LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Sozaboy : La guerre décriée par le théâtre

Publié le mardi 29 novembre 2005 à 07h38min

PARTAGER :                          

Le Centre culturel français Henri Matisse (CCF HM) de Bobo-Dioulasso a accueilli, le 25 novembre 2005 le comédien-conteur Hassane Kassi Kouyaté et le « slameur-poète » D’ de Kabal pour la représentation théâtrale de « Sozaboy » (Pétit minitaire) de l’écrivain nigérian Ken Saro-Wiwa.

Mis en scène par Stéphanie Loïk, ce roman est un « pamphlet », sans parti pris pour autant, contre la guerre (celle du Biafra notamment) parce que : « La guerre, c’est la guerre ».

« Sozaboy », c’est l’histoire d’un jeune africain, Méné, doté d’une formidable appétence pour la vie. Elevé sous l’aile protectrice de sa mère qui ne peut cependant lui offrir les études d’avocat auxquelles il aspire, il sera apprenti chauffeur.

A quinze ans, lui qui n’a jamais connu de femme, rencontre une superbe jeune fille, Agnès. Avec ses « ampoules 100 watts », c’est le coup de foudre pour Méné.

Mais un jour à Doukana, son village, le crieur public passe avec son tam-tam et annonce que les jeunes doivent partir pour combattre l’ennemi. Le roman raconte comment Méné va fantasmer sur le prestige de l’uniforme et sa future vie de « pétit minitaire » tout candide évidemment. Ce n’est que plus tard qu’il découvre la barbarie, les villages pillés, les cadavres.

L’histoire est racontée comme un cauchemar que Méné vit en compagnie de son double, lucide qui se révèle tour à tour « oiseau de mauvais augure, compagnon d’arme et figure compatissante ». Ensemble, ils sont transportés dans un village africain, au fin fond de la brousse et dans un camp de réfugiés sous le regard de moins en moins naïf du jeune héros. Après trois années d’épreuves qui vont le broyer, après avoir subi la morsure du fer et la démence du feu, Méné revient à Doukana et la désolation qu’il y trouve est indicible. On ne peut que la crier.

Dans sa folle trajectoire, il perdra sa mère, son épouse (les deux personnes qui lui ont pourtant permis de traverser les mailles de la guerre), sa maison, son village, jusqu’à son image puisqu’on le prendra pour un fantôme.

Pour la représentation de « Sozaboy » au CCF Henri Matisse, quatre micros aux quatres angles du plateau, deux chaises, deux uniformes et deux fusils. Une scène bien sobre, mais exceptionnelle.

En effet, les Bobolais qui connaissent assez bien les talents de Hassane Kassi Kouyaté ont découvert ceux D’ de Kabal. Les deux comédiens ont su matérialiser, en dépit de cette scène « légère », un état de guerre et embarquer le public dans leur histoire, jusqu’à l’agacement... de la guerre.

« Sozaboy » est l’un des grands chefs d’œuvre de la littérature africaine. Ce roman tient sa force de la langue choisie par Ken Saro-Wiwa, un « anglais pourri », mélange de pidgin, d’anglais dégradé ou idiomatique et de créations dont la traduction française rend parfaitement compte. Originale et bouleversante, l’œuvre est « l’une des plus efficaces dénonciations de la guerre et de ses folies » parce que l’auteur s’abstient de tout commentaire, de toute explication, de tout jugement.

Comme dans un texte théâtral, dans un long monologue, il délègue totalement à son personnage le regard et la parole sur ce terrible conflit, auquel celui-ci ne comprend pas grand-chose.

Sozaboy, mis en scène par Stéphanie Loïk et jouée par Hassane Kassi Kouyaté et D’ de Kabal a déjà été joué en France (Paris et provinces), au Niger (Niamey et Zinder), au Mali (Bamako), au Sénégal (Dakar, Saint Louis) et au Burkina (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) dans les CCF. Après le Burkina, « Pétit minitaire » sera bientôt présenté à Cotonou au Bénin.

Urbain KABORE

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique