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Education : Le blues des "instituteurs de brousse"

Publié le mardi 29 novembre 2005 à 07h48min

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"L’enseignement est plus qu’un métier, une fonction, c’est un sacerdoce.
Enseigner, c’est pétrir des âmes, c’est imprimer une identité culturelle à des
tout-petits, c’est forger des consciences". Mais les instituteurs sont confrontés
à des multiples problèmes qui les empêchent d’accomplir convenablement
leurs missions.

C’est le constat fait par Karim Kaboré de la direction
provinciale de l’Enseignement de base (DPEBA) du Nayala. Il lance ici un
appel aux acteurs de l’Education.

Tous les pays en voie de développement veulent faire de l’éducation leur
cheval de bataille pour un progrès durable. La mission assignée aux
enseignants est donc noble et mérite un regard particulier. Mais le constat est
amer quand on s’imprègne un tant soit peu de leurs conditions de vie.

Beaucoup d’entre eux sont devenus instituteurs non pas par vocation mais
après des échecs répétés à des concours jugés plus juteux.
Ceux qui avaient la vocation finissent par la perdre dès les premiers
moments de leur intégration. L’Etat burkinabè est en partie responsable de
cette nostalgie pour l’enseignement primaire.

L’enseignement est plus qu’un
métier, une fonction, c’est un sacerdoce. Enseigner, c’est pétrir des âmes,
c’est imprimer une identité culturelle à des tout petits, c’est forger des
consciences. Voilà pourquoi le brave instituteur doit bénéficier de tout ce dont
il a besoin pour l’accomplissement de sa mission. Mais c’est alarmant quand
on se rend compte que des enseignants nouvellement affectés sont "jetés"
dans les campagnes sans le minimum vital, et vont même attendre des mois
avant de voir tomber leur premier salaire.

Ces derniers se voient obligés de
vivre en parasites auprès de leurs devanciers qui, eux aussi, sont submergés
de crédits des amis et commerçants du village, et n’attendent que le 25 du
mois pour se ruer dans les banques. Déjà, avant la première quinzaine du
mois, "l’instituteur de brousse" se trouve tracassé, assombri par les soucis, les
misères. Il se plonge de nouveau dans les dettes en vue de joindre l’autre
bout du mois.

Voilà comment fonctionne la chaîne infernale de la vie de bon
nombre d’enseignants en milieu rural. Dans ce climat tendu, peut-on attendre
de la part de ces derniers des résultats satisfaisants ?
Certes, des efforts sont consentis ça et là, mais beaucoup reste encore à
faire. Quand on se rend compte que l’instituteur se retrouve dans sa classe
avec une cinquantaine d’élèves de caractères différents, issus de familles et
de classes sociales différentes, certains sont turbulents qu’il faut maîtriser,
d’autres par contre sont timides qu’il faut éveiller, alors il y a lieu de placer
l’enseignant à sa place et au coeur du développement.

Aussi dans sa classe,
il doit doser son langage de façon à se faire comprendre, crier fort de façon à
se faire entendre, se comporter décemment pour être un modèle partout où il
se trouve, il n’a pas droit à l’erreur. C’est une tâche difficile qui demande
beaucoup de sacrifices surtout quand on sait qu’une fois revenu des classes
bien fatigué, l’enseignant doit corriger des cahiers de devoirs, y porter des
modèles d’écriture, et préparer les leçons du lendemain.

Il est temps pour l’Etat, les partenaires de l’éducation, les parents d’élèves, de
placer l’enseignant au coeur de leurs préoccupations s’ils désirent atteindre
les objectifs escomptés. Toute réforme, tout plan qui ignorent les
préoccupations des acteurs principaux sont voués à l’échec. Les enseignants
sont prêts à se battre, à se sacrifier, à donner le meilleur d’eux-mêmes et ne
demandent que deux choses : des conditions favorables de travail et une
revalorisation de la fonction enseignante.

C’est à ce prix qu’on pourra
inéluctablement atteindre les objectifs de l’enseignement, et en même temps
ouvrir les portes pour un développement radieux et prospère.

KABORE Karim
DPEBA Nayala

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