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Me Bénéwendé Stanislas Sankara : "Ce quinquennat oscillera entre coupé-décalé et viima ya kanga"

Publié le mardi 29 novembre 2005 à 08h22min

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Me Bénéwendé Sankara

Le patron de l’UNIR/MS, Me Bénéwendé Stanislas Sankara, demeure après la proclamation des résultats définits du Conseil constitutionnel, deuxième avec 4,88% des voix, à la présidentielle du 13 novembre 2005. Comment appréhende-t-il ce score ? Est-il dépité ? Le sankarisme a-t-il de l’avenir ? A-t-il reçu des sous de l’extérieur pour cette campagne ? Ce quinquennat de Blaise sera-t-il l’enfer ou l’Eden pour le peuple ?

Ce sont entre autres quelques questions de l’interview que Me Sankara nous a accordée, questions auxquelles il a répondu souvent de façon laconique, mais toujours sans fioritures.

Le Conseil constitutionnel a proclamé les résultats définitifs de la présidentielle. Vous êtes deuxième selon le classement, avec 4,88% des voix. Ce score reflète-t-il réellement votre électorat ?

• Avant de répondre à votre questionnaire, permettez-moi de saisir cette opportunité pour saluer et féliciter le peuple burkinabè et en particulier les militantes et militants de l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), du FDS, de la CNDP ainsi que ceux de la CPS du Passoré, qui se sont battus à mes côtés les mains nues mais avec conviction et détermination pour imposer au pouvoir actuel une alternance démocratique et politique.

Permettez-moi aussi de réitérer également mes remerciements à la presse nationale et internationale dans son ensemble pour m’avoir offert une tribune qui m’a permis de réaliser ce score dont vous faites cas.

Pour répondre maintenant à votre question, je dirai sans ambages que le taux de 4,88% consécutivement aux 100 816 voix obtenues ne reflète nullement les intentions de vote en ma faveur. Toutefois, je demeure extrêmement prudent par rapport aux chiffres, parce que le Burkina Faso a plus de 13 millions d’habitants et, prétendument, 1 674 966 seulement vont décider du sort du pays.

Encore que ce chiffre a été obtenu par la fraude, l’achat de conscience, l’utilisation de l’administration, l’implication de l’étranger..., je me permets de douter de la fiabilité de notre démocratie et moi, à la place de Monsieur Blaise Compaoré, je ne m’enorgueillirais pas d’une telle victoire, car ne dit-on pas qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire !

Vous avez affirmé après ces résultats que vous n’êtes pas dépité. Pourquoi ?

• Parce que j’ai perdu les élections ; je n’ai pas démérité la victoire.

Revenons à la campagne électorale, vous avez fait 7 meetings nationaux et d’autres meetings provinciaux. Estimez-vous que c’était suffisant ?

• Ce n’était pas suffisant ; seulement je n’avais pas d’hélicoptère pour voler de province en province. Notre stratégie a consisté au départ à regrouper les 45 provinces en sept endroits. Mais la pression a été tellement forte que nous nous sommes pliés aux exigences de nos militants. Ce qui a eu pour conséquence des meetings improvisés dans beaucoup de provinces.

Par exemple, à Bobo, nous avons fait des meetings nocturnes, mais très enthousiastes et formidables jusqu’à 2 heures du matin. Mais, en dehors de Sidwaya, aucune autre presse n’était là pour être témoin de l’événement.

A Ouahigouya, prévu pour 13 heures, le meeting a démarré vers 18 heures et les militants sont restés mobilisés. Cela est l’illustratif de l’engouement et de l’intérêt que le peuple porte à notre programme. C’est donc moins une question d’argent que celle de la volonté réelle d’un changement voulue par notre peuple qui nous porte sa confiance.

L’une des faiblesses de l’opposition burkinabè est son manque de moyens et d’unité. Etes-vous de ceux qui pensent que si les sankaristes avaient présenté un seul candidat, ils auraient mieux engrangé ?

• La première faiblesse de l’opposition est celle des hommes qui s’en réclament. Beaucoup sont de ceux -là qui combattent le plus violemment des opposants sans être forcément à la solde ni du pouvoir, ni de Monsieur Blaise Compaoré. Ils obéissent à leur cruauté, à leur orgueil et à leurs intérêts personnels ; ils ne pensent pas en réalité au peuple burkinabè ; ils pensent à eux-mêmes en suivant leur instinct égoïste. Les exemples sont légion, mais je crois qu’il ne faut pas jeter l’anathème sur une opposition qui évolue dans un microscome politique infecté par un système d’oppression, de clientélisme, d’impunité et de corruption, fertiles à la méchanceté.

Mais pour sincèrement répondre à votre question sur l’éternelle unité des sankaristes, je ne peux que rappeler la position sans équivoque de l’UNIR/MS, qui reprend la pensée de Thomas Sankara, à savoir que l’unité se distingue de l’univocité. L’unité est combattante et agissante. Je n’en fais plus une obsession. Mon obsession est plutôt tournée vers la recherche de l’unité du peuple qui doit mener avec l’UNIR/MS le même combat.

En suivant cette philosophie, l’UNIR/MS, en 2002, a fait alliance avec le PAI et le PDS de Philippe Ouédraogo, avec le résultat concret que nous avons eu de députés. Pour la présidentielle, le FDS et la CNDP nous ont soutenu. Les militants de la CPS du Passoré aussi.

Le résultat est là que nous sommes arrivés avec un rang honorable. Dans ces conditions, je reste convaincu que le jour où les sankaristes seront unis, ce jour-là, Blaise Compaoré tombera.

Le pouvoir est conscient de cela. C’est pourquoi il joue sur certaines personnes qui acceptent de trahir la cause sankariste. Toutefois, je reste confiant avec la décantation qui se fait progressivement.

Le programme alternatif sankariste, le programme de l’UNIR/MS, est, selon vos adversaires, une théorisation de l’Etat d’exception. Votre commentaire ?

• Nous sommes de ceux-là qui condamnent sans appel l’Etat d’exception parce que nous sommes imbus de la démocratie. En plus de cela, ma formation professionnelle et mon éducation m’imposent le respect des institutions et de l’Etat.

Par contre, on n’a pas besoin de faire une exégèse politique pour dire que le CDP est le prolongement de l’ODP/MT, né sur les cendres du Front populaire, donc issu de l’Etat d’exception dont Blaise Compaoré est le digne continuateur.

L’UNIR/MS en revanche a fait le serment de réconcilier le peuple avec lui-même et son histoire et il est écrit dans le manifeste du parti que l’UNIR/MS se fixe pour objectif de redonner confiance au peuple burkinabé pour qu’il reprenne en main son propre destin par la revalorisation du travail libérateur et la culture de la paix, de l’amitié et de la justice, en solidarité avec les peuples frères d’Afrique et du monde, ceci en comptant d’abord sur ses propres forces.

C’est ainsi que l’UNIR/MS a décidé de lutter contre la gabegie, la corruption, le tribalisme, l’exploitation impérialiste de tous les maux qui entravent le développement du Burkina Faso et cela par la promotion d’une véritable démocratie où sont garanties l’identité culturelle et les libertés. Conformément à ce programme qui est fondé sur l’expérience menée par le Président Thomas Sankara dans la lutte contre la pauvreté, j’ai conçu un programme de gouvernement intitulé le progrès dans l’intégrité.

Ce programme se voulait une rupture totale avec le régime en place et devait en prendre le contre-pied, à travers le trait majeur suivant : approfondir la démocratie, promouvoir la liberté et la bonne gouvernance par une réforme des institutions, la refondation de la justice, la lutte contre l’impunité et la corruption, réaliser le plein emploi en accordant une place de choix aux travailleurs, etc.

Ces mêmes adversaires pensent qu’il vous faudra à l’avenir changer de discours, pour vous adapter aux réalités du Burkina...

• Ceux qui pensent qu’il faudrait que je change de discours sont ceux-là qui ont intérêt à l’impunité et à la corruption érigées en système de gouvernement, qui est malheureusement la réalité au Burkina Faso sous Monsieur Blaise Compaoré. Nos adversaires ont peur de la vérité et de la justice.

Avant le début de la campagne, certains de vos biens ont été saisis par un huissier, cela en rapport avec l’affaire des « 33 » de l’Ex-RNTC. Selon vous, est-ce une politisation de l’affaire ?

• Tout porte à me faire croire à cela. D’abord, Maître Somda Fahiri est Secrétaire Général d’un parti politique, c’est-à-dire l’ADF/ RDA dont on connaît aujourd’hui la position. Il a battu campagne pour Monsieur Blaise Compaoré et d’ailleurs, il n’a jamais caché ses intentions et son cynisme.

Si ce n’est pas indiscret, avez-vous eu des soutiens financiers de l’extérieur pour cette campagne ?

• Je n’ai pas reçu un seul centime de l’extérieur pour la campagne.

Si Blaise Compaoré vous conviait à composer avec lui dans son équipe, Maître Sankara sera-t-il partant ?

• A défaut de déposer mes valises à la présidence du Faso, je les déposerai dans mon Cabinet d’avocat. La politique, pour moi, n’est pas une profession. Je suis avocat et j’ai repris mes activités professionnelles. Je dois maintenant m’occuper de mes clients et réorganiser mon cabinet et le parti, en vue des batailles futures.

Comment appréciez-vous le score des autres candidats ?

• Chacun récolte ce qu’il a semé.

Les municipales sont prévues pour le 12 février 2006. Allez-vous participer à ces communales ? Si oui, avez-vous des vues sur certaines mairies ?

• Le Comité national du parti a déjà pris la décision d’y participer depuis le 05 février 2005. Cependant, avec les alliances, nous serons obligés de composer les listes en tenant compte de nos alliés. C’est à ce moment qu’on pourra savoir si nous avons des ambitions particulières sur certaines communes.

Finalement, avec le recul, « Alternance 2005 » a vécu. Quelles sont les raisons qui expliquent cet échec ?

• C’est véritablement l’attitude de certains hommes politiques qui veulent une chose et son contraire, ou qui ne savent pas qu’il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait pas où il va.

Lors de l’émission de la TNB « Au cœur de la présidentielle », vous avez dénoncé le comportement de Hermann Yaméogo qui n’aurait pas respecté certains engagements d’« Alternance 2005 ». Quelles sont ces clauses non tenues par le patron de l’UNDD ?

• Dans le cadre du choix des candidats d’Alternance 2005, l’un des engagements, c’est de soutenir, en cas de 2e tour, le candidat le mieux placé par un report républicain des voix.

Cela suppose que dans le cadre de la stratégie d’Alternance 2005, il n’était pas question de boycotter les élections ni de désobéissance civile avant le 13 novembre 2005. Même pour la transparence des élections, nous avons signé, le 15 janvier 2005, un document commun qui portait sur la stratégie à développer. Seul le point sur le choix des membres de l’opposition pour les démembrements de la CENI a été plus ou moins respecté.

Hermann Yaméogo, en décidant de renier ses engagements, en porte la pleine et entière responsabilité puisqu’il se dit comblé. Il faut donc en tirer suffisamment les leçons pour les perspectives à venir. D’ores et déjà, l’UNIR/MS prendra ses responsabilités.

Comment Maître Sankara perçoit-il ce quinquennat de Blaise Compaoré ? Est-ce l’enfer prévu par Laurent Bado ? ou l’Eden de la société d’espérance du vainqueur ?

• Ni l’un ni l’autre. C’est le progrès continu à la « couper-décaler » des thuriféraires du régime de Monsieur Blaise Compaoré et la désolation pour le peuple qui dansera au rythme du « Viima ya Kanga ». Mais chaque peuple mérite ses dirigeants.

Interview réalisée par Z. Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

P.-S.

Voir notre dossier :
Présidentielle 2005

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Vos commentaires

  • Le 29 novembre 2005 à 09:14, par surcula En réponse à : > Me Bénéwendé Stanislas Sankara : "Ce quinquennat oscillera entre coupé-décalé et viima ya kanga"

    En plein : Quinquennat à la sauce coupé-décalé pour les UNS et viima ya kanga pour autres. Il est bon le Maître : chaque peuple mérite ses dirigeants. Mais j’ai un peu peur que l’on ne nous réplique que chaque peuple mérite son opposition.

  • Le 29 novembre 2005 à 14:06, par burkindi En réponse à : > Me Bénéwendé Stanislas Sankara : "Ce quinquennat oscillera entre coupé-décalé et viima ya kanga"

    >C’est le progrès continu à la « couper-décaler » des thuriféraires du régime de >Monsieur Blaise Compaoré et la désolation pour le peuple qui dansera au rythme >du « Viima ya Kanga ». Mais chaque peuple mérite ses dirigeants.

    Quelle clairevoyance !
    Bravo pour votre score. Ces 4,88% proviennent de gens intègres honnêtes et qui ont soif de justice et surtout qui n’ont pas été achetés à coup de liasses de billets ni de sacs de riz.

    Mais attention, il ne faut jamais faire confiance à un homme politique(même Me SANKARA..) car comme le disait HS, "seul le pouvoir révèle le vrai visage d’un homme..."

  • Le 29 novembre 2005 à 20:23 En réponse à : > Me Bénéwendé Stanislas Sankara : "Ce quinquennat oscillera entre coupé-décalé et viima ya kanga"

    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre interview qui ne manque pas de piment au bon sens du terme.
    Cependant, au Burkina, je pense que l’opposition doit être constructive et non pas s’opposer systématiquement à ce que le pouvoir en place fait de bien.
    C’est une nouvelle forme d’opposition qu’il faudrait au Burkina ! Et je vous y invite.
    Ce ne sera qu’à ce prix que l’opposition mériterait un jour sa victoire car Monsieur COMPAORE n’est pas éternel comme le temps comme Hien KILMITE le disait pour le C.N.R.. L’histoire nous a révélé autre chose en démontrant que le Président actuel pouvait devenir un véritable homme d’Etat dans le progrès continu.
    Un observateur extérieur de la vie politique au Burkina.

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