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Présidentielle : Un manque de marketing politique

Publié le mercredi 16 novembre 2005 à 08h26min

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Le 12 novembre à 24 heures, c’en sera fini pour la campagne présidentielle. Dans les états-majors des partis en lice, l’heure est donc quasiment aux dernières retouches, aux ultimes consignes. Cette élection est porteuse d’enjeux majeurs car elle va sans doute entraîner des réformes institutionnelles et une certaine reconfiguration du microcosme politique national.

La fièvre électorale monte donc à travers le pays. Les différents candidats, programmes en main ou en tête, propagent leur " évangile ". Mais à l’analyse, cette conquête électorale se fait dans une méconnaissance quasi générale du marketing politique. Exceptés quelques candidats qui s’ y essaient, la majorité se complait dans les injures et autres dénigrements oubliant que le peuple a besoin d’ alternatives alternantes en béton.

L’infrastructure ne détermine-t-elle pas la superstructure ? Comble des combles, certains candidats sont même incapables de défendre la moindre idée de leur propre programme politique. De là à vouloir gérer les affaires de l’Etat, il y a véritablement des années lumières...

Depuis le 22 octobre, les 12 candidats caressent leur légitimité populaire. Ils sont sur le terrain. Au contact de leurs militants et sympathisants. Campagnes de proximité par- ci, assemblées générales par -là, grands meetings de l’autre côté, chacun y va de ses convictions et de ... ses moyens.

Le fait que la campagne se déroule jusqu’à présent sans incident majeur est en soi appréciable. Les différents protagonistes, on se rappelle, avaient signé un pacte de bonne conduite à l’ouverture des hostilités. Même si un bilan exhaustif semble pour l’instant prématuré, il apparaît tout de même que les uns et les autres s’y conforment globalement.

Sur le terrain, les discours, à quelques exceptions près, sont les mêmes. Tous les candidats ont pour ambition (du moins dans le principe), d’œuvrer à l’ancrage de la démocratie au Burkina Faso. En soi, cet engagement est à saluer, vu que la démocratie est à la fois fait et valeur. En tant que fait, elle implique une organisation politique et des institutions à travers lesquelles elle prend forme et révèle une pleine signification. En tant que valeur, la démocratie est une culture. Celle des valeurs humaines existentielles.

Sur le plan du déroulement pratique de la campagne, les forces en présence sont nettement disproportionnées. Tandis que Blaise Compaoré effectue une offensive de charme à travers les 45 provinces, les autres candidats, eux, se concentrent sur les principales villes, si ce n’est dans quelques-unes en plus de leur fief. Au niveau des gadgets et autres supports publicitaires, le président sortant bat encore le record. T-shirts, casquettes, pagnes, posters...inondent les contrées. Beaucoup y trouvent une aubaine pour en faire une véritable collection. Même si ces accessoires ne déterminent pas forcement le choix de l’électeur, il est indéniable qu’ils influencent fortement les esprits.

Aujourd’hui, la gravité et l’enjeu de la consultation du 13 novembre se posent. Les élections, faut-il le rappeler, sont un moment important de la vie d’une Nation. Cela même si une certaine conception et pratique de la politique fait que de plus en plus de citoyens sont réticents vis-à-vis des activités purement politiques. Un tel fait peut être imputable à plusieurs facteurs et plus encore à une non-maîtrise de la communication politique.

Les maladies de la classe politique

En effet, au Burkina Faso, la plupart des partis politiques se résument à la personne du président. Certains foisonnent au gré des circonstances sans projet de société quantifiable et mesurable. Sans idées, ni idéal, la politique perd de sa scientificité pour devenir le théâtre de la roublardise et des coups bas et autres attermoiements .

Les confrontations idéologiques, les slogans tonitruants, chocs et raffinés, bref le marketing politique est encore embryonnaire au Burkina. Et cette campagne le démontre aisément. Beaucoup de candidats font par exemple de la surenchère à travers la critique systématique. Conséquence : le disque est vite rayé et le message en ce moment devient massage. C’est comme si on versait de l’eau sur les plumes d’un canard. Il se secoue et continue sa route...

Même si on est encore loin des campagnes à l’américaine (sur le plan des débats d’idées), les candidats doivent davantage soigner leur image. Il s’agit de montrer sa différence par rapport à ses adversaires et de travailler surtout à l’appropriation de ses idées. On se rappelle encore ce slogan de Mitterrand : " La seule idée de la droite : garder le pouvoir. Mon premier projet : vous le rendre ". Ou alors : " Mitterrand, la force tranquille ". Ces messages ont une force de persuasion qui joue en même temps sur l’émotivité et la raison.

Plus près de chez nous, on se rappelle que Wade est arrivé au pouvoir grâce à un marketing politique basé essentiellement sur l’expression " sopi ", changement en wolof. Le " sopi " répondait parfaitement aux aspirations du peuple sénégalais qui rêvait d’une autre société après le long pouvoir d’Abdou Diouf. Wade a également été élu par une communication politique forte à l’endroit des médias privés. Ces derniers n’ont donc pas hésité à lui apporter leur soutien pour l’émergence d’une conscience citoyenne et l’avènement de l’alternance. Il est vrai que les contextes diffèrent. Mais au finish, tout n’est-il pas question d’apprentissage, de culture ?

En l’absence de leader charismatique au sein de l’opposition burkinabè, la conquête de l’électorat se fait essentiellement par l’image que chaque candidat projette et par le projet de société qu’il propose. Dans cette logique, et toutes proportions gardées, les opposants qui se sont le plus distingués sont Me Sankara, Laurent Bado, Norbert Tiendrébéogo, Emile Paré, Ali Lankoandé, Ram et Philippe Ouédraogo. Ces hommes politiques ne s’embarrassent pas pour fustiger le régime en place " démissionnaire sur toute la ligne " pour certains d’entre eux .

Avec les électeurs, les uns et les autres parlent d’une conquête " propre et morale " du pouvoir, d’un retour aux valeurs fondatrices pour faire du Burkina un pays émergeant, d’une reconstruction totale dans la non violence. Le tout pour dire qu’ " un autre Burkina est possible ", avec un " docteur à son chevet ".

Si la rhétorique est belle, on se pose tout de même une question sur l’originalité des projets proposés. Une fois de plus, l’opposition risque de se mordre les doigts pour n’avoir pas pu, ou voulu, faire chorus autour d’un candidat. Au constat, les idées et les propositions s’entrechoquent. Le comble, c’est qu’elles se retrouvent substantiellement dans le " progrès continu " de Blaise Compaoré.

En effet, l’opposition politique est une nécessité et non une contingence dans un Etat de droit moderne. Garde-fou politique, elle est utile aux gouvernants par ses critiques qui ne sont pas forcement désastreuses ou sataniques. De ce fait, l’opposition doit être une force alternative et une force de propositions concrètes et contradictoires hors des chicaneries politiques et des sentiers battus de l’invective. Faute de cela, on aboutit à des oppositions purement stériles comme on en voit un peu partout en Afrique.

Il est évident que le long règne de Blaise Compaoré n’est pas étranger à cette faiblesse structurelle de l’opposition. Ses 18 années de pouvoir ont créé des situations diverses qu’il n’est quelque fois pas aisé d’innover. Les besoins peuvent certes changer en fonction des époques, mais les priorités demeurent presque toujours les mêmes : ( l’éducation, la santé, la lutte contre la pauvreté, la bonne gouvernance...)

Malgré l’usure du temps, Blaise se déclare toujours disponible avec de l’énergie à revendre " pour la défense des intérêts du pays ". Ses nombreux soutiens (de la 1ère ou de la 25ème heure) s’apprêtent à savourer la victoire du 13. Mais, les luttes de positionnement, l’incertitude quant à l’avenir politique, en un mot, le partage des dividendes de la mobilisation autour de Blaise Compaoré créent la trouille chez beaucoup de ses partisans. L’un dans l’autre, il appartient à l’opposition de revoir la copie pour une stratégie appropriée de contre attaque.

Mais tout compte fait, le 13 novembre prochain, les Burkinabè se rendront aux urnes. Avant que le verdict ne tombe, la dernière grogne des syndicats témoigne au moins d’une chose. Le peuple a soif d’un changement réel et positif. Il ne veut pas de ceux qui promettent le paradis à tous vents tout en préparant l’enfer. Le nouveau président est donc averti...

L’Evénement

P.-S.

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