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Candidatures à la présidence du Faso : Pour une meilleure définition des critères

Publié le jeudi 24 novembre 2005 à 07h41min

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Qui peut postuler à la magistrature suprême au Burkina Faso ? C’est en effet la question qui hante les esprits à la sortie de la présidentielle 2005 avec ses treize candidats. Question fondée eu égard à l’envergure de certains et au score soviétique réalisé par le vainqueur, Blaise Compaoré. Pour le lecteur qui ouvre le débat ci-après, il faut une meilleure définition des critères.

Le peuple burkinabé vient de vivre une expérience historique et riche en enseignements : une campagne et une élection présidentielles, dont l’importance des enjeux ne lui a pas échappé, bien au contraire.

Il est donc sorti plus nombreux que d’habitude, et tout le monde, y compris les acteurs politiques eux-mêmes, s’accorde à dire que le scrutin s’est déroulé de manière satisfaisante ; aussi bien la maturité du peuple que celle de la classe politique - qui a accepté les résultats avec fair-play - ont été saluées à leur juste valeur.

Que ne faut-il donc pas que l’on se contente de se réjouir, de s’autocongratuler, en attendant la prochaine occasion pour montrer que rien de ce qui vient d’être accompli n’était dû au hasard, mais plutôt à une réelle prise de conscience par le peuple de la place qui lui revient dans la construction de son propre bonheur !

Il se trouve que, parce qu’il est justement désormais mûr, notre peuple se doit de procéder à une analyse lucide des événements dont il vient d’être un des acteurs principaux.

La réflexion s’impose donc autour d’un sujet de la plus grande attention pour un scrutin présidentiel, en l’occurrence celui des critères de participation à la course pour être Président du Faso.

Sur quinze (15) candidats à la candidature, le Conseil constitutionnel en a finalement retenu treize (13). A ceux-là était donc accordé l’insigne honneur de se soumettre à la sanction souveraine du peuple, à l’issue d’une campagne légale de vingt et un (21) jours.

La personnalité des candidats

Assurément, cette campagne a atteint l’un de ses principaux objectifs, en nous permettant de découvrir la personnalité des candidats et, pour ceux qui en avaient, leurs programmes respectifs.

A ce propos, l’un des candidats a pu dire lors de ses meetings qu’il y avait treize candidatures, mais que, lorsque l’on se mettait à compter les candidats, l’on n’ arrivait pas au chiffre treize.

Cela lui a bien évidemment valu des volées de bois vert de la part de certains de ses challengers. De bonne guerre, serait-on tenté de dire. Et pourtant !

Pourtant, au-delà de son caractère anecdotique et provocateur, cette déclaration a le mérite de mettre le doigt sur un important paramètre de la campagne et des élections : la qualité des candidats, donc, en filigrane, les critères de participation à la compétition.

La question qui se pose est la suivante : faut-il, au nom de la démocratie et de l’égalité des citoyens, accepter toutes les candidatures ? Autrement dit, ne faudrait-il pas, eu égard à l’importance des enjeux et du poste, revisiter les critères, afin d’éviter qu’un « accident » ne nous installe un jour à la tête de l’Etat un de ces rigolos que chaque siècle ne fabrique qu’en quelques échantillons ?

Il nous a en effet été donné de constater que certains candidats ne savaient manifestement pas ce que signifiait la charge de Président du Faso, ni comment y accéder ! Confondant l’arène politique à une scène de théâtre, ils n’ont cessé, tout au long de la campagne, d’amuser la galerie.

Les finances à gagner au change

La chose aurait pu en rester au statut du pittoresque et du ridicule que l’on évoque de temps à autre pour s’offrir un bon moment en se fendant la poire, si elle n’avait des conséquences qui, individuellement et collectivement, nous interpellent en tant que citoyens ; ces effets concernent principalement :

les finances de l’Etat ; outre que certains candidats, qui n’ont assuré que le service minimum, vont gagner au change sur le dos du peuple (5 millions de caution déposée pour 7,5 millions de contribution de l’Etat encaissés), il est que les dépenses induites par leur candidature, telles que l’impression des bulletins de vote et de leurs spécimens, la mise à disposition de l’espace dans la presse écrite- que d’aucuns ont souvent royalement négligé ou pas pu remplir- et de temps d’antenne dans les medias audiovisuels, pour ne prendre que ces deux exemples, sont payés par le contribuable burkinabè, c’est-à-dire par vous et moi ! Il n’est pas superflu en effet de le rappeler de temps à autre : l’Etat, c’est tous et chacun ;

la crédibilité de notre processus démocratique, donc celle de notre pays. Lors d’une consultation électorale de cette importance, de nombreux yeux sont rivés sur le pays ; même que certains médias internationaux n’hésitent pas à réaliser et diffuser des émissions spéciales sur celui-ci et ses habitants. Que peut-on alors penser d’un pays dont la magistrature suprême est briguée par des lunatiques, parmi lesquels certains n’arrivent même pas à expliquer leur « programme », à décortiquer les concepts qu’eux-mêmes ont créés, ou à s’exprimer dans la langue officielle du pays ?

Concernant ce dernier élément, que l’on ne nous sorte surtout pas l’argument selon lequel ladite langue n’est pas notre langue maternelle, car le fait est que nous avons décidé d’en faire notre langue officielle : il ne serait dès lors pas concevable que le chef de l’Etat ne la maîtrise pas ! Lorsque l’on choisira une de nos langues nationales comme langue officielle, l’on avisera...

Il y a donc problème, et c’est notre problème à tous. Il faut par conséquent avoir le courage d’y réfléchir et de procéder à une vaste concertation afin d’y trouver la réponse la plus idoine possible. Il nous faut pour cela nous donner les moyens de regarder au-delà des questions de principes et faire fi de nos propres intérêts, pour ne voir que ceux du Burkina et des Burkinabé. Quelques critères d’admissibilité

Nous pensons que les éléments suivants pourraient être versés au débat sur les conditions/critères de sélection des candidats ; débat qui, il faut l’espérer, s’ouvrira et se mènera avec sérénité, lucidité et responsabilité :

le niveau de formation et l’expérience : si tout Burkinabé doit pouvoir légitimement aspirer à diriger son pays, il nous paraît raisonnable de prendre la pleine mesure de la nature de la tâche dans un monde d’interdépendance et de challenges ; la gestion des plus hautes charges d’un Etat, au 21e siècle, impose à l’heureux élu des exigences sur le plan intellectuel ; il ne s’agit pas là - loin s’en faut - de mépris ou de manque de considération pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, mais de faire preuve d’objectivité et de lucidité ;

l’état mental : la santé du corps doit s’accompagner de celle de l’esprit ;

la représentativité : toute candidature devrait être parrainée par des élus (par exemple). Mais, quel que soit le nombre qui serait fixé, ceux-ci devraient être représentatifs de l’ensemble de la population. On éviterait ainsi qu’un candidat ne soit parrainé que par les élus d’une seule région du pays ou d’un seul parti. Du reste, les critères de représentativité peuvent être élargis ;

la capacité financière : la candidature ne saurait être une mise, en vue de s’enrichir. Si nombre de candidats à la présente consultation, à qui nous tirons le chapeau, ont effectivement investi la subvention de l’Etat et leurs moyens propres (au point peut-être de se ruiner), il s’en est trouvé qui ont pratiquement scellé le coffre-fort... La subvention est un appoint que l’Etat fait et doit être traité comme tel. Lorsque l’on n’a pas la capacité de se doter des moyens matériels et financiers pour aller à la conquête de l’électorat dans tous les coins du pays, la sagesse devrait pouvoir recommander que l’on « passe son tour » afin de mieux s’armer pour de prochaines échéances ;

le relèvement du montant de la caution : de cinq millions de FCFA, celle-ci pourrait être revue à la hausse ; en sus, elle serait non remboursable quel que soit le score obtenu par le candidat.

L’amour de la patrie - au point de vouloir en être le premier magistrat - vaut bien cette preuve d’engagement. Cela permettrait en outre de dissuader les candidatures fantaisistes. Ces critères ne sont qu’illustratifs, et n’ont pour ambition que de susciter des réactions, donc de jeter les bases d’une confrontation citoyenne des idées, dont le législateur pourrait se saisir.

L’essentiel est qu’au finish, les critères retenus soient suffisamment mûris et objectifs pour permettre à notre processus démocratique de s’enraciner davantage, et à notre pays de renforcer sa crédibilité.

Paul R. Tiendrébéogo

Observateur Paalga

P.-S.

Voir notre dossier :
Présidentielle 2005

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