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Libéria : Mister George, restez fair-play !

Publié le lundi 14 novembre 2005 à 08h19min

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Alors que sur les bords de la lagune Ebrié l’organisation d’une élection présidentielle équitable et transparente est rejetée aux calendes grecques, au Liberia voisin, des jours nouveaux s’annoncent.

Le second tour du scrutin présidentiel tenu le 08 novembre dernier a donné son verdict : Mme Ellen Johnson-Sirleaf, qui a obtenu quelque 60% des voix contre 40% pour l’ancien ballon d’or africain, George Weah, présidera désormais aux destinées de ce premier pays indépendant d’Afrique, pendant des années à l’épreuve de la guerre civile.

Résultat provisoire, doit-on le souligner, puisque son challenger, comme sur un terrain de football, a posé une réserve pour fraudes présumées, et sur laquelle la Commission électorale nationale, pour ne pas dire la commission arbitrale, devrait définitivement se prononcer ce mercredi. Si, malgré les protestations et la furie des supporters de Mister Georges, elle confirmait les premiers résultats, Ellen Johnson-Sirleaf deviendrait la toute première femme présidente élue d’un Etat africain.

Avant elle, bien sûr, madame Ruth Sando Perry avait goûté aux délices de la magistrature suprême en 1996, mais à titre intérimaire, avec pour mission de préparer la présidentielle de 1997, qui vit la victoire calamiteuse de Charles G. Taylor. Bien de défis attendent madame la présidente, mais à la lecture de son parcours parsemé autant d’embûches que d’éloges, l’on a bon espoir qu’elle fera rayonner l’image de la femme africaine, et oublier à jamais la mésaventure politique des Rosine Soglo, Simone Gbagbo, et nous en oublions. Celle que ses compatriotes appellent à juste titre "The iron Lady", c’est-à-dire la Dame de fer, est l’une des rares rescapés du régime du président William Tolbert, décimé par le sergent Samuel K. Doe en 1980. Mais, pour sa fronde, elle fera à deux reprises la prison sous le régime du sergent devenu général au soir de sa vie.

Ministre des Finances du pouvoir déchu, elle dût porter sa croix, accumulant de Monrovia à New York, en passant par Washington et Abidjan, les arguments nécessaires à l’aboutissement de ses ambitions. Economiste sortie de Harvard, elle a laissé ses empreintes à la Citibank, à la Banque mondiale avant d’atterrir au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1991 pour gérer le département Afrique, succédant ainsi à un certain Pierre Claver Damiba, parti, lui, à la conquête de la présidence du Faso. Après une mission bien remplie dans ce compartiment de l’immeuble de verre, elle ne sera pas sourde aux cris de détresse de ses frères libériens tourmentés par la guerre civile. Aussi se présentera-t-elle les mains nues à la présidentielle de 1997, contre le chef de guerre Charles G. Taylor.

Cet échec, loin de l’inciter à revoir ses ambitions à la baisse, sema en elle les grains de la persévérance et de l’espérance. Aussi dût-elle se mettre aux côtés de l’opposition libérienne pour préparer le déboulonnement du système Taylor dont le peuple libérien vivait le martyr. Le rouquin de Monrovia mis en cage dans l’Etat de Kalabar au Nigeria en 2003, le boulevard vers le State House était donc ouvert à Mamie Ellen. Sa tentative de 2005 a donc été alors des plus concluantes et ses premières pensées vont à ses sœurs africaines : "Les femmes du continent tout entier sont prêtes à se réjouir de cette victoire. C’est une grande porte ouverte pour les femmes de notre continent et je suis très heureuse d’être celle qui va ouvrir la porte".

Cette confession faite, Ellen Johnson-Sirleaf, si elle était sacrée, devrait hâter le pas pour rattraper le retard accusé par le Liberia sur les chemins de la paix, de la réconciliation et... du développement. Certes, le sous-sol libérien, à l’instar de ceux de la Guinée et de la République démocratique du Congo (RDC), est un scandale géologique où foisonnent or, diamant, bauxite, baryte, mais encore faut-il résister aux prédateurs orientaux et occidentaux qui ont déjà investi les plantations d’hévéa, de cacao, de café et de teck ! La bonne gouvernance ne lui est pas étrangère et, femme, elle devrait faire preuve de la rigueur dans la gestion financière reconnue à l’autre moitié du ciel. Pour stabiliser son régime et reconstruire sa mère patrie, elle pourrait bénéficier des conseils de son homologue et ancien collègue du PNUD, Ahmed Tejan Kabbah de la Sierra-Leone, qui a, lui aussi, hérité d’une guerre civile atroce.

A 67 ans, Ellen Johnson-Sirleaf a certainement l’âme, le cœur et l’amour d’une grand-mère pour ses fils et petits-fils, pour se dévouer à la noble cause qu’elle défend depuis la nuit des temps. Osons espérer que la paix revenue au Liberia sera contagieuse pour toute la sous-région ouest-africaine et que bien de mères et sœurs sauront s’engouffrer dans la voie ouverte par Mamie Ellen, qui tend déjà la main aux anciennes factions rebelles et aux enfants soldats des rues de Monrovia.

Et pour leur dire qu’elle a l’onction de l’Organisation des Nations unies (ONU), le Conseil de sécurité a autorisé dès vendredi les casques bleus déployés au Liberia à appréhender le fauteur de troubles et de guerres, Charles G. Taylor, s’il rentre dans son pays. Question certainement de calmer l’intransigeance des uns et la témérité des autres, pour permettre au Liberia de renaître de ses cendres. Un message qui devrait sonner fort aux oreilles de Georges Weah qui n’a aucun intérêt à jouer le mauvais perdant, mais plutôt à conserver l’estime, le respect et les éloges dont il a été l’objet de par le passé dans les stades d’ici et d’ailleurs.

Bernard Zangré

Observateur Paalga

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