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Droits de l’homme : Le continent peut mieux faire...

Publié le lundi 7 novembre 2005 à 08h35min

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Si depuis l’ouverture démocratique du début des années 90, le continent a connu des alternances, voire des bouleversements politiques favorables à un meilleur respect des droits humains (notamment en Afrique du Sud, au Bénin, au Cap-Vert, au Ghana, au Kenya, au Mali, au Mozambique, en Namibie, au Sénégal...), dans de nombreux pays africains, les droits de l’homme ne sont toujours pas respectés.

La situation est bien sûr particulièrement alarmante dans les zones de conflit armé. Les années 90 ont connu une explosion de violence au Liberia et en Sierra Leone, tandis que le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, a constitué un phénomène alors sans précédent d’extermination systématique de populations civiles. L’Est de la République démocratique du Congo (RDC), le Nord de l’Ouganda, la Côte d’Ivoire depuis 2003, le Burundi, la province soudanaise du Darfour font partie des régions où les forces gouvernementales tout comme les groupes armées d’opposition se sont rendus coupables de graves atteintes aux droits humains dans la période récente.

Assassinats, exécutions sommaires, viols, enrôlements forcés d’enfants figurent parmi les violations relevées. A chaque fois, ces violences entraînent un nombre important de réfugiés et de déplacés, obligés de vivre dans des conditions difficiles.

Dans les Etats pourtant en situation de paix, le respect des libertés, souvent aléatoire, est parfois en régression.

Régression... constitutionnelle

Dans son rapport 2004, la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) s’inquiétait ainsi de la recrudescence de législations qui restreignent les libertés des associations de la société civile, comme c’est le cas en Ethiopie, en Ouganda, au Rwanda, en Tanzanie, en Zambie.

Ailleurs, l’outil législatif est de plus en plus utilisé pour, au contraire, développer des lois d’amnistie qui exemptent de jugement les auteurs de crimes. Au Sénégal, une loi d’amnistie, adoptée en janvier 2005, garantit ainsi l’impunité aux commanditaires de l’assassinat en 1993, du vice-président du Conseil constitutionnel, maître Boubacar Seye. Autre tendance préoccupante : la multiplication des coups d’Etat dits « constitutionnels » utilisés pour exclure des opposants du processus démocratique, pour préparer l’accession ou la conservation du pouvoir.

Exemples parmi d’autres : la tentative de révision constitutionnelle, en février 2005, pour permettre à Faure Gnassingbé de succéder à son père à la Présidence du Togo, ou la suppression, en juin 2005, de la limite du nombre de mandats présidentiels pour donner la possibilité au Président tchadien Idriss Déby de se faire élire une troisième fois à la tête du Tchad en 2006.

Dans d’autres pays, les autorités utilisent des moyens détournés pour réduire la parole des contestataires : certains gouvernements poussent par exemple à la création d’ONG de défense des droits de l’homme pro-gouvernementales pour contrer celles déjà existantes. En Ethiopie, les autorités ont, elles, investi l’Association des journalistes pour la liberté en plaçant, en 2004, certains de leurs partisans au conseil d’administration.

La presse travaille difficilement dans de nombreux pays : en 2004, la Gambie et le Zimbabwe ont adopté des lois restrictives, tandis que le directeur d’un journal indépendant a été assassiné en Gambie et qu’au Tchad, le directeur d’une radio privée a été arrêté et torturé en détention, avant une nouvelle vague répressive visant notamment le journal L’Observateur.

La liberté syndicale s’avère, elle, restreinte au Burundi, à Djibouti, au Nigeria comme au Zimbabwe où les syndicats sont soumis à de fortes pressions et leurs mouvements parfois violemment réprimés. Au Cameroun, en Ethiopie, en RDC, en Tunisie, au Zimbabwe, ce sont les défenseurs des droits de l’Homme qui sont victimes de pressions (harcèlements, arrestations arbitraires, campagnes de diffamation).

Droits économiques, sociaux et culturels : de graves carences et quelques progrès

Plus largement, les droits économiques, sociaux et culturels sont très rarement respectés sur le continent. La répartition inégale des richesses, la pauvreté ne permettent pas à la majorité de la population d’avoir un accès suffisant à la santé ou à l’éducation.

Alors que l’Afrique a le taux le plus élevé au monde de séropositifs ou de malades du Sida, beaucoup d’Etats ont ainsi failli à leurs responsabilités en ne fournissant pas à leurs citoyens, médicaments et traitements anti-rétroviraux. L’accès à la justice est également difficile. L’organisation Amnesty international note par exemple que dans plusieurs pays, les détenus, dont les conditions de détention sont en général déplorables, se voient refuser le droit à un procès équitable, tandis que le recours à la torture contre les suspects est courant.

Quelques progrès sont cependant enregistrés : de nombreux pays ont aboli la peine de mort dans les textes ou en pratique, plusieurs ont criminalisé l’excision. Dans certains Etats, les droits des femmes commencent à être reconnus : au Maroc, le Code de la famille, adopté en 2003, donne par exemple plus de droits aux femmes en leur permettant notamment d’épouser l’homme de leur choix sans avoir besoin du consentement d’un tuteur.

Surtout, la société civile apparaît depuis une dizaine d’années « mieux structurée, mieux outillée, plus technique », pouvait noter la FIDH, pour qui « elle a aujourd’hui les moyens de son combat ».

La panoplie de ses actions dépassent ainsi le champ contestataire : elle a maintenant les capacités de déférer les cas de violation des droits de l’homme jusque devant des instances judiciaires nationales ou internationales. En Afrique du Sud, les ONG ont ainsi saisi la justice, en 2001, pour contraindre l’Etat à généraliser le traitement antirétroviral qui réduit la transmission, de la mère à l’enfant. du VIH.

A l’échelle du continent, alors que la défunte Organisation de l’unité africaine s’était illustrée par sa passivité en matière de condamnation des violations des droits de l’homme, le rôle de l’Union africaine (UA) prend un peu d’ampleur : conjuguée à celle des Etats-Unis d’Amérique, sa condamnation du coup d’Etat constitutionnel qui a eu lieu au Togo, en février 2005, a contraint le pouvoir togolais à revenir en arrière.

La FIDH se réjouit également de la place accordée à la société civile au sein des programmes et des mécanismes de l’UA : le Conseil de paix et de sécurité, lancé fin 2003, donne ainsi la possibilité d’intervenir à la société civile, tandis que le « Mécanisme africain d’évaluation par les pairs », mis en place en 2004 dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), donne la parole aux défenseurs des droits de l’Homme.

Fanny PIGEAUD
(MFI)

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Vos commentaires

  • Le 7 novembre 2005 à 19:25, par Magid En réponse à : > Droits de l’homme : Le continent peut mieux faire...

    Les droits de l’homme commencent déjà par avoir le droit de disposer de son corps. Certes dans ce texte, il est bien mentionné la lutte contre l’excision. Mais rien à propos de l’autre mutilation sur les garçons qu’est la circoncision. Elle est vraiment trop banalisée dans notre continent. Une fois de plus, je me demande si ce site n’est pas sexiste... Pourquoi ne pas permettre à chacun d’avoir un sexe entier s’il le désire ? Pourquoi ne pas entamer un débat sur la cironcision forcée des enfants sans leur consentement ? Ce site se veut sérieux, donc, il ne peut qu’aborder ce thème trés important et faire réflèchir chacun sur les concéquences d’un telle barabarie faite à autrui.
    Merci

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