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Rouen (France)-Guibaré : 20 ans de jumelage-coopération

Publié le lundi 7 novembre 2005 à 08h35min

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Le jumelage coopération entre le département de Guibaré (Province du Bam) et le Plateau Est de Rouen (France) a vingt ans cette année.

Débuté en 1985 entre l’Association française-Europe Inter Echanges (EIE) et l’Association burkinabè pour le développement de la région de Guibaré (ADRG), ce jumelage est véritablement un instrument au service de l’amitié franco-burkinabè et de la coopération décentralisée entre des entités du Nord et du Sud.

Guibaré est une localité située à une soixantaine de km de Ouagadougou sur l’axe Ouagadougou-Kongoussi. Il est presque midi lorsque notre équipe de reportage arrive sur les lieux ce vendredi 22 octobre 2005. Des membres de EIE séjournent depuis quelques temps déjà sur le terrain. Nous tombons sur une concertation entre eux et les délégués des villages du département en charge du jumelage. Assistés par l’agent d’agriculture, Français et Burkinabè échangent sur la crise alimentaire qui a secoué le Burkina cette année et sur les voies et moyens à prévenir à pareilles situations à l’avenir, sinon mieux faire face aux conséquences.

Les échanges sont francs et directs. Le bilan de cette campagne est rapidement fait et des solutions préconisées pour une meilleure gestion des éventuels moments de crise alimentaire. « Nous avons dû intervenir en urgence pour aider nos amis burkinabè avec 110 sacs de sorgho de 100 kg et 50 sacs de riz de 50 kg. On nous a dit que les vivres sont arrivés à bon escient mais pour mieux gérer de pareilles situations liées aux aléas climatiques, nous avons convenu de construire des banques de céréales et de réhabiliter celles existantes », nous apprend Marcel Faucault pour qui, Guibaré n’a plus de secret. Il y vient régulièrement depuis une dizaine d’années. Il insiste sur le fait qu’EIE ne décide pas mais accompagne ses partenaires burkinabè dans leurs projets en vue de l’amélioration de leurs conditions de vie. Il en est ainsi dans cette relation qui comporte beaucoup d’acquis.D’importants acquis.

« Ce jumelage nous vaut une grande satisfaction. Il a permis la réalisation d’importantes réalisations dans les 13 villages du département de Guibaré », rapporte Boukaré Soré du village de Vousnango. Il cite pêle-mêle, la construction d’écoles, de latrines, de forages et surtout le parrainage d’enfants scolarisés. « Nous ne pouvons que saluer cette coopération qui a amélioré nos conditions de vie. Nous souhaitons que cette relation se consolide toujours car il reste encore des projets à concrétiser. L’école de mon village a besoin d’un puits et nous avons besoin d’eau pour produire en saison sèche... », indique M. Soré. Saïdou Sawadogo du village de Gogoré partage cet avis et se réjouit de la construction d’une école dans son village.

« L’Etat avait jugé le nombre d’enfants insuffisants pour ouvrir une école. Nos enfants étaient donc obligés de parcourir une longue distance pour aller à l’école dans le village voisin. Ce qui faisait que nombre d’entre eux abandonnaient. Avec l’aide de EIE, ils ont l’école à leurs portes... », ajoute avec joie M. Sawadogo. Outre la construction de cette école, EIE prend en charge la rémunération de l’enseignant en attendant que l’école soit un jour normalisée. Mme Minata Sawadogo est quant à elle touchée par la dimension humaine du jumelage. « Grâce au jumelage, dit-elle, nous avons pu visiter la France, nous qui ne savons ni lire, ni écrire. Nous avons appris au contact de nos amis.

Ce qui nous a permis d’avoir une plus grande ouverture d’esprit ». Une ouverture d’esprit qui permet aux Burkinabè et aux Français de s’enrichir mutuellement de leurs différences et de leurs valeurs. Du coup, le jumelage devient un adjuvant pour le rapprochement des deux peuples. Et même lorsqu’intervient un projet, la partie Nord apporte les moyens financiers mobilisés auprès du Conseil général de la Seine maritime, des communes, d’entreprises privées, de particuliers et au cours de leurs manifestations diverses (week-end de l’eau, semaine de l’arbre, vente d’œuvres artisanales, soirée africaine...).

La partie burkinabè se charge de la réalisation en étroite collaboration avec les services techniques de l’Etat et l’agent recruté par EIE pour coordonner ses interventions au Burkina. Cette approche vaut surtout pour les projets dans les domaines de l’éducation, la santé, la vie rurale et l’hydraulique. En effet, pour les projets à valeurs économiques, EIE demande un apport modeste de l’initiateur de l’activité avant financement. Elle privilégie ici aussi le système de prêt, sauf que celui-ci est sans intérêt. Ce qui permet de financer un plus grand nombre d’activités génératrices de revenus. A ce niveau, de petits soucis existent. « Il n’ y a pas de problèmes avec les particuliers. Ils honorent convenablement leurs engagements.

Ce qui n’est pas le cas avec les groupements. Des défections de membres entre l’octroi du crédit et la fin du remboursement compliquent bien souvent les choses. Mais dans l’ensemble, tout se passe bien », explique Gabriel R. Ouédraogo, l’animateur permanent de EIE à Guibaré. Samuel Kinda est un individuel soutenu par le jumelage. Il a pu aussi se former en soudure à Ouahigouya et s’installer à son compte à Guibaré. Aujourd’hui, il gagne bien sa vie et forme présentement dans son atelier 6 apprentis. « Le jumelage m’a permis d’éviter l’exode et de rester au village travailler pour gagner ma vie, aider ma famille et les jeunes qui sont parfois tentés par l’aventure », soutient Samuel Kinda. Ses collègues tailleurs, menuisiers, tréfileurs, fabricants de matériel agricole, photographes, transporteurs...qui ont bénéficié de l’appui du jumelage disent également trouver leur compte dans leurs activités. Mieux, ceux-ci ont suscité ou créé d’autres opportunités d’affaires pour d’autres habitants de la région.

Annick Bettoni qui vient pour la seconde fois à Guibaré pense que le jumelage a réalisé d’importantes choses pour les populations mais des préoccupations demeurent. « J’ai constaté avec la rentrée que les populations éprouvaient de réelles difficultés pour scolariser leurs enfants. Nous ne pouvons pas imaginer cela en France.

Je suis frappée par ce dénuement...Je souhaite mieux comprendre les populations pour mieux les aider », avance Mme Bettoni. « Il y a certes le dénuement mais surtout la chaleur humaine, l’accueil exceptionnel que je vis à chaque fois que je viens. Les rapports humains occupent une place importante dans ce jumelage », renchérit Marcel Foucault.

Il évoque également le dynamisme du comité local de jumelage de Guibaré et de l’ADRG. « Ce dynamisme, affirme-t-il, donne toujours envie de venir, de parrainer des enfants, de faire toujours plus ». Bernard Bettoni qui a conduit la délégation souligne aussi cette particularité du jumelage Plateau-Est de Rouen-Guibaré qui est pourtant vieux de 20 ans. « Je venais en Afrique par plaisir depuis l’âge de 19 ans. J’ai rejoint EIE par amour en 2001 pour me mettre au service des amis. J’en suis à mon 6e voyage au Burkina dont 4 en un an. Je fais le maximum pour mes amis burkinabè pour qui j’ai une grande affection », précise M. Bettoni.

Les relations EIE-Guibaré sont donc promises à un bel avenir et pourraient même prendre plus de dimension. L’Association française Tikaré EV qui est jumelée avec le département de Tikaré a ainsi donné à EIE un camion pour Guibaré. Ce véhicule de 10 T qui est arrivé en pleine crise alimentaire a permis aux populations d’aller chercher les céréales où elles se trouvaient à bon prix. Ce camion leur permettra également de désenclaver encore plus leur localité. Outre cette perspective, l’Association EIE qui a vu le jour en 1979 entretient des jumelages avec les habitants de Krei d’Uelzen (Allemagne) de la Bradgate Tuinning Association (Grande Bretagne) et Gostyn et Lubon (Pologne).

Cela ne peut qu’être source d’enrichissement de la relation avec Guibaré. Une relation qui a été honorée par les autorités burkinabè qui ont décerné, au début de cette année, à EIE, les insignes de chevalier dans l’Ordre du mérite burkinabè. Pour Marcel Foucault, « c’est la marque de la reconnaissance du travail fait surtout par nos amis burkinabè. Nous apportons modestement des moyens. Ce sont nos amis burkinabè qui font tout ». Puisse-t-il en être toujours ainsi !

Victorien A. Sawadogo (visaw@yahoo.fr)
Sidwaya

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