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Mgr Séraphin Rouamba : "Pour qui se prend le Père Balemans" ?

Publié le lundi 14 novembre 2005 à 08h08min

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Dans la lettre ouverte ci-dessous adressée au Révérend Père Balemans, Mgr Séraphin François Rouamba, archevêque de Koupèla, se permet de rappeler au Père Balemans qu’il ne doit pas oublier "de temps à autre de parler encore aux Burkinabè de Jésus-Christ".

"Mon Révérend Père,

Je viens accuser réception de votre ’tract’ intitulé « Lectori Salus » que vous diffusez actuellement dans toutes les paroisses et structures de l’Eglise-famille du Burkina. J’en ai même vu des traces dans une livraison de L’Observateur paalga ces jours-ci.

Je souhaite que ceux à qui vous envoyez votre lettre pastorale puissent lire aussi celle que les évêques du Burkina leur ont adressée à l’occasion des prochaines échéances électorales qui sont très importantes pour notre pays et sa jeune démocratie.

C’est sans doute pourquoi vous avez voulu, vous aussi, faire entendre votre voix. Au moins on saura que les opinions peuvent être plurielles dans l’Eglise et qu’un prêtre ne se sent pas forcément interpellé par la voix, même unanime d’un épiscopat.

Au moins le constat est clair. Le Père Balemans a fini d’annoncer Jésus-Christ. Il préfère descendre maintenant dans l’arène politique pour un combat singulier avec un des candidats, nommément cité et fortement pris à partie. Et ce, au nom de l’appauvrissement croissant du pays « qui est descendu dans l’enfer de misère ».

L’unique remède pour vous : voter nul : « Deux bulletins différents dans votre enveloppe de vote... » et plus loin : « Votez massivement nul et nos enfants auront une meilleure vie ».

En plus du système de vote à bulletin unique que le citoyen Balemans semble ignorer, et du simplisme effarant de la réflexion, je me suis posé quelques questions : Que veut exactement le Père Balemans ? Qu’espère-t-il ? Pour qui se prend-il ? Un simple militant d’un parti politique ? Fait-il encore partie d’un corps ecclésial et lequel ? Quelle discipline peut-on encore espérer d’un prêtre aujourd’hui ? Quel devoir de réserve un "pasteur d’âmes" peut-il et doit-il encore observer par considération et respect pour les fidèles qui, légitimement, peuvent penser autrement que lui, surtout dans un domaine aussi contingent et fluctuant que la politique ? Surtout quelle considération pour la Parole qu’il se doit de proclamer à tous et de faire aimer et respecter au-delà de tout engagement politique ? Il est vrai que le Père Balemans n’en est plus là...

"Certains se prennent pour des rédempteurs"

Et les fidèles laïcs que le Père a évangélisés et formés depuis le temps qu’il était simple prêtre de la base -avant de devenir le missionnaire libre, indépendant et clairvoyant qu’il est aujourd’hui- se montrent-ils incapables et le déçoivent-ils dans leur engagement social et politique au point qu’il croit plus efficace de gagner lui-même pour eux le combat du développement et de la bonne gouvernance ? Mais comment ? Bien sûr, en votant nul. Mais cela suffit ?

Il y a une manière de faire croire aux gouvernants que tout dépend d’eux : notre bonheur, notre avenir, notre vertu. Ils peuvent tout, tous seuls et nous suivons. Et certains en viennent à se prendre pour des Rédempteurs et autres. Chose totalement ridicule.

Cela veut dire aussi que les maux qui minent la société n’ont pas forcément une unique source. Je sais d’ailleurs que vous connaissez les résistances et les lenteurs inhérentes à toute oeuvre de développement. Vous avez vous-même créé et "dirigé", je crois, une O.N.G. vers Kaya. Merci de ce que vous avez pu faire pour les populations que vous avez ainsi tirées de la misère ; cela pourra faire tache d’huile.

Mais je préfère m’arrêter là pour ne pas déborder le but de mon propos, ne voulant pas débattre ici du fond de vos prises de position.

Ceux qui veulent connaître la pensée des évêques de l’Eglise du Burkina en la matière peuvent se référer à la Lettre pastorale qu’ils ont écrite. Je me sens en accord avec eux. C’est surtout votre manière fougueuse et désordonnée de prendre position sur tout depuis quelques années, et apparemment sans réfléchir, et aussi le principe du tract récemment utilisé qui m’ont intrigué.

Excusez-moi si un mot ou une expression a pu vous choquer ; ça m’étonnerait d’ailleurs, vu votre méthode. Sachez en tout cas que je vous ai lu. C’est ce que vous vouliez. Et je suis même heureux que vous puissiez vous exprimer de la sorte, librement, bien que sans retenue, il est vrai. C’est signe que notre laborieuse marche vers la démocratie gagne du terrain.

Cependant, ce serait une bonne chose que vous vous positionniez clairement et sans ambiguïté pour que votre titre ou votre état ne trompe pas sur le mélange des genres que vous pratiquez.

Mon Père, dans votre combat tous azimuts pour le bonheur matériel des Burkinabè, n’oubliez pas de temps à autre de leur parler encore de Jésus-Christ. Ça pourrait toujours leur faire du bien. Et... croyez un peu plus aux laïcs et en leurs capacités. Ils pourraient vous surprendre.

Monseigneur Séraphin François Rouamba

Archevêque de Koupèla

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Vos commentaires

  • Le 22 novembre 2005 à 19:51, par surcula En réponse à : > Mgr Séraphin Rouamba : "Pour qui se prend le Père Balemans" ?

    Bien dit Mgr, vous exprimez par là la fuite en avant dont le clergé fait montre au Burkina. J’ai été formé par l’Eglise depuis ma tendre enfance et suis même passé par un petit seminaire dont vous avez la charge aujourd’hui. Vous reconnaîtrez avec moi que l’Eglise aconise aujourd’hui en partie du fait de l’action de ses pasteurs. Vous n’avez pas toujours su déjouer les pièges des hommes politiques et vous vous réfugez toujours sur votre devoir de réserve.

    St Paul enseigne que le chrétien doit s’intéresser à la politique et avoir du respect pour l’autorité. Mais encore faut-il reconnaître l’autorité bénie de Dieu et celle vomie de Dieu.

    L’Eglise a plusieurs fois refusé de prendre ses responsabilités et il faut reconnaître à juste titre l’engagement des pères blancs qui s’accomodent mieux à vivre la réalité de leurs paroisiens que nos prêtres diocésiens qui vivent dans un luxe insultant souvent.

    Le Père Balemans pleure pour le pays réel. Il est plus burkinabé que tous ces étrangers qui sont venus supporter le candidat Blaise Compaoré sans que personne ne crie à l’ingérance.

    De grâce éduquer vos fidèles, inculquez leur les vertus de la démocratie afin d’éclairer et non de diriger leur choix. Prenez vos responsabilités quand il le faut.

    Mgr, cette élection présidentielle est-elle bénie de Dieu ?

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