"Monsieur le président,

L’élection présidentielle du 13 novembre, vous le savez vous-même, a été
entachée de plusieurs irrégularités. La preuve vous en a été apportée par
l’un des candidats, en l’occurrence Nayabtigungu Congo Kaboré. Il a exhibé
à la télé trois cartes établies en son nom au secteur 28 de Ouagadougou.

C’est une chose que vous aviez niée avant ; et vous tentez de vous justifier en
disant que Nayabtigungou s’est inscrit sous trois identités différentes. Cette
explication ne tient pas la route. Je suis d’accord que votre logiciel ne puisse
pas déceler ces failles. Il n’est pas conçu pour cela.

Monsieur le président, si vous êtes loin de la réalité, je vais vous dire ce qui
se passe lors du recensement. Quand vous arrivez dans le bureau de
recensement, vous présentez votre pièce d’identité, l’agent recenseur la
prend, recopie votre nom ainsi que les références de la pièce et vous remet
votre pièce.
Alors, pour comprendre, M. le président, émettons trois hypothèses :

1 - Nayabtigungu détient trois pièces avec des identités différentes : par
exemple la CIB, le permis de conduire et le passeport.

2 - Vos agents ont laissé Nayabtigungu écrire ce qu’il voulait sur la liste.

3 - Vos agents se sont rendus complices en écrivant les noms dans l’ordre
voulu par Nayabtigungu.

La première hypothèse est facile à balayer car notre Administration n’est pas
négligeante au point de faire cela. Mieux, la CIB sert de base pour la
confection des autres pièces.

Si nous prenons la 2e hypothèse, alors vos
agents ont été négligeants au point d’entamer la crédibilité d’une institution
aussi noble que la votre ; ou alors, prenons la 3e hypothèse et on peut
conclure que vos agents se sont rendus complices de fraudes graves.
Alors, M. le président, au lieu de vous acharner sur le pauvre Nayabtigungu,
vous feriez mieux d’expliquer aux Burkinabè ce qui se passe dans votre
institution.
Moi qui vous parle, je n’ai pas voté dimanche. Inscrit au BV n°10 sis à la
maison des Jeunes de Zogona, où j’ai voté pendant les législatives de 2002.

Je me suis rendu sur les lieux pour voter, muni de mon passeport et de ma
carte d’électeur, car je venais de perdre ma CIB. Mais le président du BV n°10
m’a dit que je ne pouvais voter qu’avec le document qui a servi à mon
inscription. Pourtant, je connais des gens qui ont voté ou ont vu voter avec le
permis de conduire, le passeport ou l’acte de naissance, alors qu’ils s’étaient
inscrits avec la CIB. A quoi servira votre fichier électoral après l’établissement
de la nouvelle carte d’identité ? Allez-vous reprendre le recensement ?

Monsieur le président, et ce monsieur qui, devant le bureau de vote, le même
de la maison des jeunes, était à bord d’une Mercedès 200 blanche et
distribuait des cartes d’électeur avec des posters de Blaise Compaoré sur la
banquette arrière ?
Je vais vous dire une chose, monsieur le président, vous êtes l’otage du
CDP. Dans les bureaux de vote comme dans les bureaux de recensement, ce
sont les délégués CDP du quartier qui placent leurs militants. Il ne reste
maintenant qu’à leur donner des consignes ; pas les vôtres, mais les leurs.

M. le président, vous êtes l’émanation de la société civile, mieux, d’une
institution religieuse très respectée chez nous. Je sais qu’on y prône l’éthique,
le bons sens et la vertu. Je ne doute pas un instant que vous soyez venu avec
la même intention. Mais au regard de ce qui se passe, ayez le courage de
rendre le tablier et dites-leur : "Cela me dépasse".

Lacine BONKOUNGOU,
Professeur

Le Pays