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Immigration clandestine : La solution se trouve en Afrique

Publié le mercredi 30 novembre 2005 à 08h16min

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Le prochain sommet Afrique-France se tiendra la semaine prochaine, à Bamako avec comme « plat de résistance », l’immigration clandestine, sujet qui rappelle les tristes images de Ceuta et Mellila. Du coup, au-delà de la nécessaire solidarité entre Nord et Sud qui y sera évoquée, se pose l’impérieux devoir pour les dirigeants africains d’oser « inventer » un avenir plus tranquille pour leurs populations.

On n’a pas besoin d’être grand clerc pour affirmer que lors du Sommet Afrique-France de Bamako, le devoir de solidarité entre le Nord et le Sud sera rappelé, pour juguler le fléau des temps modernes qu’est devenue l’immigration clandestine. Il sera fait appel à la « grandeur » de la France « patrie » des droits humains qui, de ce fait, devra peser de tout son poids pour ouvrir plus encore, l’Europe à tous ces « dammés » de la terre qui y voient leur terre promise.

En retour, Paris promettra d’œuvrer dans ce sens et le Sommet se conclura sur de belles recommandations et résolutions qui magnifieront la coopération entre deux régions liées par l’histoire et la géographie et condamner de ce fait, au partage.

Rien que de beaux sentiments qui cachent en fait une réalité implacable : la France et au-delà l’Europe ne peuvent plus accueillir « toute la misère du monde » (dixit Nicolas Sarkozy) parce qu’elles aussi sont en voie de « tiers-mondialisation » depuis leur insertion mécanique dans la mondialisation.

Si à la fin de la décennie 50 et au début de celle 60, la France a accueilli sans souci les nombreux immigrants arabes et africains, c’est parce que son économie essentiellement basée sur le bâtiment et les travaux publics (il fallait reconstruire après la guerre) avait besoin de cette main d’œuvre « bon marché ».

Avec la manne déversée par le biais du plan Marshall de l’Oncle Sam, le bâtiment allait bien et avec lui le reste de l’économie. C’était l’époque de la consommation tous azimuts, où chaque ménage devait avoir sa voiture, son téléphone et sa résidence secondaire. Les ouvriers polonais et africains pouvaient donc prospérer et fonder famille, même s’ils étaient cantonnés dans des banlieues, lesquelles sont d’ailleurs en train d’exploser du fait de la panne structurelle que connaît l’économie française. Insérée mécaniquement dans la mondialisation, la France n’a pas pu ou su relever les défis que celle-ci présentait, notamment celui de la recherche scientifique et technologique.

Les secteurs porteurs se retrouvent, de nos jours, dans la recherche spatiale, l’aéronautique, les nouvelles technologies de l’information.....domaines où la France et à un dégré moindre l’Europe se trouvent « larguées » du fait du manque de capitaux. Et comme les secteurs traditionnels comme l’automobile et le textile sont fortement concurrencés par les nouveaux dragons asiatiques, la sinistrose devient quasi-totale.

Etre ou ne pas être

Dans cette occurrence, Paris n ‘a plus besoin d’ouvriers, fussent-ils qualifiés qu’elle trouve à peu de frais dans les ex-pays de l’Europe de l’Est par le biais des delocalisations. C’est plutôt de docteurs, d’ingénieurs, de physiciens, bref de génies, dont elle a besoin pour sortir son économie de l’impasse. Et même si le discours choque par sa rudesse, beaucoup de politiques français n’hésitent plus à parler d’immigration « sélective ». Mieux, les fils des immigrés de la première génération sont traités de « racaille » qu’il convient de « nettoyer au Karcher ».

La France est malade et il n’y a plus que l’Afrique qui lui permet d’entretenir sa grandeur par le biais des accords de coopération dont on ne cessera pas de dénoncer l’iniquité et des rapports marchands que la décence nous empêche de qualifier. « Réservoir de main d’œuvre » et rien que l’Afrique traîne son mal développement depuis quatre décennies, prisonnière du costume qu’on lui a taillé sur mesure. Pour la ridiculiser davantage, on « sort » de temps à autre un épisode du genre Hissène Habré pour lui rappeler qu’elle seule peut produire de pareils « monstres ».

Alors Hissèn Habré n’était qu’un instrument dans les mains des puissances occidentales dans leur lutte de positionnement sur le continent. Habré, l’arme « anti-Khadaffi » a été armé et stipendié par les Européens pour accomplir la « sale besogne ». Qu’il y ait eu des dégâts collatéraux rentrent dans « l’ordre normal » des choses et les commanditaires pour ne pas dire les coauteurs doivent en principe répondre des crimes commis.

Il apparaît donc que les Africains ont toujours été les dindons d’une farce macabre qui ravale un pays très riche comme la RD Congo ou des « puissances » comme le Nigeria et l’Angola au rang de pays pauvres très endettés. A l’image d’une « classe en soi », l’Afrique traîne son mal-être et tarde à effectuer sa révolution. Laquelle passe on le sait, par un développement endogène et intégré ou la « coupure du cordon ombilical » comme l’a dit Samir Amin.

Certains ont vite fait de voir à travers le NEPAD, la « solution-miracle » oubliant au passage qu’il était essentiellement basé sur des financements extérieurs. Le maître n’aidera jamais l’esclave à se libérer de ses chaînes et à devenir son égal si ce dernier ne cousent pas des efforts. Monnaie commune, agriculture intégrée, constructions d’infrastructures transnationales, renforcement des échanges Sud-Sud... voilà entre autres, des chantiers fondateurs d’une Afrique nouvelle. Une Afrique qui offrira des perspectives heureuses à ses fils et les empêchera de s’offrir en pâture aux yeux du monde. Plus que jamais, nos leaders politiques sont interpellés.

Boubakar SY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 1er décembre 2005 à 03:25 En réponse à : > Immigration clandestine : La solution se trouve en Afrique

    Il fallait que Thomas SANKARA soit à ce sommet pour relever le niveau de réflexion. A ce qu’il paraît nos chefs d’Etat sont des jouets. Ils ne disent rien d’interessant.

  • Le 5 décembre 2005 à 17:36 En réponse à : > Immigration clandestine : La solution se trouve en Afrique

    L’AFRIQUE EN PÉRIL
    Je salue cet esprit hautement illuminé. Votre article M. SY est le reflet d’un intellectuel conscient et mûr capable de transcender les politiques impérialistes ou néocolonialistes qui se servent des intellectuels dévoyés pour piller le continent. Vous posez les véritables défis qui attendent tout africain conscient et mûr. L’Afrique est utilisée par la France comme un réservoir de main-d’œuvre où elle peut puiser à son aise. Hier, c’était de la main-d’œuvre pour la construction de la grande réPUBLIque. Maintenant que la REPUBLIQUE est construite, il faut renvoyer les travailleurs chez eux en s’attaquant à leurs progénitures. Ce renvoi est mûrement programmé et planifié par la concentration des étrangers dans des banlieues, par les discriminations à l’emploi et au logement, par la discrimination raciale. Le noir n’a plus le droit d’être noir. On crée des préférences à l’intérieur d’une même race. Ceci a pour conséquence l’évitement. L’Antillais évite l’Africain parce qu’il le considère comme responsable de l’esclavage. L’Arabe ne veut plus se reconnaître du continent africain et le scinde en deux parce qu’il a la peau "beurré". Les noirs "intégrés" s’éloignent des non intégrés de peur de perdre leurs "privilèges". Personne de tous ceux-là ne se rend compte que cette manipulation est une arme psychologique déposée entre leur main pour se détruire. Aujourd’hui, à l’issue du sommet France-AFRIQUE, nous devons rester éveillés, car la France n’est pas venue seulement pour la question de l’immigration, mais elle vient parce qu’elle veut mobiliser à nouveau des tireurs d’élites à l’image des tirailleurs-africains jadis mobilisés contre l’Allemagne nazi. La France ne veut plus de la racaille que son système a fabriquée, d’immigrés sauvages, parasites. Elle est à la recherche d’une élite. Et c’est encore l’Afrique qui paie les frais. Comment voulez-vous que l’Afrique décolle et se développe si elle est constamment décapitée ? Comment voulez-vous que les décideurs politiques actuels soient de bons guides s’ils ne savent pas identifier leurs bourreaux ? Ils ne peuvent que conduire leurs troupeaux dans la gueule du loup. Comment voulez-vous qu’ils aient des projets de sociétés qui répondent aux besoins des peuples africains s’ils ne savent pas quel chemin emprunter pour y arriver ? La France organise la fuite des cerveaux.
    P.A. DIATTA

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