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Affaire Hissein Habré : Un jugement à la Ponce Pilate

Publié le lundi 28 novembre 2005 à 07h52min

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Hissein Habré

S’il est une affaire à rebondissements, c’est bien le cas Hissène Habré, revenu à la une de l’actualité africaine et internationale, depuis que le royaume de Belgique a demandé l’extradition de l’ancien chef d’Etat tchadien, au nom de la compétence universelle.

Premier épisode : après avoir différé de quelque 72 heures sa décision, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Dakar, appelée à connaître de l’affaire, a donné vendredi dernier un verdict à la Ponce Pilate. Elle s’est en effet déclarée incompétente pour en juger, argument pris de ce que l’ancien geôlier de Mme Françoise Claustre jouit toujours de l’immunité que lui confèrent ses anciennes fonctions et que de ce fait seul un tribunal spécial comme celui devant lequel comparait Milosevic, est habilité à le juger. Fureur dans le camp des victimes et dans celui de tous les activistes des droits de l’homme, qui n’auront de cesse qu’Hissène Habré n’ait rendu gorge. Jubilation des parents, amis et défenseurs du célèbre prévenu, pour qui le droit a été dit et la Téranga, respectée.

Deuxième épisode : revenu certainement heureux et apaisé dans son quartier résidentiel des Almadies, à peine Hissène Habré a eu le temps de visiter son harem, qu’un autre couperet est tombé sur sa tête : Une mesure administrative du ministre de l’Intérieur lui a enjoint de faire sous 48h l’état de ses biens. Que fera donc le gouvernement sénégalais passé ce délai ?

Une chose est sûre, le cas Hissène Habré a quitté le terrain judiciaire pour emprunter les pistes sinueuses et, ô combien périlleuses, de la politique. Comment s’en étonner du reste, quand on sait qu’avant même que la Cour d’appel de Dakar s’en lave les mains en bottant en touche, le président de la République, Abdoulaye Wade, avait annoncé la couleur, déclarant qu’en dernier ressort il consulterait l’Union africaine ?

Voilà pourquoi il est de plus en plus question que l’affaire soit portée sous quelques mois, devant le prochain sommet de l’organisation continentale. En attendant, certains analystes voient dans l’arrêté ministériel cité plus haut l’amorce d’une procédure d’expulsion de l’exilé désormais encombrant, vers quelque autre pays africain ; et pourquoi pas au Nigeria, où Obasanjo héberge en toute sécurité Charles Taylor, tenant tête au tribunal international pour la Sierra Leone, qui réclame son extradition ?

Mais quelle que soit l’issue de ce feuilleton, on peut dire sans ambages qu’Hissène Habré est déjà en train de payer pour tous les torts qu’il est censé avoir causés à l’intégrité physique et morale de ses victimes ou de leurs ayants droit. Une fois déclenchée en effet, la procédure universelle, quelles que soient les pirouettes juridico- politiques pour s’en dépêtrer, elle, n’abandonne jamais sa cible.

En témoigne, si besoin en était, le cas Pinochet, ce nonagénaire cacochyme, que les justices espagnole et chilienne ne cessent d’inculper et de réinculper. Soixante ans après Nuremberg, premier tribunal à connaître des cas de crimes contre l’humanité, le glas sonne pour les industriels de la torture et des liquidations de masse.

H. Marie Ouédraogo
Observateur Paalga

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