Président du parti majoritaire, il paraît le plus discret parmi les purs et durs de celui-ci. Roch, comme on l’appelle familièrement, aura sans doute gardé l’esprit du banquier qu’il était : l’efficacité dans la discrétion.

On ne présente plus l’honorable député Mahama Sawadogo, l’un de ceux-là dont le courage de dire haut ce que ses ’’camarades’’ pensent bas dérange parfois. Souvent prolixe à souhait, c’est sans doute l’un des meilleurs avocats défenseurs du parti majoritaire. Ne serait-ce pas la raison pour laquelle il voudrait ouvrir un dossier sur ce que pourrait être le prochain gouvernement ?

On sait que le découpage des tâches entre les ministères, en vigueur à un moment donné et dans un pays déterminé, n’est jamais le résultat d’un choix délibéré, a fortiori d’un calcul rationnel. C’est le produit de l’histoire administrative, donc de coutumes des hasards, des considérations de personnes ou de contingences politiques...

Roch : Félicitations !

Mahama : Même chose pour toi, je sais que tu n’as pas chômé pendant la campagne. C’est maintenant que ça va être dur !

Roch : Et pourquoi ?

Mahama : Ah... y a eu trop de supporters...

Roch : Ah, ah, ah ! Je te comprends, tu veux parler du futur gouvernement !

Mahama : Bien sûr !

Roch : Ecoute, s’il y a un parti qui a toujours su faire montre du sens du partage, c’est bien le CDP ! Nous l’avons fait plus d’une fois...

Mahama : Faudrait pas lâcher l’essentiel !

Roch : Explique-toi mieux !

Mahama : Le Premier ministère par exemple !

Roch : Ecoute, les textes sont clairs à propos, mais je tiens à te souligner que moi, je suis bien payé pour savoir qu’un Premier ministre a toujours eu le bail le plus précaire de l’Exécutif...

Mahama : Tu veux dire...

Roch : Qu’on ne sait jamais quand un fusible sautera !

Mahama : Les opérateurs économiques se plaignent aussi, les usagers de la route de l’insécurité...

Roch : Ils veulent quoi encore ? C’est vrai que pour les premiers, lorsque j’étais à la banque, la lenteur des transferts de fonds par l’Administration laissait à désirer. Pour les seconds, on a pourtant donné des moyens !

Mahama : Ce sont sans doute les méthodes qu’il faudrait revoir !

Roch : Humm...

Mahama : Les gens, surtout l’opposition, nous attendent en tout cas sur un certain nombre de points ! Même sur nos relations avec l’extérieur...

Roch : Sur ce plan, nous disposons d’un bon nombre de professionnels chevronnés ! Pour ce qui est de l’opposition, j’ai écouté leurs discours...

Mahama : Et qu’est-ce que tu en dis ?

Roch : Quel pays au monde connaît en même temps une croissance appréciable et continue, un niveau d’emploi élevé et une stabilité des prix raisonnables ? Moi en tout cas, je n’en connais pas...

Mahama : Ça, c’est l’économiste, le financier qui parle !

Roch : C’est seulement la réalité que beaucoup gagneraient à regarder en face...

Mahama : En attendant, nous avons gagné avec panache...

Roch : Hé, hé ! En politique, aucune partie n’est jamais terminée et n’a d’ailleurs été tout à fait gagnée ! Il y a beaucoup de leçons à tirer de ce scrutin, à commencer par les inscriptions sur les listes électorales.

Mahama : J’espère que tu ne parles pas de ce que certains ont qualifié de ’’fichu fichier !’’

Roch : Je constate simplement qu’il y a eu moins de 3 millions de votants...

Mahama : Ça, c’est la faute des partis !

Roch : Y compris la nôtre, hélas !

Mahama : Toi alors...

Roch : Il est temps, je pense, de panser nos plaies pour ne pas prêter le flanc à nos adversaires.. .

Mahama : Ils n’ont aucune assise politique !

Roch : Ce qui ne les empêche pas de clamer que nous avons plus de ’’pique-assiettes’’ que de militants !

Mahama : Pour ça, il faut qu’on fasse un ’’deal’’ avec certains...

Roch : Et lequel ?

Mahama : Ou bien ils intègrent le rang du parti, ou bien ils se débrouillent ?

Roch : Tu l’as dit ! Pour eux, la meilleure façon de se débrouiller est celle qu’ils adoptent ! Il faut de tout pour faire un monde et cette façon de faire peut durer...

Mahama : Quel pessimisme !

Roch : Non... tout serait plus clair s’il n’y avait que 2 ou 3 grands partis...

Mahama : Moi, j’ai espoir...

Roch : Attention ! As-tu constaté l’émiettement des voix ?

Mahama : Je ne comprends pas...

Roch : On ne peut plus tellement parler de ’’fief électoral’’ au Faso ! Certains candidats ont recueilli des voix dans des provinces où l’on ne les attendait même pas !

Mahama : Mais... que dis-tu des scores de Blaise, de ces écarts boulevards de voix ?

Roch : Ah... mon cher ami, c’était l’élection d’un individu puissant d’une popularité certaine. Les législatives c’est autre chose ! Alors...

Mahama : Alors, selon toi les élections à venir, ça va être ’’caillou’’ !

Roch : Rien n’est jamais facile ! Il s’agira de savoir choisir les hommes qu’il faut et les mettre à la place qu’il faut !

Mahama : Voilà « Katanga » encore !

Roch : C’est pourtant si facile...

Mahama : Ça, c’est toi qui le penses !

Roch : Chacun devrait avoir l’honnêteté et le courage de reconnaître ses limites !

Mahama : Et que fais-tu des roues grinçantes ?

Roch : C’est quoi ça ?

Mahama : Ceux-là qui prétendent être ce qu’ils ne seraient pas en réalité sur le terrain ?

Roch : Lorsqu’une roue grince affreusement, un bon gestionnaire conseillerait simplement de la mettre au rebut au lieu de s’épuiser en achat d’huile ou de graisse...

Mahama : Ah ! Dans ce cas-là, il y aura vraiment des pleurs et des grincements... de dents ?

Roch : On ne fait pas d’omelette sans casser d’oeufs !

Propos très discrètement recueillis par JJ