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Côte d’Ivoire : Primature cherche homme providentiel

Publié le vendredi 28 octobre 2005 à 07h16min

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C’est ce dimanche 30 octobre 2005 que prend fin le mandat constitutionnel du président Laurent Gbagbo à la tête de la Côte d’Ivoire. Une date pleine de dangers. Pour éviter que le pays ne bascule dans le chaos, la communauté internationale, qui a toujours été au chevet de l’Eléphant d’Afrique, a échafaudé le scénario suivant.

Gbagbo demeure chef d’Etat pour une période transitoire d’un an maximum ; mais il nomme un nouveau Premier ministre consensuel auquel il délègue ses pouvoirs et c’est ce dernier qui conduira la transition, mènera le désarmement et organisera des élections ouvertes, libres et transparentes.

Depuis, à Abidjan et à Bouaké, on s’excite. Chaque camp estime que ce PM doit sortir de son sein. Que ce soit du côté de l’opposition politique regroupée dans le G-7, de l’opposition armée des Forces nouvelles (FN) ou encore du parti au pouvoir, c’est la même rengaine. C’est de bonne guerre quand on sait que ce fauteuil de Premier ministre est hautement stratégique dans la période transitoire voulue par le Conseil de sécurité de l’ONU. D’où viendra cet oiseau rare ? Bien malin qui saura y répondre à ce jour.

De leur côté, les FN ont déjà commencé à mettre la pression sur Gbagbo en annonçant deux candidatures à ce poste : il s’agit de Guillaume Soro et de Louis Dacoury Tabley, les n°1 et 2 des FN. Une proposition qui frise la provocation, mais qui pourrait se révéler stratégique. En effet, c’est clair comme de l’eau de roche que Gbagbo n’acceptera jamais la candidature de Soro et pas davantage celle de son ancien allié, Dacoury Tabley. Si le mari de Simone tombe dans le panneau en opposant un niet catégorique à ces deux personnes, alors les FN proposeront à coup sûr leur vrai joker à ce poste. Un joker qu’elles gardent pour l’instant stratégiquement sous le boisseau.

Et l’enfant terrible de Mama n’aura d’autre choix que d’accepter la troisième proposition sinon il passera pour celui qui bloque la situation. Mais Gbagbo, que ces opposants appellent, depuis, Elisabeth Gbagbo, parce qu’ils soutiennent qu’à partir du 30 octobre, Gbagbo sera comme la reine Elisabeth d’Angleterre qui règne sans gouverner, a lui aussi plus d’un tour dans son sac. Ce n’est pas pour rien qu’il vient de retirer sa plainte contre le sergent Ibrahim Coulibaly (IB) dont, il n’y a pas longtemps, il réclamait la tête. Cela fait partie d’un savant calcul politique qui est censé rallier à Gbagbo tous les fidèles et sympathisants d’IB, civils comme militaires. L’épouvantail IB peut être agité devant les Soro.

Dans le jeu des alliances qui s’est dessiné aux bords de la lagune Ebrié, il est clair que le G-7 et les FN, qui sont sur la même longueur d’onde, pourront toujours s’accorder sur une personne consensuelle issue de leurs rangs. Le problème reste donc la variable FPI au pouvoir. Est-ce que Gbagbo va accepter de nommer un PM qui lui est opposant. S’il n’y est pas contraint, il ne le fera jamais et c’est une logique politique.

Aujourd’hui, la vérité est que tout le monde est suspendu à la décision du fameux boulanger-pâtissier de Cocody. Va-t-il aller dans le sens d’un apaisement ou va-t-il s’arc-bouter au risque de conduire son pays dans la guerre ? Les jours à venir nous le diront. Ce qui est certain, c’est que tous les ingrédients semblent réunis pour que la Côte d’Ivoire, naguère terre d’espérance et pays de l’hospitalité, sombre dans la violence. Les jeunes de l’opposition ont déjà annoncé la couleur, eux qui promettent de rendre le pays ingouvernable si Gbagbo reste au pouvoir après le 30 octobre.

Le risque d’affrontement est encore accru quand on prend en compte la donne d’une part du camp du général dissident Mathias Doué qui menace toujours de passer à l’offensive pour bouter du pouvoir l’enfant de Mama et d’autre part celle des FN qui ont depuis indiqué qu’elles prendront leurs responsabilités, passé le 30 octobre.

Ce n’est donc pas pour rien que la France a prépositionné à Lomé du matériel militaire et des hommes afin de parer à toute éventualité. En effet, selon la presse ivoirienne, depuis une semaine, des avions français (7 gros porteurs, 6 Transall et 1 Hercule stationnent en permanence à Lomé) sans compter les deux chasseurs-bombardiers Mirage qui assureraient quotidiennement des missions de reconnaissance au-dessus de la Côte d’Ivoire.

On imagine bien que la France ne veut plus se laisser surprendre comme en novembre 2004 lorsque les Soukhoï de Gbagbo avaient bombardé la base Licorne de Bouaké, faisant neuf morts. Dans les 15 minutes qui ont suivi, Chirac avait ordonné et obtenu la destruction de tous les aéronefs de guerre ivoiriens. Cela avait porté un coup fatal à l’opération « Dignité » que Gbagbo menait pour reconquérir le Nord et unifier le pays, divisé depuis septembre 2002.

Dans cette même logique du principe de précaution, les autorités burkinabè, même si elles sont en campagne électorale, doivent ouvrir l’œil, et le bon, sur l’évolution de la situation ivoirienne pour ne pas se laisser surprendre et laisser à la merci des tueurs nos compatriotes, qui ont tant donné à ce pays qui les martyrise aujourd’hui. Même s’il n’y a pas d’annonce ou de communiqué officiel, on imagine bien que Blaise Compaoré, en bon militaire, a pris les dispositions idoines afin d’épargner à notre diaspora les affres d’une éventuelle reprise des combats en Côte d’Ivoire.

San Evariste Barro
Observateur Paalga

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