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ONU : Les calculs chinois de Wade

Publié le jeudi 27 octobre 2005 à 07h54min

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Abdoulaye Wade

La nouvelle est tombée sans qu’on s’en offusque outre mesure : Dakar a repris ses relations diplomatiques avec Pékin, interrompues durant neuf ans, après la reconnaissance par le Sénégal, en 1996, de la République de Taïwan.

Raison officielle invoquée : « une analyse objective et approfondie de la géopolitique mondiale ». Ce qui correspond parfaitement, pense-t-on au pays de la téranga, aux intérêts fondamentaux du Sénégal et à l’esprit de la nouvelle diplomatie au service de l’intérêt national et de la promotion de la cause africaine.

Une diplomatie qui se veut équilibrée, réaliste, souveraine, une diplomatie de paix et de développement. Du coup, Dakar reconnaît que son alliée d’hier fait « partie intégrante du territoire chinois ».

Comme il fallait s’y attendre, Taïpei ne s’est pas fait prier pour couper les ponts d’avec le pays de Wade, allant jusqu’à soutenir que c’est sous la pression politique, et appâté par une récompense financière, que le Sénégal a repris ses relations diplomatiques avec la Chine, tout en souhaitant maintenir avec Taïwan des liens économiques, commerciaux et culturels. Pas plus.

Chose que la République de Chine (le nom officiel de Taïwan) regrette amèrement. Selon l’AFP, le chef de la diplomatie sénégalaise, Cheikh Tidiane Gadio, et son homologue chinois, Li Zhaoxing, ont, au cours d’une cérémonie, mardi à Pékin, indiqué que le Sénégal et la Chine « ont convenu d’échanger de nouveau des ambassadeurs, conformément aux intérêts et aspirations des deux peuples sénégalais et chinois ».

La diplomatie taïwanaise, qualifiée pendant longtemps par Pékin de « diplomatie du carnet de chèques », n’aura plus droit de cité au Sénégal. Mais pendant longtemps, on se souviendra qu’elle a été une expérience réussie chez nos frères sénégalais. Depuis 1996 en effet, plusieurs accords relatifs aux financements de nombreux projets de développement économique et social ont été signés. Pêle-mêle, on peut énumérer le programme de réalisation d’espace jeunes, de centres polyvalents de formation des producteurs, de Maisons à outils.

D’autres projets étaient en cours dans le domaine de la formation technique, et l’université du futur africain, destinée à rendre possible le téléenseignement dans la sous-région, était également prévue dans le portefeuille de la coopération entre le Sénégal et Taïwan. La pêche et la pisciculture n’étaient pas en reste avec la réhabilitation de la station de Richard-Toll et la création de sept fermes piscicoles villageoises...

Le Sénégal, en décidant donc de rétablir ses relations diplomatiques avec Pékin, remet en cause la réalisation de tous ces projets et programmes de développement, et l’ambassade de Taïwan de constater qu’ « il devient clair que Pékin continuera de contester les acquis de la diplomatie taïwanaise, dans le seul dessein d’étouffer la République de Chine (Taïwan) sur la scène internationale ».

Avec ce camouflet sénégalais infligé à l’ami d’hier, le nombre de pays reconnaissant actuellement Taïwan est en train de se rétrécir comme une peau de chagrin, en passant à 25, la plupart étant de petits pays d’Afrique et du Pacifique. Dans ce deal, c’est Pékin qui se frotte les mains, ce qui est symptomatique de sa puissance actuelle au plan mondial. Pourquoi alors les Etats insistent-ils pour filer le parfait amour avec Taïpei au lieu de Pékin ? est-on légitimement tenté de se demander.

Ne courent-ils pas le risque, comme l’a indiqué Babacar Gaye, vice-président de l’Assemblée nationale sénégalaise, d’être en marge d’une dynamique à laquelle ils seront soumis tôt ou tard ?

Pour certains observateurs bien introduits, la décision d’Abdoulaye Wade de divorcer d’avec Taïwan, loin d’être guidée par d’autres considérations, est motivée par la candidature de son pays à un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

Ce n’est peut-être pas faux, le premier des Sénégalais expliquant le choix ainsi fait par son pays par une citation du général de Gaulle, à savoir : « Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts ». Il est clair qu’avec de tels calculs, la déception n’est pas loin, la Chine à elle seule ne pouvant pas faire le poids.

Le Sénégal, par sa décision de mardi dernier, entend faire dans l’exclusivité diplomatique, mais malgré ce qu’on tente de donner comme justifications à cela, force est de reconnaître que les deux Chines ont toujours roulé avec les grandes puissances, sans grand dommage, et que c’est plutôt avec les petits pays comme les nôtres qu’il y a eu, chaque fois, des pépins.

D. Evariste Ouédraogo
L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 27 octobre 2005 à 15:29, par Francky En réponse à : > ONU : Les calculs chinois de Wade

    C’est réaliste,nul ne peut ignorer la place sans cèsse grandissante de la Chine dans l’economie mondiale. Les Etats n’ont pas d’amis,ils m’ont que des interêts. Le Senegal fait preuve de maturité et son choix est objectif.

    • Le 27 octobre 2005 à 17:42 En réponse à : > ONU : Les calculs chinois de Wade

      C’est juste, la chine est une force économique grandissante, mais moi j’aurais tempéré votre optimisme face à ce choix. L’invasion par les chinois de plusieurs marchés dans le monde n’a pas toujours laissé un goût agréable. Même les européens tremblent aujourd’hui devant eux. Et j’ai bien peur que les chinois se mettent demain à vendre le "tchep" très bon marché aux sénégalais.
      A bon calculateur, ....!

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