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Résultats provisoires : Les matches dans le match

Publié le mardi 22 novembre 2005 à 09h46min

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Soumane Touré

Me Bénéwendé Sankara contre Norbert Michel Tiendrébéogo, Laurent Bado face à Emile Paré, Philippe Ouédraogo opposé à Soumane Touré, la partie présidentielle qui vient de se jouer ne manquait pas de piquant, car en plus d’avoir un adversaire commun, certains des candidats ne filent pas pour autant le parfait amour.

C’est Soumane Touré qui le répétait à l’envi pendant la campagne, lui il ne s’intéressait pas aux autres candidats, mais se préoccupait seulement de Blaise Compaoré. Il n’avait sans doute pas tort puisqu’après tout, c’est le président sortant que lui, à l’image des onze autres challengers, ambitionnaient d’éjecter de son fauteuil.

Pour autant, on ne peut s’empêcher de penser que dans ce panier à crabes qu’était la liste des prétendants arrêtée par le Conseil constitutionnel et sur laquelle se côtoyaient d’adorables rivaux qui ne veulent même pas se voir en peinture, il y avait des matches dans ce match qui opposait le candidat du CDP au reste du Burkina, ou plutôt de sa classe politique.

Et comment donc ! Quand bien même ils s’en défendaient, c’était à qui ferait le meilleur score et à qui ne serait pas ridicule pour montrer que tout compte fait, c’est lui que les gens préfèrent dans ce qui peut être les prémisses d’une recomposition de l’échiquier politique.

Il est vrai que tous ont été laminés et qu’aucun des douze postulants de l’opposition ne pourra même se faire rembourser ses 5 millions de caution, pour n’avoir pas atteint le seuil remboursable de 10% des suffrages exprimés (prescrit par l’article 127 du code électoral) dans cette entreprise à fonds perdus, mais, c’est bien connu, au pays des aveugles, les borgnes sont forcément rois.

Dans cette course à la présidentielle, où le suspense résidait vraiment dans les profondeurs du classement, la lutte pour occuper la... dernière place ayant été âprement disputée de bout en bout, le premier à se réjouir, si on ose dire, devrait être Me Bénéwendé Stanislas Sankara.

D’abord, le leader de l’UNIR/MS, quand bien même il arrive très très loin derrière celui qui a ramassé le jackpot électoral, dont il ne voit pas la poussière, est arrivé deuxième avec 103.216 voix, soit 4,94% des suffrages exprimés. Pour quelqu’un qui est arrivé sur le tard dans la politique active et dont le parti, l’Union pour la renaissance/Mouvement sankariste (UNIR/MS), a à peine 5 ans d’existence, c’est une performance remarquable et qui devrait lui valoir une place de choix dans le landernau politique.

En plus de cela, l’enfant de Toessin dans le Passoré ne doit pas être particulièrement mécontent de laisser à bonne distance l’attelage Front des forces sociales/Convergence de l’espoir, représenté par Norbert Tiendrébéogo, 7e au classement général et crédité de 33.455 voix (1,60%) soit à peu près le tiers du poids électoral de l’illustre avocat.

Dans cette terrible famille sankariste où chacun a la prétention d’être plus sankariste que Thomas Sankara, les deux personnalités, c’est un secret de polichinelle, ne s’apprécient guère, et dans ce combat de légitimité c’est, à l’évidence, Me Sankara qui l’a emporté par K.O. On ne parle même pas de Nayabtigoungou Congo Kaboré qui, lui au moins, mérite sa dernière place (13e/sur 13) et dont la participation confinait au folklore, avec des relents ethnocentristes.

Autre match dans le match, celui qui opposait Laurent Bado du Parti de la renaissance nationale (PAREN) à Emile Pargui Paré de l’Alliance socialiste (MPS/PF et PSU). Ça se passe le dimanche 30 octobre 2005 à la buvette de la Télévision nationale du Burkina, vers 17 heures, où les deux ex-compagnons de l’OBU, qui devaient enregistrer, l’un après l’autre, "Au cœur de la présidentielle" (1) se croisent sans se regarder.

Ils s’ignorent royalement, ils ne se saluent même plus. "Je ne savais pas que leur inimitié avait atteint un tel point", commente un témoin.

C’est en tout cas révélateur du climat qui règne entre les deux hommes. A l’origine de cela, deux faits plus ou moins liés : le choix du candidat de l’OBU au scrutin du 13 novembre, et les 30 millions que Blaise Compaoré a jetés en pâture à ce regroupement de partis.

Naturellement, les deux parties se rejettent mutuellement la responsabilité de la déchirure, mais en attendant, le truculent et fantasque enseignant de droit, 3e avec 54.550 voix (2,61%) contre 18.165 voix (0,87%), pour Emile Paré, 10e, montre que des deux, c’est lui qui était le plus représentatif, et donc digne de porter les couleurs de l’OBU. A l’évidence, le "Chat noir du Nayala" a perdu ses griffes et son agilité, et c’est le fils de Zoula qui doit boire son petit lait, ou, si vous préférez, son petit dolo.

Que dire alors de Soumane Touré et de Philippe Ouédraogo, les deux frères ennemis qui se disputent le récépissé, et donc la légalité du Parti africain de l’Indépendance (PAI) depuis de nombreuses années ? C’est le premier, on le sait, qui a eu droit à l’étiquette PAI sur le bulletin unique, le second ayant dû se présenter sous les couleurs du PDS/CDS. Mais à l’arrivée, c’est le natif de Korsimoro, 4e, avec 47.505 voix (2,27%), qui coiffe au poteau l’ancien syndicaliste, 8e avec 23.433 voix (1,04%).

Certes le différend n’a pas été définitivement tranché en justice même si Phil’O a marqué un bon point judiciaire quelques mois avant la présidentielle, mais de là à penser que la chose lui revient désormais de droit, il n’y a qu’un pas... encore qu’il ne faille pas confondre légitimité et légalité.

Quoi qu’il en soit, ces chiffres sont intéressants à plus d’un titre dans la mesure où ils montrent qui est qui, qui est capable de quoi et que, bien souvent, plus qu’une question de sigle (PAI) ou de mascotte (Thomas Sankara) un scrutin comme celui-là est avant tout une affaire de personnalité et de carrure.

Chapeau bas, soit dit en passant, à Gilbert Bouda, le fasocrate et petit poucet que tout le monde raillait au départ, mais qui aura, au bout du compte, fait mieux que d’autres.

Ousséni Ilboudo
L’Observateur

(1) Emission radiotélévisée de 45 minutes coachée par le Conseil supérieur de la communication (CSC) et au cours de laquelle trois équipes de deux journalistes chacune, du privé et du public, ont reçu tour à tour les différents candidats.

P.-S.

Voir notre dossier :
Présidentielle 2005

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