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Afrique : Mérites des pères fondateurs et incurie des héritiers

Publié le vendredi 4 novembre 2005 à 08h03min

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Alpha Omar Konaré

Il en est ainsi de certains hommes d’Etat africains qui eurent à diriger leur
pays. Qu’ils aient eu à quitter le pouvoir de gré ou de force, leurs successeurs
se sont révélés de piètres dirigeants. Les exemples sont tellement nombreux
qu’on pourrait n’en retenir que les plus criards.

On peut accuser l’empereur
Haïlé Selassié d’avoir été un despote ou un monarque peu éclairé. Mais qu’a
- t-il fait de pire face à un Mengistu Haïlé Mariam ?

L’ex-empereur a eu le
mérite d’avoir repoussé l’armée mussolinienne et d’avoir libéré son pays
redevenu indépendant depuis 1944. Beaucoup de pays africains se sont
identifiés au combat du Négus pour arracher leur indépendance. C’est
d’ailleurs en reconnaissance des services rendus par l’Ethiopie à l’Afrique
que la capitale de ce pays a été choisie comme siège de l’Organisation de
l’unité africaine (OUA) puis de l’Union africaine (UA).

En déposant le Négus
en 1974, Mengistu Haïlé Mariam, censé libérer un pays de la férule d’un
pouvoir "féodal", signait en même temps la mort politique, économique,
sociale et culturelle d’une Ethiopie qui avait acquis une respectabilité
indiscutable sur la scène internationale.

Addis-Abeba était devenue une
plaque tournante de la diplomatie internationale. En lieu et place, les
tombeurs du Négus n’ont pu faire autre qui satisfasse les besoins
fondamentaux des Ethiopiens que de placer des posters géants de Karl-Marx
et Engels, Lénine et Mao, visiblement affichés sur la grande place du
centre-ville.

Malheur à ceux qui refusaient de marcher au rythme des chants
révolutionnaires importés ou de lire le livre rouge de Mao ou le manifeste sur
le capital. Le Premier ministre actuel, Mélès Zenawi, ne fait guère mieux.

Non
seulement, il n’a pas réussi à préserver l’intégrité territoriale de l’Ethiopie
(amputée de l’Erythrée), mais la démocratie promise aux Ethiopiens s’est
transformée en une dictature cauchemardesque qui étouffe tous les
opposants. De toute évidence, l’Ethiopie d’aujourd’hui est devenue un
immense corbillard avec chaque jour, son lot de morts.

En Guinée, même si
Sékou Touré n’a pas été un bon exemple en matière de démocratie, le fait
d’avoir défié le colonialisme français constituait un capital qui avait donné aux
Guinéens et aux Africains une certaine fierté sur la scène mondiale.

Sans
oublier que sur le plan culturel et sportif, la Guinée avait brillé de mille
lumières dont les rayons irradiaient tout le continent. En Côte d’Ivoire, la
succession d’Houphouët a été un énorme gâchis sur tous les plans et dont
personne aujourd’hui n’ose présager la fin. On peut encore citer le cas du
Mali où, après le régime de Modibo Keïta, le pays a sombré dans la dictature
sanglante de Moussa Traoré.

Heureusement, il n’y a pas de régle sans
exception. Amadou Toumani Touré et Omar Konaré se sont bien acquittés de
leur mission. On peut aussi citer le cas de la Tunisie, de la Tanzanie, etc.
Pourtant, vu de l’Occident, tous ces hommes étaient perçus comme des
dictateurs puisqu’ils dirigeaient leur pays en s’appuyant sur un parti unique.

Mais, à la lumière de l’image piteuse que présente l’Afrique actuellement,
faut-il systématiquement récuser le parti unique ? En définitive, le parti unique
est-il mauvais en soi ? Tout est question de l’usage qu’on en fait. Aujourd’hui,
quel usage font nos dirigeants, de la démocratie, eux qui l’ont simplement
caricaturée en la ramenant au simple fait pour le citoyen, généralement
analphabète et affamé, de glisser mécaniquement un bulletin de vote dans
l’urne ?

Le multipartisme est une chose, la domination d’un seul parti qui
s’arroge le droit d’édicter des textes de lois tout en ignorant le point de vue de
l’opposition, même s’il est pertinent et permet à la bonne gouvernance
d’avancer, en est une autre.

En définitive, les Africains devraient se garder d’écouter servilement les
sirènes, ces oiseaux de mauvais augure, de l’Occident. Tout en prêchant la
démocratie en Afrique, il se comporte en dictateur en imposant des plans
d’ajustement structurel et en important en Afrique des concepts qui sonnent
faux tels que la lutte contre la pauvreté, le développement humain durable
alors qu’il sait que c’est parce que l’Afrique s’appauvrit durablement qu’il peut
faire tourner ses usines et préserver ses emplois.

Mais, à la décharge de
l’Occident, c’est parce qu’il trouve encore en Afrique des relais locaux, des
courtiers et des oreilles attentives, qu’il sait s’adapter à toutes les situations
en adoptant aujourd’hui cette forme subtile et insidieuse pour nous mettre
dans l’étau de son impérialisme rapace. Fini donc le temps de l’impérialisme
grotesque qui n’hésitait pas à utiliser la politique de la canonnière contre
l’Afrique.

L’Afrique n’est donc pas sortie de l’auberge, contrairement à l’Asie
qui s’appuie sur ses valeurs culturelles comme rempart contre toutes les
éclaboussures de l’Occident.
Les pères fondateurs de l’Afrique ont droit à notre reconnaissance, pour avoir
avec les moyens de bord qui étaient les leurs, mis l’Afrique sur les rails.

Bon
nombre de leurs successeurs ont précipité le continent dans l’abîme. Comme
on le voit, l’incubation dure tellement que l’on se demande quand l’Afrique
enfin va prendre des dirigeants prenant à bras-le- corps les intérêts réels des
citoyens. Sans être, ni d’un pessimisme exagéré ni d’un angélisme béat,
faudrait-il peut-être finalement un cataclysme pour réveiller les gouvernants
du continent noir ?

"Le Fou"

Le Pays

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