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Guillaume Soro avertit : “Le G7 n’a pas été solidaire”

Publié le mercredi 23 novembre 2005 à 09h20min

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Guillaume Soro

Guillaume Soro parle pour la première fois après ce qu’il est convenu d’appeler la crise du G7. Le Secrétaire général des Forces nouvelles décide que l’heure est venue de faire entendre sa différence.

Arc-bouté sur son statut de force belligérante qui contrôle 60% du territoire national et gère le quotidien de 7 millions d’habitants, il estime que son mouvement ne peut pas passer par pertes et profits dans le processus de transition ouvert par la Résolution 1633.

Quand on s’appelle Guillaume Soro et qu’on a trois ans de guerre dans les jambes, on ne s’embarrasse pas pour appeler un chat, un chat. Interview avec un homme qui sait ce qu’il veut.

Vous parlez de reconnaissance du statut de la belligérance. Mais ne pensez-vous pas que votre présence au sein du G7 a fini par assimiler la rébellion à une force politique ordinaire ?

Il faut que je clarifie la question du G7, le groupe des sept partis favorables à l’application des accords de Linas Marcoussis signés en janvier 2003 à Paris. C’est nous qui avons été à l’initiative de la mise en place du G7. Et ce que je dis là ne peut être contesté par personne. C’est après que nous nous soyons rendus à Abidjan dans le cadre de nos activités gouvernementales, qu’au Golf hôtel, à la chambre 455 exactement, nous avons appelé et rencontré le professeur Alphonse Djédjé Mady, en premier lieu. Et pour cause, le PDCI est le plus vieux parti politique ivoirien.

Dakoury-Tabley, le secrétaire général adjoint des Forces Nouvelles et moi-même l’avons reçu. Nous lui avons expliqué qu’il était nécessaire que les partis politiques qui ont partagé une certaine convivialité à Marcoussis, se retrouvent pour défendre l’accord que nous avons signé. Djédjé Mady a marqué son accord de principe. Nous avons ensuite rencontré Affi N’Guessan du Front Populaire Ivoirien, Mel Théodore de l’UDCY, ainsi que le Pr Francis Wodié du PIT toujours au Golf hôtel. Puis, nous avons vu Anaky Kobenan du MFA, Paul Akoto Yao au compte de l’UDPCI et Amadou Gon Coulibaly du RDR pour leur faire, à tous, la même proposition. Nous avons souhaité que le PDCI convoque la première réunion, qui a eu lieu à la rotonde de l’Assemblée Nationale. Donc, nous avons été à l’initiative de cette belle alliance. Nous ne serons pas les auteurs de la déchirure de cette alliance.

Vous étiez dix au départ. Aujourd’hui vous êtes sept.

Nous étions dix. Mais au cours des discussions, le Front Populaire Ivoirien a claqué la porte, suivi de l’UDCY. Le PIT est resté un moment puis a claqué la porte par la suite. Ainsi nous sommes restés sept. A partir de là, nous avons entretenu et consolidé l’alliance. Le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) dont M. Bédié peut être légitimement fier aujourd’hui, est né du fait nos collaborateurs ont appris à travailler ensemble, à tuer la méfiance entre eux et à tisser des liens. Cela a donné le RHDP.

Les Forces nouvelles ne peuvent pas détruire ce qu’elles ont construit. Lorsque nous avons quitté le gouvernement de réconciliation nationale pour nous replier à Bouaké, le G7 s’était essoufflé. De retour à Abidjan après moult négociations, nous avons de nouveau insisté sur la nécessité de voir le G7 se retrouver. Vous pouvez vous en souvenir. J’ai pris mon véhicule et je me suis rendu au siège du FPI. C’était osé, même audacieux. J’y ai rencontré Pascal Affi N’Guessan. Puis nous sommes allés au siège des autres partis politiques pour leur dire que nous signé un accord et que nous avons le devoir de continuer à l’expliquer et à le défendre. Nous avons fait cela. Il ne viendra donc jamais à l’esprit des Forces nouvelles de détruire le G7. Nous considérons qu’il est une chance pour la Côte d’Ivoire.

Même si le G7 a fragilisé votre position en ne vous soutenant pas dans la course à la primature de la transition ?

Voyez-vous, pour moi, il ne s’agit pas d’une question de promotion personnelle. Mon ego personnel n’est pas important. Nous avons voulu, mener un combat qui n’a pas été compris. Nous allons continuer par d’autres voies à insister. C’est vrai que si le G7, après tous les débats que nous avions eus, était resté solidaire sur un seul nom proposé à l’initiative des Forces nouvelles, nous aurions accru la pression sur la communauté internationale, la pression sur Laurent Gbagbo, de sorte à parvenir réellement à le dépouiller de ses pouvoirs au profit d’un premier ministre. Cela n’a malheureusement pas fonctionné ainsi.

A lui seul le G7 avait sept candidats sur les seize présentés.

Exactement. Sept candidats. Nous nous sommes dispersés sur la primature...

Cela remet-il en cause vos accords antérieurs, notamment en ce qui concerne l’élection du président de la CEI concédé à un candidat du PDCI ?

J’ai demandé à notre candidat au poste de président de la Commission Electorale Indépendante de se retirer au profit du candidat du PDCI. Nous l’avons fait de bonne foi. Et si nous devions le refaire pour la cohésion du groupe, nous le referions. Ceci dit, je constate simplement que les partis ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur le nom d’un Premier ministre. Mais en même temps, cela n’est pas une catastrophe. Le G7 n’a pas pu être solidaire autour de notre nom cela n’est pas une catastrophe. C’est sûr, cela a crée quelques légers désagréments. Pour moi le plus important ce n’est pas cela, ce n’est pas le poste de Premier ministre.

Le plus important c’est de parvenir, par d’autres voies, à faire du Premier ministre un homme qui a de l’autorité, qui est appuyé par la communauté internationale et qui applique les accords avec l’objectif d’organiser des élections transparentes. Nous ne détruirons pas le G7 pour un poste de premier ministre, cela n’en vaut pas la peine. Les Ivoiriens souhaitent autre chose. Et je peux comprendre que certains soient déçus que nous n’ayons pas eu au moment approprié, la stratégie idoine pour contraindre Gbagbo. Ce qui m’a désolé, c’est que nous avons dit que nous ne voulons pas de M. Gbagbo au pouvoir. Venir nous battre pour un poste de Premier ministre sans avoir au préalable obtenu que celui-ci ait l’autorité nécessaire pour conduire le processus est vraiment désolant...

Dans cette mini crise, le G7 s’est cassé en trois blocs.

Cette mini crise, comme vous l’appelez, permettra de tirer des leçons et de renforcer la cohésion du G7. Sans cette crise, peut-être ne serions nous pas suffisamment armés pour affronter les prochaines difficultés. C’est une leçon de choses pour tous. A l’avenir, nous saurons apprécier l’essentiel, l’important du secondaire.

Mini crise peut-être, mais certains de vos collaborateurs n’hésitent pas à parler de trahison parce que l’accord du 18 octobre, c’est-à-dire la CEI au PDCI contre la Primature aux Forces Nouvelles, n’a pas été respecté.

Oui, il y a eu un problème là...

Vous avez été trahis ?

...Il y a eu un problème de respect de la parole donnée. Moi je suis le responsable des Forces nouvelles. Je pense qu’il faut sauver l’alliance. Il ne sert à rien de continuer de guerroyer. C’est un acte qui a été posé. Et l’essentiel est dans notre cohésion, l’union de l’opposition...Il faut aller de l’avant après cette crise. C’est faire en sorte d’avoir un premier ministre qui ait des pouvoirs.

Mais il subsiste un problème Forces nouvelles-PDCI au sein du G7, un problème Soro-Bédié. Au PDCI, il se dit au sommet que M. Bédié estime que les militants de base ne sont pas prêts à vous accepter comme Premier ministre. Ils ne le comprendraient pas, dit-on.

Ecoutez, je pense que... (Il se tait quelques secondes) Je pense qu’il faut donner le temps à Monsieur Bédié de travailler sa base pour qu’elle m’accepte dans un futur que je sais très proche. A mon avis, il n’y a pas de problème. Moi, ma base, je l’ai déjà travaillée. Elle accepte M.Bédié. Vous savez qu’il était en exil, il a pu rentrer. Mais il faut lui donner du temps. L’essentiel c’est de sauver l’union. Il faut aller à l’union. Quand demain, nous irons à des élections, il sera toujours nécessaire de travailler ma base pour qu’elle accepte de soutenir Bédié puisque je ne suis pas candidat. Donc il y a un travail réciproque que chacun doit faire. Je considère que M. Bédié n’a pas eu suffisamment de temps pour expliquer à ses militants que Guillaume Soro est une réalité, qu’il est dans l’alliance du G7. Moi je lui en donne le temps.

Avez-vous évoqué cette crise avec M. Bédié ? Avez-vous vidé ce contentieux ?

Pour la Commission Electorale Indépendante, j’avais eu à échanger avec le président Bédié. J’ai demandé à la suite de cela, au candidat des Forces nouvelles de se retirer de la course, non sans difficultés. Je l’ai fait en toute responsabilité et en toute loyauté. Maintenant je pense que le doyen Bédié et moi-même nous nous comprenons. J’étais à l’extérieur quand cette crise a eu lieu. Je suis de retour et j’ai, par les canaux habituels, les informations qu’il souhaite me faire passer. Il y a eu quelque chose, c’est vrai, mais il faut aller de l’avant. Nous continuerons de préserver le G7, même si à des moments donnés, nous avons des divergences de vue sur des questions que certains estiment prioritaires.

Mis à part le PDCI, considérez vous que le RDR, dont on dit qu’il est votre allié traditionnel, vous a lâché dans cette crise ?

Je vais être franc avec vous. Et je vais même vous faire une révélation. Le vendredi, jour de l’arrivée de M. Obasanjo en Côte d’Ivoire, M. Ouattara et moi-même étions en contact permanent. Nous étions ensemble à Paris. Et j’ai bien vu l’insistance de M. Ouattara pour que le RDR soutienne ma candidature. A mon avis, M. Ouattara a été loyal avec les Forces nouvelles. A l’impossible nul n’est tenu. A un moment donné, il a été décidé que chaque parti politique donne un nom. C’est M. Bédié qui conduisait la réunion du G7.

M. Alassane Ouattara tout seul, ne pouvait rien faire. Donc il a dû se plier à une décision majoritaire du RHDP. Et c’est ainsi, sans même avoir le temps d’informer les responsables de son propre parti, qu’il a proposé M. Tiémoko Yadé. Jusqu’au bout, il est resté loyal avec les Forces nouvelles. Et c’est pour lui renvoyer l’ascenseur que nous avons classé M. Tiémoko Yadé en deuxième position sur notre liste, puisque jusqu’au bout M. Ouattara a maintenu, soutenu le candidat Guillaume Soro au poste de Premier ministre. Il n’était pas à Abidjan.

Et le RHDP, à la majorité, a décidé que chacune de ses formations politiques devait présenter un candidat. Les Forces nouvelles ne pouvait pas demander à M. Ouattara de saborder les intérêts de son parti. Ce sont là des informations que les militants de base n’ont pas eues. Je comprends la gêne du RDR et de M. Ouattara à le dire publiquement et officiellement. Mais moi je le dis. Nous n’avons pas été lâché par M. Ouattara .C’est pourquoi son candidat est deuxième position sur notre liste.

Vous dites aujourd’hui « avançons ». Et le G7 a toujours M. Laurent Gbagbo en face. Comment recoller les morceaux de votre alliance ?

Avec ce que j’ai entendu de la médiation, les quatre noms qui circulent ne pourraient pas faire l’objet d’un consensus. Ils ne seront pas acceptables pour tous. Déjà on nous informe que les partis de la mouvance présidentielle ont tous récusé Tiémoko Yadé et Ouassenan Koné et les partis d’opposition ont rejeté Jacqueline Oble et Gervais Coulibaly. A mon avis, le G7 doit rapidement se ressaisir afin que nous continuions de constituer cette force unie pour affronter l’autre qui est Gbagbo Laurent. Les petits calculs d’épicier ont failli nous distraire de l’important, de l’essentiel. C’est dialectique, toute chose a un retour. Comme tout le monde se rend compte qu’il ne s’agit pas de faire la promotion d’un individu, nous avons intérêt à nous réunir pour définir une stratégie, soit pour contraindre M. Gbagbo à démissionner soit pour lui arracher tous les pouvoirs au profit du Premier ministre.

Outre MM.Ouattara et Bédié, quels rapports entretenez vous avec les autres leaders du G7, MM. Anaky Kobenan et Mabri Toikeusse ?

Avec M Anaky, nous avons de très bons rapports. Je considère que c’est un monsieur loyal. Avec Mabri, il est vrai, nous ne nous sommes pas beaucoup fréquentés, mais nous avons de bons rapports.

Une question pour conclure ce chapitre. L’opposition a quand même vu cette transition venir. Vous, leaders du G7, avez annoncé la fin du mandat de Laurent Gbagbo pour le 30 octobre 2005. Pourquoi le G7 donne t-il donc tant aujourd’hui le sentiment de n’avoir pas préparé cette échéance capitale, de n’avoir pas prévu d’alternative à Laurent Gbagbo au soir du 30 octobre ?

C’est une question qui mérite d’être posée. Elle est pertinente. Je pense que nous avons manqué d’anticiper sur la date du 30 octobre et de mobiliser réellement nos forces. Nous, nous sommes quelque peu handicapés par la communauté internationale qui fait une interposition. De sorte que toute la mobilisation que nous pouvons réaliser ici à Bouaké, aussi forte soit-elle, ne peut pas gêner le pouvoir de Laurent Gbagbo dans les autres 40% du territoire qu’il occupe. Nous avons tous renoncé à la conquête armée à cause de l’interposition de la communauté internationale.

A partir de là, à mon avis, les espoirs suscités par les différents accords ont distrait le G7. A Abidjan aussi, il y a une situation objective avec les milices, avec une armée manipulée et prête à écraser l’opposant. Tout ceci conjugué a certainement amoindri la capacité des forces politiques à créer l’alternative. Mais aujourd’hui, il faut continuer à insister parce que ce que vous dites est vrai. Lorsque nous demandons à la communauté internationale de faire preuve de courage, elle nous dit « Vous n’êtes pas aux portes d’Abidjan », comme le LURD à la porte de Monrovia pour qu’on retire Charles Taylor.

Si cela est vrai, il est tout aussi vrai que c’est la communauté internationale qui nous a empêché de prendre Yamoussoukro. Au prétexte que Yamoussoukro était la capitale politique. Il est tout aussi vrai que ce sont les hélicoptères français qui nous ont délogés de Grabo parce que nous menacions le port de San Pedro. Il est tout aussi vrai que les militaires français ont stoppé notre marche sur plusieurs villes. Malheureusement les Français et la communauté internationale ne se sont pas donnés les moyens d’un règlement durable de la crise ivoirienne. C’est notre malheur.

Changeons de sujet pour parler de l’école en zones Forces nouvelles. Irez vous jusqu’au bout pour organiser les examens face à la défaillance du ministère de l’éducation nationale ?

Il me faut vous rappeler que quand la guerre a éclaté le 19 septembre 2002, au cours d’une déclaration à la nation en décembre 2002, j’ai appelé les enseignants, le monde de l’éducation, les parents d’élèves, les élèves, à travailler à la réouverture des écoles dans notre zone. Un mois après, c’était une réalité palpable, les premières classes commençaient à ouvrir dans notre zone. Et nous avons travailler d’arrache pied pour essayer de rattraper le retard causé par la guerre.

Au bout nous avons pu organiser les examens dans des conditions acceptables ou normales. Les diplômes ont été délivrés, les élèves ont eu un taux de réussite honorable. Cela été un soulagement pour les parents et une fierté pour le monde de l’éducation. Pour l’année 2005, nous avons été par les attitudes du ministre FPI de l’éducation nationale a retiré systématiquement nos candidats du calendrier des examens. D’arguments fallacieux en arguments fallacieux, il a refusé d’organiser les examens. Je puis vous dire que je suis personnellement choqué que les enfants en viennent à être otages d’une guerre qu’ils n’ont pas créée.

On veut justement par ce moyen inacceptable provoquer le dégoût des populations à l’endroit des Forces nouvelles. J’ai moi-même reçu ici à Bouaké le ministre de l’éducation nationale qui, dans un passé récent venait passer des week end auprès de ses parents au village. Au décès de son père, le ministre Amani Michel m’a adressé un courrier dans lequel il demandait la coopération pleine et entière des Forces nouvelles pour lui permettre d’enterrer dignement son géniteur. Vous savez que la mort est sacrée en Afrique.

Malgré des observations quelque peu désobligeantes de certains de nos collaborateurs, j’ai reçu le ministre Amani à Bouaké. Il a eu droit aux égards des Forces Nouvelles pour l’organisation des obsèques de son père. Il est venu avec une forte délégation d’environ 500 personnes que nous avons accepté de sécuriser. J’ai été moi-même représenté à ces funérailles. Nous n’avons donc pas compris que le ministre, qui avait promis à l’ensemble du monde de l’éducation, aux populations, qu’il allait organiser les examens ne le fasse pas. Il avait pourtant affirmé que les épreuves étaient déjà prêtes et que rien ne s’opposait plus à l’organisation de ces examens. Notre amertume a été grande de constater que le ministre Amani, qui avait déclaré lui-même à la télévision nationale qu’il organiserait les examens au cours d’une réunion avec nos délégués sur ce sujet, affirme désormais qu’il ne disposait pas de moyens financiers pour des examens dans notre zone.

Le système des Nations Unies contacté, s’est dit prêt le même jour à débourser les fonds, environ 400 millions de francs CFA. C’est à ce moment là que le ministre va rebondir sur un autre argument. Il demande cette fois, non pas des moyens financiers, mais que les FANCI viennent dans nos zones pour sécuriser les examens. Il croyait avoir trouver là la faille pour bloquer l’organisation desdits examens. Naturellement les FANCI ont répondu que ceci était inacceptable et impossible. Le ministre est revenu à la charge en insistant pour que ce soient les Forces Onusiennes qui viennent cette fois sécuriser les centres d’examens.

Les Forces Onusiennes lui ont répondu qu’elles étaient disposées à sécuriser les épreuves jusque dans nos zones, mais qu’elles ne pouvaient en aucun cas, alors que nous sommes dans un processus de réconciliation, mettre un agent dans tous les centres d’examens. Voilà donc l’argument que tient le ministre Amani jusqu’à ce jour pour ne pas organiser les examens. Alors que faut -il en déduire ? Il faut voir à travers cela la mauvaise foi de M. Amani en tant qu’individu, tout en indexant l’appareil FPI qui a pris le ministre en otage. J’ai même ouïe dire que la vie du ministre était menacée. C’est dire que son intégrité physique était directement menacée si jamais il se hasardait à organiser les examens.

Menacé par qui ?

Par les escadrons de la mort de M. Gbagbo. Il se dit aussi que certains, au FPI même, ont commencé à l’indexer comme un traître, un rebelle parce que ses visites fréquentes ici au centre ne s’expliquaient pas. Mais tout cela n’exonère pas M. Amani ; il aurait pu être courageux. Et je pense que le fait qu’il ne soit pas revenu vers nous pour nous dire « vraiment je vous ai promis d’organiser les examens mais je risque ma vie », n’est pas courtois. Mais la question même de l’organisation autonome des examens dans nos zones se pose.

Que comptez vous faire donc ?

Ecoutez, moi je ne peux pas continuer de résister à la pression sociale. Les élèves, qui pendant deux ans ont suivi des enseignements, doivent être évalués. Et des diplômes doivent être délivrés à ce qui le méritent. J’ai évoqué la question avec le ministre des affaires étrangères du Nigeria qui était scandalisé et qui a trouvé cette affaire totalement inacceptable. Donc je pense que nous allons continuer de poser le problème au niveau de la médiation, de la communauté internationale, à l’ONU. M. Pierre Schori, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU est largement informé sur cette question.

Vous l’en avez saisi ?

M. Pierre Schori est venu lui-même ici où il a rencontré les élèves, il doit donc être le premier à être informé de la situation de la zone. Que cela ne lui paraisse pas une priorité, je suis surpris. Le système des nations unies était prêt à intervenir financièrement, cela veut dire qu’il est informé. Que le droit à l’éducation reconnu par l’ONU ne soit pas son cheval de bataille, je suis aussi surpris.

Que comptez vous faire aujourd’hui ?

Nous allons demander à une équipe de se préparer financièrement et techniquement pour être prête. Nous avons espéré que le premier ministre serait nommé rapidement pour que ces examens s’organisent. Mais si ce n’est pas le cas, les Forces nouvelles prendront leurs responsabilités.

Et la situation sanitaire dans la zone ? Certains hôpitaux, notamment l’hôpital général de Bouaké, ont été légèrement réhabilités ?

Nous avons décidé à notre propre niveau de travailler sur l’éducation, sur la santé, sur l’eau et l’électricité. Je peux vous dire que la situation est suffisamment précaire. Vous savez que l’électricité et l’eau ont été coupés ici pendant une dizaine de jours. C’est inimaginable que quelqu’un qui se considère comme le président de tous les ivoiriens décide de punir près de sept millions de citoyens qui vivent ici. Dans nos zones, nous gérons près de sept millions d’habitants. Quand on coupe l’eau, l’électricité ou le téléphone à sept millions d’habitants, c’est inacceptable. Nous, nous avons vécu ici pleinement.

Mais mieux, tous les investissements qui devaient se faire pour la réhabilitation des infrastructures ne sont pas effectués. M. Laurent Gbagbo entend là punir la rébellion. Mais en réalité on punit sept millions de citoyens, dont des électeurs. Et c’est ça qui approfondit et accentue la crise. Même quand le pays sera réunifié un jour, il faudra que tous ces crimes perpétrés contre les populations soient exorcisés, c’est important. Il faudra que M. Amani explique au nom de quelle politique il peut détruire l’avenir d’environ 400 milles élèves dans nos zones qui demain, dans cinq ou dix ans le tiendront personnellement responsable de l’avenir qu’il n’ont pas eu. Et c’est extrêmement important. Je ne peux pas comprendre, à moins que les militants du FPI n’aient pas d’ambition pour leur pays, qu’ils soient obtus et enfermés, dans une logique suicidaire. Que la carrière politique de Gbagbo soit consommée ne veut pas dire que la carrière de tous les militants du FPI le soit aussi.

Et vos combattants, parvenez-vous à les entretenir en attendant que le processus de regroupement et de désarmement ne commence ?

Je pense que dans ce domaine beaucoup reste à faire. Mais beaucoup aussi a été accompli. La guerre a éclaté le 19 septembre 2002. Nous avons de façon embryonnaire essayer de mettre en place une administration économique pour subvenir aux besoins de notre armée. Naturellement, nous avons comme urgence de nourrir nos éléments, de leur assurer la pitance quotidienne trois fois par jour. Nous nous sommes impliqués dans la recherche de moyens pour le réussir. Nous gérons plus de trente mille soldats, c’est quand même énorme comme budget à consentir à notre armée.

Et dans le même temps, il faut de l’argent pour faire d’autres investissements. Donc, nous avons essayé de maintenir ce cap et surtout d’essayer de donner des primes à nos soldats. Beaucoup a été fait. Beaucoup reste cependant à faire pour une amélioration de leurs conditions de vie. Pendant trois ans, nous avons essayé de faire le minimum. Nous ne demandons pas des félicitations. Mais quand vous avez été confronté à la situation que nous avons vécue, c’est-à-dire quand la guerre à commencé le 19 septembre, l’ensemble de l’administration était une préoccupation majeure.

Et nous avons réussi à nous organiser, à mettre une forme d’administration, à organiser une armée parce que ce n’était pas évident. Nous avons réussi à organiser un circuit économique de sorte qu’aujourd’hui nous avons réussi à éviter la famine dans nos zones. Je pense que c’est important. En Afrique, il y a encore la famine. Cette famine aurait pu s’abattre sur nos zones. Nous avons réussi à éviter des fléaux. Il y a eu du travail qui a été accompli. La construction d’une nation n’est pas facile parce que nous avons eu parfois des moments de frayeurs de ne pas réussir la tâche.

Nous avons au moins la satisfaction que nous avons pu entretenir nos soldats. Aujourd’hui, nulle part à Bouaké, vous ne verrez de longues files attendant l’aide humanitaire du Programme Alimentaire Mondial (ndlr : une agence humanitaire des Nations Unies). Ce n’est pas encore le luxe, mais quelque chose a été fait. Par le jeu des taxes, nous avons réussi à faire en sorte que la vie soit moins chère dans nos zones.

Interview réalisée à Bouaké par Méité Sindou & Touré Moussa,
Voir aussi :
Nord Sud Média

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