Monsieur le Directeur, je vous prie de remettre ce mot à Rawungma, mon jeune frère resté au pays à l’attention de MMT, car je suis très loin du pays et j’ai oublié sous le coussin, mon cahier d’écolier dans lequel j’avais griffonné le numéro de la CENI. Et comme il ne m’est pas facile de joindre le Faso.

Rawungma, si tu n’as pas accès au bureau de Monsieur le Président, appelle mon ami personnel Pascal Bembamba de Zam, son digne frère.

En 1998, j’avais écrit un article, publié à l’époque par "Le Pays", pour l’apprenti fraudeur pendant les élections. Cela s’intitulait "10 petites astuces pour frauder". Je disais entre autres, qu’au Burkina, les organisateurs des élections sont eux-mêmes des fraudeurs patentés et que leurs cris d’orfraie n’ont d’autre but que de masquer leur forfait.

A l’époque, je disais que les urnes en bois massif cachaient les enveloppes introduites avant le début du scrutin. On appelle cela en français pompeux le « bourrage des urnes ». Depuis lors, avant d’avoir nos propres urnes transparentes, l’on emprunta celles du Bénin. Ce fut une petite révolution car la fraude par le bourrage faisait trop nègre. Une autre astuce est d’utiliser l’encre d’écolier, que nous préparions nous-mêmes à l’école, encre que nous chauffions avec le sable chaud, en guise d’encre indélébile.

Dans l’article, j’écrivais que l’encre indélébile, si c’est le vrai, si elle touche ton doigt, à moins de te couper le doigt, tu en as pour un bon mois. Rien, presque absolument rien ne peut l’effacer en une journée. Surtout si elle touche ton ongle, ah là, elle ne s’efface que quand la partie noircie finit de pousser. Imagines-tu un électeur se couper les deux doigts en un jour pour favoriser son candidat ? L’idée selon laquelle des produits chimiques peuvent venir à bout de cette encre indélébile est inopérante.

Je ne crois pas qu’un parti politique puisse faire la promotion de ce produit chimique pour nettoyer les index, sur tout le territoire national, sans être coincé. Cette idée de dire qu’une encre indélébile ne résiste pas à une volonté affirmée de fraude a un seul but : décourager l’adoption d’une vraie encre indélébile. Remarquons aussi que l’on disait que l’urne transparente n’enraie pas la fraude. Mais depuis l’introduction de l’urne transparente, au Burkina Faso, la fraude s’est transportée en d’autres astuces.

"L’encre allemande est incomparable"

Concernant MMT, le frère de mon ami, pour sa propre réputation, et j’imagine qu’il la protège, pour la société civile qu’il représente et surtout pour le GERDDES du grand-frère Edouard, MMT a intérêt à ne pas fermer les yeux sur « la bombe à retardement qu’est le fichier électoral ». En tant que Tapsoba, il sait bien qu’il vaut mieux écouter un fou qui crie à l’ennemi, pour mieux armer son arc, au risque d’écouter le sage et de laisser entrer l’ennemi.

Et si quelqu’un s’avisait de l’en empêcher, qu’il se rappelle qu’une femme au Bénin (là où on emprunta les urnes), au Bénin, dis-je, une femme a eu plus de couilles que certains hommes. Mais pas au Faso, surtout pas un Tapsoba ! « Oh petit Tapsoba, celui qui préfère la mort à la honte, celui qui avale les flèches empoisonnées et recrache la paille. » (tant son anti poison est puissant).

Il lui faut, à défaut de pouvoir limiter les dégâts en mettant à la disposition des bureaux de vote cette encre indélébile à temps, qui est un adjuvant radical contre les multiples votes, qu’il demande le report des élections d’une à deux semaines pour se procurer cette encre. Une encre véritablement indélébile est imparable contre les votes multiples. Si je dois terminer mon petit conseil, si je dois persister dans mon conseil, qu’il demande appui au nouvel ambassadeur d’Allemagne pour l’achat de cette bonne encre. Des pays que j’ai eu l’avantage de visiter pendant leurs élections, l’encre allemande est incomparable.

A quoi servirait donc d’avoir 2, 3 voire 10 cartes, si l’on ne peut pas voter 2, 3 voire 10 fois ? Une fois l’encre obtenue, si MMT veut vérifier ses effets, qu’il aille demander à Madame Pauline W. Hien, la Gouverneur de Manga, (tiens, voilà une autre de la société civile !?!?), et à ma Tanti Didi pour user les doigts des petits écoliers du Zoundwéogo, ces petits mangeurs d’âmes, (les doigts des enfants de Saponé sont sacrés et ne seront pas usités pour cela) pour tester l’encre avant de la sceller. Pour cela, qu’il abandonne les « tampons CENI ». Ces tampons sont un véritable désastre. Mais comme les faiseurs de tampons ont eu leur argent, le reste est sauf !

Rawungma, tu t’imagines que j’ai plaisir à adresser à MMT, ce petit « salmigondis ». Outre le fait que l’homme est affable, il reste inaccessible pour les anonymes citoyens. Il n’est peut-être pas dans son intérêt mais, c’est certain, il n’est dans l’intérêt d’aucun parti politique d’accepter cette radicale solution. Tous les partis, autant qu’ils sont, misent peu ou prou sur la fraude, ne serait-ce que pour gonfler le score de la participation. Autrement, leur « Hoba Hoba là, on est au courant » !

Le jour du vote, si l’encre indélébile n’est pas adoptée, regarde à l’interstice du toit de ma grand-mère décédée, entre la fente d’une paille, il y a sa carte et la mienne. Prends-les deux, ajoute à la tienne, et va voter : pour toi, pour moi et pour elle. Qu’importe le candidat que tu voteras. L’essentiel est que notre village obtienne le meilleur score de participation, quitte à ce que les ânes et les poules votent.

Avant d’oublier, dis-moi, veux-tu que je t’envoie chaque semaine une « carte postale » (journalistique s’entend) de New York ?

André-Eugène ILBOUDO,
Invité international,
Centre international pour l’éducation à la tolérance
New York