LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Libéria :George Weah,l’espoir d’une jeunesse désemparée

Publié le lundi 31 octobre 2005 à 07h38min

PARTAGER :                          

Entre George Weah et Ellen Johnson-Sirleaf, qui sera le futur président du Liberia ? Si l’on en croit les derniers sondages, la star du football et ballon d’or 1995 devancerait l’ancienne ministre, l’ex-fonctionnaire de la Banque mondiale et ancienne opposante au régime de Samuel Doe, avec 28,3% des suffrages contre 19,8%.

La victoire de chacun des deux candidats dépendra des derniers ralliements avant le second tour. Sans oublier qu’en Afrique, les électeurs sont versatiles. Toujours est-il que cette élection vient de relancer le débat sur le profil du bon président.

A George Weah, ses adversaires reprochent ce qu’ils appellent son amateurisme, son manque d’expérience et de professionnalisme politiques, par opposition à Ellen John-Sirleaf, une habituée des institutions internationales, auréolée de son passé de ministre et qui, à ce titre, connaît toutes les arcanes de la politique libérienne. Une femme du sérail donc, avec tout ce que cela comporte comme passé sombre et peu reluisant, s’agissant de l’histoire politique du Liberia, contre un nouveau venu en politique, un néophyte, un homme qu’on pourrait qualifier d’immaculé en la matière.

Même s’il avait arboré la kalachnikov sous le nom de guerre de "X Rays" pendant la guerre civile, c’était à son corps défendant. Selon ses adversaires, George Weah serait un foetus politique. Ils émettent donc des doutes sur sa capacité à présider aux destinées d’un pays ravagé par plusieurs années de guerre civile dont les décombres et les stigmates sont encore loin de disparaître.

Par contre, leur préférence va à Ellen Johnson - Sirleaf, diplômée de Harvard. S’il est vrai que son cas traduit une avancée à saluer à sa juste valeur dans la mise en valeur des compétences des femmes africaines à exercer le pouvoir d’Etat, il n’en demeure pas moins que George Weah n’est pas dénué de toute respectabilité internationale.

En effet, n’a-t-il pas été sacré ex-"ambassadeur" de l’Unicef, cette respectable organisation du système des Nations unies ? Pour bon nombre d’Africains, ce débat sur le profil du bon président semble dépassé. On ne peut pas être bon démocrate et dessiner par anticipation, le profil d’un président idéal. Seul l’électorat doit avoir le dernier mot. Il n’y a pas d’école de formation de présidents.

A ce sujet, l’exemple des Etats-Unis est éloquemment illustratif de candidats à l’élection présidentielle dont on pensait que le quotient intellectuel était en deçà de l’acceptable et qui pourtant, se sont révélés de grands chefs d’Etat. En Pologne, Lech Valesa, l’ouvrier des chantiers navals de Gdansk, a réussi à faire sortir son pays des griffes du communisme. A l’inverse, quand on assiste à ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire, il faut se méfier des postulats qui voudraient que seule l’élite intellectuelle soit qualifiée pour présider convenablement aux destinées des Etats africains.

Certes, certains intellectuels se sont valablement acquittés de leurs fonctions. Mais le taux de réussite est tellement insignifiant qu’il convient de se demander s’il ne faudrait pas renouveler la classe politique africaine actuelle dont la faillite sur tous les plans, constitue un lourd fardeau sous lequel ploient les jeunes générations. Ce n’est pas, en effet, un hasard si l’essentiel de l’électorat de George Weah est constitué de jeunes.

C’est certainement la preuve d’une aspiration au changement qui a motivé ces jeunes à porter leur choix sur Weah, ce nouveau venu sur la scène politique, qui voudrait tourner la page de plus de 40 ans de tâtonnements et de totale absence d’alternative. En effet, qu’ont-ils fait, ces dinosaures politiques, alors que, compromis, ils parlent de souveraineté et se montrent incapables de s’assurer les vrais attributs de la souveraineté ?

Toute honte bue, la politique de la main tendue vers l’extérieur pour payer leurs fonctionnaires, pour confectionner leurs budgets, pour définir leurs politiques monétaires, pour fixer l’orientation de leurs économies, pour mettre en place leurs systèmes de santé et d’éducation, reste en vigueur.

Toutes les échéances, santé pour tous, éducation pour tous, réduction de la pauvreté, n’ont été que des illusions dans lesquelles les citoyens ont abusivement et aveuglément été entraînés, illuminés par un angélisme trompeur et dangereux.

Bref, tous les domaines de la vie de nos Etats, même nos habitudes alimentaires, sont actuellement régulés par l’extérieur. Face à cet échec cuisant des vieux crocodiles de la classe politique libérienne qui rame à contre-courant, les jeunes Libériens viennent d’adresser un message fort à leurs dirigeants et par-delà eux, à la jeunesse africaine afin de nettoyer les écuries du paysage politique africain, occupé pendant plus de quarante ans par des prestidigitateurs corrompus. George Weah que ses supporters appellent affectueusement le "Moïse" africain, semble l’avoir compris.

C’est pourquoi, contrairement à sa rivale, la "souverainiste", une fois élu, il entend maintenir le prolongement de la mise sous tutelle économique de l’ONU du Liberia. N’en déplaise aux souverainistes de façade, retranchés dans les antichambres de la corruption, il n’y a pas de honte à aller à l’école de cette tutelle.

En fait, l’Afrique est déjà sous tutelle. Mais jusqu’à présent, cette tutelle est hybride. Il s’agirait maintenant de formaliser cette tutelle, non pas avec tel ou tel pays du Nord pris individuellement, mais sous les auspices de l’ONU. Une période transitoire pourrait être fixée et déboucher sur un état des lieux de ce mariage dicté par le bon sens et, en cas d’échec, de rectifier le tir. En tous les cas, la tutelle des Etats, prise individuellement, est non seulement humiliante, mais commence à indisposer les contribuables des pays du Nord qui ont le sentiment de dépenser financièrement pour rien.

Les responsables des pays du Nord qui ont l’obligation de rendre compte à leurs contribuables, commencent à hésiter entre devoirs humanitaires vis-à-vis des populations démunies et continuer à engraisser une classe politique corrompue qui se sert de la misère de l’immense majorité des citoyens pour prospérer égoïstement. En définitive, le Liberia, après avoir été le mauvais exemple en matière de bonne gouvernance, est en voie de prouver que si l’on peut tromper un peuple plusieurs fois, on ne peut le faire tout le temps.

Les résultats définitifs du second tour de l’élection présidentielle dépendront, in fine, des ralliements des autres candidats malheureux. Pour qui connaît les hommes politiques du Liberia, ces ralliements peuvent constituer des cadeaux empoisonnés.

Pour ne pas se laisser phagocyter par ceux qui font de la politique un métier et non une mission, George Weah a trouvé sage de se mettre au régime de la tutelle de l’ONU pour ne pas être obligé d’avaler les couleuvres des compromissions.

Quand on sait qu’en Afrique, la politique est une sorte de théâtre d’ombre où les trahisons et les coups bas sont légion, George Weah entend s’entourer de la collaboration de l’ONU pour réussir sa difficile mission.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique