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Observateurs de l’OEDD : “Le scrutin s’est bien déroulé dans l’ensemble”

Publié le mardi 15 novembre 2005 à 09h17min

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Charles Zorbigbe

L’Observatoire européen pour la démocratie et le développement (OEDD) a dépêché une dizaine de membres pour suivre le déroulement du scrutin du 13 novembre 2005 au Burkina Faso. Après avoir sillonné différentes localités du pays, six (6) d’entre eux apprécient l’élection présidentielle. Ils soutiennent que « dans l’ensemble, les principes d’organisation ont été respectés ».

Olivier Echappé, avocat général à la Cour d’appel de Reims, conseiller d’Etat, professeur associé à l’Université de Lyon 3.

« Mon constat sur ce scrutin présidentiel est extrêmement positif. J’étais déjà là dans le cadre des législatives de 2002. J’observe des constantes et des améliorations dans le processus démocratique du Burkina Faso. J’ai parcouru l’axe Ouagadougou - Kaya - Dori. Ce qui m’a touché, c’est la maturité du peuple de ce pays à travers les files d’électeurs qui, tôt le matin, attendaient sous le soleil avec discipline et calme pour accomplir leur devoir de citoyens.

Dans les bureaux de vote, les représentants des bureaux de vote qui ne partageaient pas les mêmes opinions politiques, ont pu, ensemble, passer la journée pour accomplir cette grande œuvre démocratique. Cela confirme les impressions que j’ai eues en 2002. Il est évident que l’expérience des législatives a servi. Les listes électorales sont maintenant informatisées. Ce qui diminue le risque de contestation. C’est un progrès énorme.

Les présidents et les assesseurs de bureaux de vote connaissent de plus en plus leur tâche. Ils sont capables d’expliquer le mécanisme de vote aux électeurs. En un mot, la qualité de ce scrutin m’a frappé. Car le problème fondamental des élections en Afrique, réside dans la difficulté d’avoir des standards d’organisation d’un scrutin. Elle commence avec la constitution des listes électorales comme c’est le cas en RDC.

Cela retarde le processus électorale. Ce problème n’existe pas au Burkina Faso. Toute la population potentielle n’est certes pas inscrite mais le nombre d’inscrits a doublé en trois ans. L’informatisation des listes et le système de distribution des cartes ont montré leur performance.

Il y peut avoir des contestations à tel ou tel endroit mais je crois que des dispositions ont été prises dans l’ensemble pour une organisation de qualité. Ces moyens correspondent aux standards européens dans la préparation et la tenue d’un scrutin.

Jean Paul Joubert, directeur du département des sciences politiques de l’Université Jean Moulin de Lyon

Pour l’observation de ce scrutin, j’ai emprunté la route de l’Est en direction de Fada. Nous avons pu visiter 30 à 40 bureaux de vote. Le Burkina Faso vit un processus électoral classique et normal avec un petit peu d’émotion. Cela se passe aussi en France. Mais là-bas, les électeurs sont un peu désabusés. Alors qu’ici, on assiste à l’émergence d’une citoyenneté.

A dire vrai, je ne suis pas optimiste sur la situation de l’Afrique en général. Quand on prend le cas de la Côte d’Ivoire qui était présentée comme une vitrine à la fois de la démocratie et du développement, on a vu comment en quelques semaines, la situation se dégrader rapidement. Le Burkina Faso connaît certes un raffermissement de la démocratie mais celle - ci reste fragile au regard de l’environnement africain.

La démocratie est semblable à un bébé. Il faut s’en occuper toutes les semaines, tous les mois, tous les ans. Car si on n’y prête pas attention à chaque instant, on risque un accident. L’exemple du Burkina Faso pointe comme un lueur d’espoir en Afrique. Toutefois, il faut reconnaître que la démocratie n’est jamais gagnée. On le voit même en France. L’Afrique n’a pas trouvé une forme de stabilité propre à elle. Les Etats-nations africains ont souvent importé non pas la nationalité mais le nationalisme, pire, l’ethnicisme.

Le Burkina Faso a eu la chance d’avoir un consensus national. Lors de notre rencontre avec les représentants des candidats, nous n’avons pas senti d’animosité dans leur langage. Peut-être que cette unité tient de la profondeur historique qui donne cette stabilité au pays. Ce qui manque à d’autres Etats. Fondamentalement, il faut que l’Afrique fasse des sauts vers des fédérations régionales. Ce sera des pas décisifs. Les Africains ne trouveront pas la stabilité uniquement dans la solution nationale ».

Daniel Ducharme, ministre d’Etat belge, président fondateur du MR (Parti majoritaire) :

« Nous sommes partis en équipe en direction de Bobo-Dioulasso. J’ai eu l’opportunité de rencontrer les responsables de la CENI de cette localité. Ensuite, nous avons visité plus d’une trentaine de bureaux de vote dans la ville et sur l’axe Bobo - Ouaga. Mon constat tient en peu de mots : la maturité dans la préparation de l’élection, le sérieux dans l’approche de la CENI en matière d’organisation, la rigueur dans le travail des bureaux de vote. J’ai aussi relevé une participation démocratique dans le cadre du suffrage universel.
Des garanties ont été données à l’ensemble des inscrits pour valoir ce grand principe d’égalité constitutionnelle sur la base des valeurs de la démocratie libérale sans tenir compte de l’origine ethnique, du lieu de résidence, de la situation sociale. Ce qui rend possible dans le principe à un homme ou à une femme d’exprimer sa seule voix dans le secret de l’élection. C’est un pas positif pour le Burkina Faso et l’Afrique toute entière en matière de démocratie. Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, il y a toujours des intervenants pour protester dans le cadre de l’existence d’un régime politique et de l’organisation des élections libres. S’il n’y a aucune contestation de tous ordres, il faut parfois s’interroger. La contestation est un élément de bonne santé démocratique. Les observateurs retiennent des scrutins au Burkina Faso qu’il y a beaucoup de maturité dans la préparation. Cela part même de la parité (5 - 5 - 5) dans la composition de la CENI ».

Anne Monseu, avocate au barreau de Bruxelles et à la Cour de Paris, administrateur d’Avocats sans frontières (Belgique)

« Après avoir visité les bureaux de vote à Bobo-Dioulasso et sur le long de la nationale 1, je retiens que tout s’est déroulé normalement. Les présidents et les assesseurs des bureaux sont conscients de leur responsabilité. Seulement, des candidats n’avaient pas leur représentant dans tous les bureaux. J’ai noté une forte participation des électeurs surtout aux environs de midi.
Le fait d’avoir un bulletin unique avec les photos en couleur des candidats a favorisé le vote des analphabètes.

Cela traduit une volonté de permettre à tout citoyen d’accomplir son devoir de citoyen. Contrairement à de nombreux pays africains, le scrutin au Burkina Faso a été ouvert à de nombreux candidats. C’est aussi une expression démocratique. Aucune démocratie n’est parfaite.

Les contentieux électoraux existent partout dans le monde. La démocratie totale n’existe nulle part. En Europe ou aux Etats- Unis, on conteste les résultats électoraux. L’essentiel, c’est de disposer de procédures judiciaires honnêtes. Or ici on peut saisir le Conseil constitutionnel pour que le droit soit dit et que la justice soit rendue. »

Charles Zorbigbe, ancien recteur, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne

« J’ai visité 23 bureaux de vote à Koudougou et à Léo dans le Centre-Ouest. On m’a prévenu que c’est une région où l’opposition a un poids. J’ai jugé intéressant d’y aller. J’ai pu mesurer le professionnalisme des agents commis aux bureaux de vote. Car à notre arrivée, après les échanges avec les membres de la CENI, il m’a semblé que les règles de l’Etat de droit sont au moins respectées sur papier. L’on sentait également une bonne volonté de toutes les parties : parti majoritaire, opposition, société civile à réussir le scrutin présidentiel. Cela a bien abouti sur le terrain : grande discipline, grande maturité de la part des organisateurs et des électeurs.

Les bureaux que j’ai visités avaient un nombre d’inscrits très différent d’un bureau de vote à l’autre. Cela variait de 700 à 300 inscrits. Aux heures d’affluence, il fallait de la patience. Globalement, je trouve que les principes de l’établissement d’un Etat de droit ont été appliqués grâce à la maturité démocratique du peuple burkinabè. La seule vraie critique que j’ai entendue porte sur les imperfections du fichier électoral. Mais celle-ci se situe en amont car nous n’avons pas assisté l’établissement des listes.

Malgré cela, aucun cas de vote multiple n’a été relevé. Les critiques que l’on peut formuler ici sont aussi celles d’un scrutin français ou de n’importe quel pays européen. L’influence de fait de certains candidats peut conduire au clientélisme. Mais un peuple idéal ne se laissera pas faire. C’est le rôle aussi de la démocratie intégrale. Car les crises naissent du manque de transparence, de la manipulation des résultats ».

Ali Smaoui, professeur de droit, Tunisie

« Dans l’ensemble, l’élection s’est bien déroulée, surtout dans la région de l’Est où j’ai effectué ma mission d’observation. J’ai été en ville et à la campagne. Il ressort de ce périple que les électeurs ont voté dans la sérénité, dans le calme, dans la discipline. J’ai lu une fierté sur le visage des gens qui venaient accomplir leur devoir. Cela relève d’un patriotisme au sens noble du mot.

Ce qui me réjouit en tant qu’Africain. Le Burkina Faso réalise des pas de géant dans son processus démocratique. Le pluralisme politique dans ce pays est réel. Il pourra servir d’exemple à bien d’autres pays africains et arabes. Dans les localités où je suis passé j’ai cherché à déceler le moindre problème mais je n’en ai pas trouvé. Les agents des bureaux de vote n’ont rien signalé.

Seuls deux bureaux ont ouvert 30 mn après l’heure officielle par manque de clefs. A part cela, aucun problème majeur n’a été relevé. Les règles de scrutin ont été respectées. Les processus démocratiques en Afrique ont besoin d’une éducation des masses dans le sens d’un Etat, des droits humains dès le bas âge. Il faut apprendre le respect de l’autre et son acceptation dans la différence. Le Burkina Faso est un très bon exemple car la présence d’une soixantaine d’ethnies n’empêche pas la cohésion et l’unité du pays.

Des chrétiens, des musulmans et animistes vivent dans une même famille en parfaite harmonie. Contrairement à d’autres pays, le groupe ethnique et l’appartenance religieuse ne constituent pas ici un frein à l’expression de la démocratie. Je citerai cela dans tous les colloques car c’est un exemple presqu’unique sur le continent africain ».

Joliovet Emmaüs (joliv-et@yahoo.fr)

Sidwaya

P.-S.

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Présidentielle 2005

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