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Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

Publié le lundi 28 novembre 2005 à 08h34min

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Blaise Compaoré, réelu avec 80, 30 % des voix

Celui qui en avait le moins besoin, Blaise Compaoré, qui gagne 0,05% ; Philippe Ouédraogo, Ram Ouédraogo, Norbert Michel Tiendrébéogo, Soumane Touré, Gilbert Bouda, Hermann Yaméogo et Nayabtigungu Congo Kaboré qui avancent chacun de 0,01%...

...Statu quo pour Ali Lankoandé, Emile Paré et Clément Dakuyo tandis que Me Sankara Bénéwendé et Laurent Bado, arrivés 2e et 3e dans cette course à la magistrature suprême reculent respectivement de 0,06% et de 0,01% par rapport aux résultats provisoires proclamés le vendredi 18 novembre par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), quand bien même aucun des treize candidats n’a introduit de recours auprès du Conseil constitutionnel, la haute juridiction que préside Idrissa Traoré ayant procédé aux nécessaires réglages et publié vendredi dernier les résultats officiels du scrutin.

Pour l’histoire, on retiendra donc que le président sortant a été réélu pour un 3e mandat, de 5 ans celui-là, avec 80,35% des suffrages exprimés, le Nayab fermant la marche avec 0,32%. Comme ça, les Burkinabè ont définitivement choisi l’enfer puisque malgré ses mises en garde répétées dans une dramatisation quasi extatiques, ils n’ont pas choisi Laurent Bado. Il ne leur reste donc plus qu’à attendre qu’après le tsunami électoral du CDP qui a balayé tout sur son passage, le sol se dérobe sous leurs pieds.

Mais ils ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus. Les prévisions apocalyptiques du candidat du Parti de la renaissance nationale (PAREN) ont ainsi laissé manifestement de marbre ses compatriotes, qui ne lui ont donné que 2,60% de leurs voix. Lui-même ne disait-il pas mi-sérieux, mi-badin à ceux qui venaient l’écouter par conviction ou par curiosité qu’il n’avait pas besoin de leurs suffrages et qu’ils pouvaient toujours se les mettre là où ils savaient ? Il peut se féliciter de ce que ce message-là ait au moins été reçu 5/5.

Les électeurs ont-ils préféré écouter leur ventre et non leur raison à laquelle pourtant le pape du tercérisme s’adressait ? C’est possible. On peut certes se gausser de la morgue prétentieuse de l’omniscient enseignant de droit, railler ses pitreries, déplorer ses grossièretés débitées en joignant parfois l’acte à la parole, ou pourfendre sa folie, mais Nietzsche ne disait-il pas que "la folie n’est que le résultat d’un savoir trop profond" ? Et d’autres d’ajouter que bien souvent, la vérité sort de la bouche des fous (et des enfants).

De ce point de vue, si, vu l’état de sous-développement prononcé de notre pays, on peut raisonnablement douter de la capacité du parent Bado d’éradiquer la pauvreté en 5 ans, et de faire du Burkina un pays émergent en 10 ans, on aurait par contre tort de balayer d’un revers de main ses envolées lyriques sur l’enfer qui se profile à l’horizon.
Cela d’autant plus que les faits semblent lui donner raison.

Le Burkina de ce début de siècle, sous les apparences trompeuses de la paix sociale et de la stabilité politique, du reste mises à mal après le drame de Sapouy, s’apparente en effet à une cocote minute qui bouillonne de l’intérieur et dont le couvercle peut sauter d’un moment à l’autre sous l’effet conjugué de la pauvreté endémique et du chômage.

Oiseau de mauvais augure ? Peut-être, mais surtout lucidité, car les ingrédients sont en train d’être rassemblés petit à petit. Passons sur la lutte contre la pauvreté, dont le cadre stratégique, revu et corrigé, permet plus aux experts en séminaires, colloques et autres ateliers de lutter contre leur propre pauvreté et que contre des populations, qui peuvent toujours clamser si ça leur dit.

Mais quand on voit le petit peuple des villes et des campagnes désœuvrés ou trompant leur chômage comme ils peuvent, quand on voit ses diplômés que les universités publiques et les nombreux établissements d’enseignement privés déversent chaque année par milliers sur le marché de l’emploi, quand on voit ces jeunes gens capés, souvent dans des domaines pointus de la science et des technologies ainsi que des filières professionnelles ou professionalisantes qui ne peuvent même pas obtenir le moindre stage pour acquérir une petite expérience a fortiori un boulot, quand on voit que les entreprises qui existent ne recrutent pas (ou alors c’est au compte-gouttes) lorsqu’elles ne débauchent pas des gens qui ont déjà du travail (c’est surtout frappant dans le secteur bancaire), quand on voit que peu de sociétés à fort potentiel d’emplois se créent, quand on voit que de plus en plus dans ce Faso où la vie est dure, ce sont les enfants de la nomenklatura politico-économique qui peuvent trouver du boulot (bien rémunéré)... quant on voit tout cela, on ne peut que donner raison à Bado, car ce sont les révoltés de demain que les autorités rassemblent sans s’en rendre compte et qui vont causer leurs pertes.

Et la détresse de la jeunesse est d’autant plus grande qu’elle a l’impression qu’on ne se préoccupe pas de son sort ou alors les dirigeants ne sont pas très imaginatifs dans la recherche de solutions. On nous dira que nulle part, les gouvernants ne sont parvenus à trouver la panacée pour le plein-emploi donc contre le chômage, mais si on ne peut même plus demander l’impossible à ceux qui nous gouvernent, on ne voit plus à quoi ils servent. Plus sérieusement, on a le sentiment que toutes les pistes n’ont pas été explorées, or, si on n’y prend garde, c’est de ce front que s’ouvrira les portes de la géhenne promise par le prophète de malheur de Zoula.

Il faut sans doute continuer à construire des barrages, des routes, des hôpitaux et des écoles, combattre le Sida, bref, s’occuper de tout dans un pays où tout est prioritaire au point qu’il faille hiérarchiser les priorités, mais le président réélu ne pourrait-il pas placer son mandat sous le signe de la lutte contre le chômage, en créant déjà un ministère plein à cette fin, bien distinct du département du Travail et de l’Emploi ?

En tout cas, il gagnerait à se réveiller pour voir la réalité des choses sinon les mêmes causes qui ont conduit à l’éruption sociale de Clichy-sous-bois, de la Courneuve et de bien d’autres quartiers difficiles de France pourraient produire les mêmes effets dans ce qui serait un Clichy-sur-Kadiogo.

Observateur Paalga

P.-S.

Voir notre dossier :
Présidentielle 2005

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Vos commentaires

  • Le 28 novembre 2005 à 09:26 En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

    Moi je préfère un clichy-sur-Ouaga2000 où on va brûler les villas de l’argent sale. Ou bien les gars ? T’inquiètes, ce jour viendra.

    • Le 28 novembre 2005 à 14:49 En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

      Je crois que Clichy t’emportera avant que le Burkina Faso ne connaisse l’incendie.
      Continue de demander de l’enfer à ton diable, il te trouvera.

    • Le 28 novembre 2005 à 19:55, par Albertine En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

      Quel projet de société !es tu vraiment burkinabé ?excuses la question, mais je ne conçois pas qu’un enfant du pays parle d’y bruler quoique ce soit, de perturber le calme qui y règne.Ne faites pas l’amalgame entre des français"issus de l’immigration" qui ne se sentent pas représentés par la république et quelques excités qui ont l’interrupteur mental bloqué sur la position "négation automatique et permanente", c’est une vraie blague de mauvais goût.Parce que je ne sais pas si vous êtes au courant, mais si ca brûle au Burkina, les premières victimes seront les burkinabés, alors n’incitez pas les gens à des soulèvements incohérents parceque vous avez trop regardé la télé.Ca me fait marrer les petits bourgeois qui ne le sont pas assez à leur propre gout, et qui cherchent l’action au détriment de ceux qui souffrent.Get a yourself a life brother.

  • Le 28 novembre 2005 à 09:40 En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

    Bien dit Messieurs de l’Obs. Le bas peuple a voté pour vous Monsieur le Président non pas parce que ça va mais parce qu’il espère. Le progrès n’a même pas encore commencé pour lui car le développement a certes cours au Faso sauf qu’il n’est pas solidaire.

    Wake up Le Blaiso, sinon...Clichy-sur-Ouaga2000 !

  • Le 28 novembre 2005 à 13:40 En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

    Bonjour mes freres, d’abord merci l’article l’Obs, bien écris, en tout cas on a esperer que tous ces Jeunes qui sans ou avec des gros diplomes qui prennent le Thé en longueur de journée trouvent du boulot, car comme j’aime le dire , Il n’y a pas plus dur que le chômage. Avoir l’age et la volonté de travailler et rester à la maison tout le temps c’est plus déprimant. Que chacun puisse trouver de faire, dans ce pays, si non c’est vrai que la prochaine ça serait clichy-sur-Ouaga2000.
    Le temps nous dira si l’Enfant terrible de Ziniaré changera de stratégie de fonctionnement ou si ses bras droits ne souhaiteront pas une nouvelle directivement notament sur l’Emploi des Jeunes.
    Merci, Le mossi

    • Le 28 novembre 2005 à 19:46, par Albertine En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

      Mon cher, la réponse est dans la question:tu parles de jeunes diplomés qui prennent le thé à longueur de journées et de recherche d’emploi en même temps, c’est pas cohérent.Pas étonnant que les jeunes ne trouvent pas d’emploi s’ils sont à la maison ou dans les bars et maquis toute la journée au lieu de prendre leur avenir en main.L’état-providence, il faut oublier, on est dans l’ère de la mondialisation, du capital, de la performance et de l’initiative, alors si un jeune ne peut pas s’organiser pour entrer dans la vie active d’une façon ou d’une autre et que ca conclusion est que le pays va mal donc il est impossible de trouver un travail, je crains pour l’avenir d’un pays démocratique ou c’est le peuple lui-même qui démissionne et veut se faire porter à bout de bras au quotidien.Si les infrasctructures manquent, si les emplois manquent, s’il est difficile de trouver un stage, si les diplomes sont inadaptés au marché du travail, si les pratiques d’embauchent sont malsaines, c’est vous le peuple, c’est qui gouverner à travers les diverses instituions, exprimez-vous.Mais attention, pas en brulant, en cassant, encore moins en critiquant de façon vide, non, on est constructif quand on a quelque chose de cohérent à proposer, vous savez, un projet, le truc qui consiste à analyser objectivement les faits et pratiques, à en dégager les problématiques principales, à faire une analyse de celles-ci en regard des differents facteurs intrinsèques et extrinsèques, à proposer des solutions réalisables et implantables, accompagnées d’un plan d’action, mais je radote, vous avez du apprendre tout ça,avec vos brillants diplomes, alors servez-vous en, on ne construit pas en se plaignant, en insultant ou en critiquant, svp, perdez cette attitude passive, entrez dans l’action constructive, réfléchie, progressiste et civique, rien ne vaut le travail.

      • Le 29 novembre 2005 à 07:03 En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

        Tu sais il faut un capital initial. Mais on a rien, absolument rien !!! Et aucune banque n’adhère à nos projets ou ne nous donne un crédit. Parcequ’on n’a rien ! Quelle solution a t-on si ce n’est de rechercher de l’emploi qui n’existe pas !

        Saches que ya les idées, mais les idées ont besoin d’un support économique pour être viables.

      • Le 29 novembre 2005 à 07:14, par Paul BERE, SJ En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

        Albertine, je vous félicite pour la qualité de votre intervention. Faites-en un article. Croyez-moi, vous contribuerez énormément à notre éducation. De têtes bien pleines, nous n’en avons que trop. De têtes bien faîtes, comme la vôtre, il en faut davantage.

  • Le 28 novembre 2005 à 13:42, par Nogo En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

    C’est rare de voir l’obs faire un édito aussi sérieux mais ça l’est cette fois ci au moins. Toutefois, je ne pense pas que les gens aient voté Blaise par espérance , c’est au mieux par ignorance et, fait encore plus profond : l’incapacité des gens à établir un lien entre leurs condistions de vie et ce qui se fait au sommet de l’état. Ils considèrent les deux comme étant séparés, et à cela il faut ajouter le piège dans lequel le pouvoir en place, média aidant y compris l’Obs, a su plonger les nabès dans la diabolisation de l’opposition à la place de la justification de son bilan. Il y a aussi la lâchété des nabès qu’ils cachent derrière la critique de l’opposition et le "je ne vote pas, ça change rien".
    Ce n’est pas l’idée de voter Blaise qui est mauvaise en soi mais quand 65% des nabès clamment soutenir le programme de Blaise avant même que celui ci soit élaboré, cela veut simplement dire qu’on ne lui exige rien et n’importe qui ferait n’importe quoi si on n’exigeait de lui un résultat de son action. C’est franchement bien triste pour le pays et pour tout le monde y compris ceux qui lui voté et ceux qui l’ont choisi en n’allant pas voté.

  • Le 28 novembre 2005 à 14:00, par Lefaso.net En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

    C’est à ce genre de commentaires fait par Nogo (qui doit certainement être proche de l’opposition) que l’on se rend compte que nos partis d’opposition ont encore beaucoup de chemin à faire pour être crédible.

    Ils savent ce que veulent les populations, pourquoi elles ont voté Blaise mais ne savent pas se faire voter à leur tour.

    Et si l’opposition n’arrive pas à percer, c’est la faute à la presse qui la diabolise. C’est pas trop facile comme argument ? Les politiciens comme Hermann qui sont un coup dans l’opposition, un coup avec le pouvoir, un coup avec les "ennemis" du Burkina n’ont-ils rien à se reprocher ?

    Les populations seraient-elles si bêtes au point de ne pas savoir ce qui est bon pour elles ?

    Réveillez-vous mon cher Nogo !!!

    Congo

    • Le 28 novembre 2005 à 19:35, par Nogo En réponse à : > Présidentielle 2005 : Monsieur le président, réveillez-vous !

      Disons que je n’ai la carte d’aucun parti politique, mais je suis de ceux qui pensent que le pays est mal géré, mais si ça te plaît de me cataloguer, libre à toi. Sinon je persiste à penser que parler de l’ "opposition" ce n’est pas très sensé. Moi je m’en fou de l’ "opposition", quand je m’engage ou quand je vote c’est pour un parti ou pour quelqu’un dont je partage une partie du programme politique et si j’estime qu’il n’y en a pas, j’intègre un parti politique pour changer ou je crée un parti politique, c’est ça l’engagement. Parce que c’est toujours facile pour le pouvoir de débarquer des gens dans l’ "opposition" qui vont s’en reclamer pour brouiller les pistes. Maintenant si les burkinabè sont assez bêtes pour démissionner devant leurs responsabilité pour ça, et bien ça sera toujours la même situation. Est ce que quelqu’un peut me dire (en dehors des militants du parti au pouvoir) qu’il n’ y a pas un opposant capable de changer la gestion du pays ? Si y’en a alors pourquoi se lamenter qu’il y’ en a plein qui ne le sont pas. Engagez vous auprès de celui qui l’est, sinon créez votre parti. Cessons de parler de l’"opposition" comme si c’était des gens pour qui on va voter.
      Si on veut le changement on s’engage. On ne cache pas sa lâchété derrière "tous le monde est mauvais" et même si on change et ça ne va, on change encore, on garde pas la même chose. C’est ça la démocratie. y a pas des gens définitivement bons ou définitivement mauvais, on a le devoir de reclamer à tout le monde un bilan. J’ai envie de dire réveillons-nous !

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