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Crise ivoirienne : Gbagbo a encore roulé les médiateurs

Publié le jeudi 24 novembre 2005 à 08h00min

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La machine s’est encore grippée à Abidjan où les présidents nigérian, sud-africain et nigérien s’étaient rendus le 22 novembre dernier dans l’espoir de désigner un Premier ministre de consensus aux pouvoirs élargis et qui aura pour tâche principale de mener à bien le désarmement et d’organiser des élections d’ici au 31 octobre 2006.

Pour éviter que la Côte d’Ivoire ne sombre dans le chaos, la communauté internationale, notamment l’ONU, avait dans la résolution 1633 du Conseil de sécurité adoptée le 21 octobre dernier, décidé du maintien de Laurent Gbagbo à la tête de l’Etat ivoirien malgré la fin de son mandat constitutionnel et avait prévu du même coup la désignation d’un Premier ministre de transition avant le 31 octobre 2005.

Si depuis l’ONU a pu faire avaler à l’opposition civile et armée la pilule amère qu’est le maintien de Gbagbo à son poste, elle n’arrive pas à en faire autant pour que ce même Gbagbo fasse des concessions en acceptant un Premier ministre issu des rangs de son opposition.

La logique d’un tel deal est pourtant limpide comme de l’eau de roche : le président reste en poste mais un Premier ministre de type nouveau et de consensus monte en scelle. Un Premier ministre proposé de concert par l’opposition et auquel le président Gbagbo doit s’accommoder.

Cette perspective a fait naître des appétits voraces au sein de cette opposition qui n’a pas su s’accorder sur l’essentiel en proposant une seule personnalité à ce poste. Sinon, ç’aurait été une parade magistrale pour contraindre le parti au pouvoir à accepter leur choix sous peine d’être taxé de semeur d’embûches sur la voie de sortie de crise.

Mais hélas ! Et c’est avec désolation qu’on a vu l’opposition s’entredéchirer pour cette primature qui tarde à se concrétiser tant les reports sont multiples. A croire que le mari de Simone fait exprès juste pour faire languir ses adversaires qui ont tous les yeux rivés sur la primature dans le seul but de mieux les diviser pour régner sur eux.

Mais l’opposition ne semble pas comprendre ce petit jeu qui n’arrange pas la Côte d’Ivoire. D’ailleurs à cause de cette histoire, tout est bloqué au pays d’Houphouët. On ne peut plus poser d’acte majeur car rien n’est sûr. Les opérateurs économiques et autres investisseurs sont présentement dans l’expectative. C’est dommage.

Une fois encore, Gbagbo vient de montrer à ceux qui le sous-estimaient qu’il est réellement un animal politique, mais pas forcément dans le bon sens. En effet, si tant est que rouler les autres dans la farine et torpiller les engagements pris est de la politique, alors Gbagbo est très fort en politique.

Mais s’il arrive toujours à exécuter des pirouettes, c’est qu’il parvient tout temps à se glisser dans les failles des accords et des résolutions concernant son pays. Alors, on est en droit de se demander pourquoi est-ce que l’ONU, en prenant la résolution, n’a pas été assez clair en précisant que le Premier ministre devrait être issu de l’opposition puisque Gbagbo, malgré la fin de son mandat, est maintenu à son poste. Mais hélas !

Et voilà une faille qu’exploite le camp présidentiel. En effet, dans la résolution 1633, il est précisé que Gbagbo doit nommer un « Premier ministre de consensus ». Mais le terme « consensus » est si vague que cet oiseau rare pourrait être un homme du pouvoir ou de l’opposition.

Pour jouer au cynique, Gbagbo peut s’arc-bouter, et il a commencé à le faire, en revendiquant qu’il lui revient de droit de proposer cet homme providentiel. L’opposition ne l’entend pas de cette oreille. Seulement sera-t-elle entendue ? Pas si sûr.

Seules les Forces nouvelles, parce qu’elles ont des armes, peuvent le faire infléchir. Mais ce serait dommage qu’on en arrive là pour qu’il lâche enfin du lest.

S’il y a quelqu’un qui doit se mordre les doigts, c’est bien le médiateur sud-africain, Thabo Mbeki, récusé par Guillaume Soro et ses camarades qui l’accusent à tort ou à raison de faire la part belle à son homologue ivoirien.

En se rendant à Abidjan, Mbeki aurait préféré certainement que Gbagbo lui renvoie l’ascenseur en acceptant les propositions de la troïka onusienne. Mais le maître d’Abidjan l’a surpris négativement.

Et ce n’est pas sûr qu’il soit prêt à subir à nouveau un tel camouflet. La mission de mardi ayant échoué, les émissaires ont promis de revenir d’ici une dizaine de jours avec de nouvelles propositions et surtout d’utiliser de nouvelles méthodes.

Qu’est-ce à dire ? Serait-ce la menace des sanctions onusiennes qui ont depuis du mal à prendre forme ? Il est encore trop tôt pour le savoir.

Mais en attendant, le président ivoirien gagnerait à mettre assez d’eau dans son vin sinon à vouloir le boire à sec, il pourrait se brûler atrocement la gorge.

San Evariste Barro

Observateur Paalga

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