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Le CDP n’est pas fort, c’est l’opposition qui est faible

Publié le vendredi 25 novembre 2005 à 07h42min

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Les résultats provisoires de l’élection présidentielle ont consacré la victoire du parti au pouvoir et la réélection de Blaise Compaoré. La saga des réactions continue. Dans l’écrit dont teneur suit, le président du Cercle d’éveil, Evariste Faustin Konsimbo, nous livre une lecture à contre-courant de la réaction de la majorité des observateurs, qui y ont vu plutôt une avancée démocratique.

Contrairement aux résultats semblent prouver la grandiloquence du parti au pouvoir, la dernière élection présidentielle fait montre des indices d’une baisse qui dit à elle seule le malaise dont souffre notre pays : 4,2 millions d’inscrits en 1998 contre 3,9 millions en 2005 . Taux de suffrages exprimés : en 1998, 95,80% contre 92,3% en 2005. Et même le score du candidat Blaise Compaoré pâtit d’une baisse de plus de 7%, quand dans le même temps le taux des bulletins nuls a plus que doublé (4, 11% en 1998 contre 8,9% en 2005).Qui peut donc à la vue de ces chiffres parler d’une progression de la démocratie ?

Ce petit jeu d’arithmétique électorale, pour approximatif qu’il soit, montre que l’euphorie qui prévaut ces derniers jours n’est qu’une belle façade. Certes cette élection n’était qu’une formalité attendue pour celui qui a le pouvoir depuis dix-huit ans, mais c’est aussi un avertissement à tous ceux qui pensent que le corps électoral et plus généralement le peuple peut continuer longtemps à faire le dupe.

Pour nombre de commentateurs, les 80% du candidat Blaise Compaoré sont la preuve de sa suprématie politique. Pour nous, les chiffres en recul du taux du suffrage, des électeurs inscrits et même la baisse du score de l’actuel président sont le résultat d’une expression politique qui, pour l’heure, n’a pas trouvé d’autres moyens de se faire entendre. Car au fond et sans tenir compte de la cavalerie électorale déployée par le pouvoir pour remplir ses bus, ses stades et finalement ses urnes, il est clair que la force de Blaise Compaoré, c’est la faiblesse de l’opposition, son incapacité à susciter une figure politique forte, ses querelles intestines et ses divisions de petits chefs.

Il est, par exemple, fort à parier que les électeurs qui ne se sont pas inscrits ou ne sont pas allés voter auraient sans doute eu une autre attitude si un candidat de l’opposition digne de ce nom avait été proposé à leur suffrage par cette même tendance. Sans doute cette opposition a-t-elle perdu de vue que l’élection présidentielle se joue beaucoup moins autour d’un programme qu’autour d’un homme, qu’elle concerne pour beaucoup d’électeurs l’image que les gens se font du chef.

Cette élection est en réalité un référendum sur l’image des candidats

En quelque sorte, l’élection présidentielle ressemble un peu à un référendum sur une image où l’on demande au corps électoral de se prononcer par oui ou par non sur la force symbolique que dégage chacun des candidats. Pour ce choix, le contenu des programmes étant relativement secondaire, il faut absolument emporter l’adhésion sur sa propre image ; et à ce jeu, il ne fait l’ombre d’aucun doute que la comparaison entre le candidat président et les autres candidats était sans proportion. Voilà pourquoi il faut prendre cette dernière élection pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une formalité de validation du pouvoir par lui-même, et se concentrer sur la refondation d’une opposition qui ne sera jamais une opposition de gouvernement si elle demeure à ce point incapable d’être une opposition d’élection.

A simple titre d’exemple, l’enquête par sondage sur l’image, la notoriété et les intentions de vote en faveur des candidats aux élections Présidentielles de 2005 par le Centre sur la gouvernance démocratique (CGD), a montré que près de soixante-trois pour cent (63%) du fichier électoral est en fait constitué par des militants ou sympathisants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Or quand on sait que pour gagner une élection, il faut des électeurs, et que pour avoir des électeurs, il faut des inscrits, on est à peu près certains que si l’opposition continue à marcher sur la tête, le pouvoir est assuré de remporter les élections pour des siècles et des siècles.

La conclusion est simple : commencer par gagner la bataille des inscrits, voila la seule façon d’être ou de devenir une opposition d’élection. Les baisses que nous avons soulignées ne disent rien d’autre que cette attente d’une opposition qui puisse contrebalancer le pouvoir en place et mobiliser l’énergie d’un électorat qui se trouve aujourd’hui confiné à crier son ras-le-bol à la politique menée ou, encore, à ne pas s’inscrire sur les listes électorales, soit à jouer du bulletin nul.

Et cette fondamentale défaillance de l’opposition, malgré le travail de fond effectué par nombre d’associations, a fini par aboutir à ce que le peuple se retrouve malgré lui lié à la seule volonté du prince, ce qui, en régime démocratique, est un curieux paradoxe.

Le président du Comité exécutif

Evariste Faustin Konsimbo

L’Observateur

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