chefs d’Etat ont du mal à se soustraire à cette
logique. Cette conception du pouvoir, en plus des fraudes électorales, fausse
le jeu démocratique. Et fait du coup penser à une sorte de monarchie
constitutionnelle en gestation. L’Afrique gagnerait peut-être, par dépit, à
expérimenter ce modèle de gouvernance. Cela permettrait à ces vieux
dinosaures qui refusent de quitter le pouvoir de le faire tout en continuant à
jouir de leurs privilèges.

Car, en réalité, beaucoup d’entre eux frémissent à la
seule idée de partir, de peur d’être épinglés par la justice, conscients que
leurs placards sont pleins de cadavres, de dossiers de crimes économiques
et de bien d’autres affaires nauséabondes.

Les chefs d’Etat africains doivent
savoir qu’ils sont, pour la plupart, encombrés par de tels dossiers parce qu’ils
veulent coûte que coûte se maintenir au pouvoir. Comme s’ils voulaient
perpétuer la tradition des anciens empereurs africains. Même eux duraient
moins au pouvoir. Les empereurs tels Soundiata Keita, Naaba Koutou,
Kankan Moussa et autres n’auront pas eu la longévité au pouvoir de chefs
d’Etat comme Gnassingbé et Bongo.

Malheureusement, de nombreux
opposants politiques semblent souscrire à cette logique. Puisque quand
sonne le tocsin des gouvernements d’ouverture, ils font des pieds et des
mains pour, eux aussi, goûter aux délices du pouvoir ministériel. Contribuant
ainsi à pérenniser le système. Et puisque c’est un phénomène à la mode
depuis plusieurs décennies, (apparemment c’est une spécificité africaine),
que faut-il faire pour rompre avec cet engrenage qui étouffe les chances de
développement de l’Afrique ?

Le "berceau de l’humanité" gagnerait, du fait
des portes verrouillées de l’alternance, à tester l’expérience des monarchies
constitutionnelles.
Ce système aura au moins le mérite de bien faire fonctionner l’Etat, par
l’entremise d’un Premier ministre qui a les pleins pouvoirs, tout en assurant la
quiétude au président... à vie.

Et pourtant la voie a été indiquée par Senghor, Nyéréré, Rawlings, Konaré et
quelques autres leaders qui ont montré le bon exemple en matière
d’alternance démocratique. Mais le fait est que ce sont les plus nombreux qui
refusent de partir. Alors, comme le poète, on a envie de dire "bonjour,
monarchie constitutionnelle !"

"Le Pays"

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