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Valère Somé : Pour un débat d’idées

Publié le mardi 25 octobre 2005 à 07h46min

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Comme promis, nous vous proposons la deuxième partie de l’écrit de Valère D. Somé après la première, que nous avons publiée dans notre édition n°6503 du vendredi 21 au dimanche 23 octobre 2005.

Si la première partie portait sur le Conseil constitutionnel, la deuxième, par contre, se veut un débat d’idées. Selon l’auteur, le programme de Convergence pour la démocratie sociale (CDS), dont il fait partie, est une invite à un débat d’idées adressée à tous les partis politiques. Espérons que ceux-ci ne se détourneront pas du sujet pour se lancer dans d’autres considérations.

Ces derniers temps, on a vu Laurent Bado, lors de l’affaire des 30 millions, s’époumoner pour dire qu’il n’a toujours désiré qu’un débat, d’idées. Or, voilà, depuis le 15 décembre 2002, que nous l’avons invité à ce débat, mais en vain.

Le programme de la CDS (Convergence pour la démocratie sociale) est une invite à un débat d’idées, adressée à tous les partis politiques. Elle a été adressée à tous les partis politiques du Groupe parlementaire justice et démocratie (dont est membre le PAREN), au CDP, etc., sous pli fermé avec une lettre d’accompagnement.

Et depuis, notre attente a été vaine. En attendant qu’un journal de la place accepte de publier un extrait de ce programme, qui fait la critique des orientations des diverses formations politiques existant au Burkina Faso, et particulièrement celle du PAREN, nous proposons au lecteur, comme avant-goût, ces quelques passages extraits du Discours que j’ai prononcé à Bobo-Dioulasso le 15 décembre 2002 à l’occasion de la clôture du 1er Congrès de la CDS. Les partis présents à la clôture de ce congrès sont en possession de ce discours.

Un sage africain ne disait-il pas que : "L’arc-en-ciel doit sa beauté aux tons variés de ses couleurs" (Thierno Bokar) (...). Faisons en sorte que le ciel politique du Burkina Faso soit riche de toute sa diversité et, dans une compétition saine, que cette diversité de doctrines instruise notre peuple et permette d’opérer un choix conscient quant à son devenir. La CDS est née après plusieurs mois de concertations.

Nous ne désespérons pas de voir ceux qui traînent encore le pied nous rejoindre pour renforcer nos rangs, lorsqu’ils se seront rendus compte de la justesse de notre orientation et quand ils auront circonscrit la fausseté des calomnies. A la CDS, nous ne serons jamais à la remorque de qui que ce soit. Nous ne marchanderons jamais nos convictions. Mais nous oserons toujours afficher nos convictions quand bien même celles-ci choqueront au premier abord. Nous savons que tôt ou tard, par expérience, ceux qui nous jettent l’opprobre rallieront, toute honte bue, nos prises de positions.

Il en a été ainsi lorsque dans un autre cadre, nous avons été les premiers à avancer la revendication d’une réconciliation nationale. Nous avons affirmé à l’époque que cette réconciliation nationale était incontournable, et qu’elle se ferait avec ou contre les hommes qui sont actuellement au pouvoir. Ceux qui ont la vue courte, la bouche mielleuse et le fiel dans le cœur s’en sont pris à nous et nous ont accusés de chercher « à aller à la soupe ». Mais nous sommes restés inébranlables dans nos convictions.

Et lorsque le « Collège de sages » a formulé, mots pour mots, à la lettre près, notre revendication d’une réconciliation nationale, les mêmes personnes qui ne savent que médire ont traîné d’abord les pieds, vitupérant contre les « sages », pour ensuite emboucher la même trompette.

Il en a été de même, lorsqu’en étant membre actif du « Collectif », nous avons, contre tous, osé affirmer que la lutte contre l’impunité n’était pas incompatible avec la lutte politique et que les partis se devaient de les mener conjointement. Nous nous élevions donc contre la pratique du boycott systématique des consultations populaires sous le prétexte que telle ou telle condition n’était pas réunie. Et une des exigences avancées, posée à l’époque par une certaine opposition dite radicale comme condition à sa participation aux élections fut l’épuration du dossier Norbert Zongo.

"Autocritique, on connaît pas !"

Nous invitions le Collectif à se départir de cette attitude infantile qui, à la longue, pourrait saper la lutte contre l’impunité. Nous l’invitions à savoir judicieusement utiliser les deux flèches dont elle dispose dans sa lutte contre l’impunité. On a encore crié « Haro sur Baudet ». On ne saurait, clamait-on, sauter le cadavre de Norbert Zongo pour aller aux élections.

On ne pouvait, renchérissaient certains, enjamber le corps de Thomas Sankara pour aller aux élections. Ceux qui disaient cela oubliaient qu’avant le Collectif, ils ont bel et bien enjambé le corps de Thomas Sankara, sans émoi, pour prendre part aux législatives de 1997.

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, où en sommes-nous ? Tous ces partis politiques du « G-14 » ne sont-ils pas allés, en rangs dispersés, aux dernières législatives sans que pour autant le dossier Norbert Zongo ait été vidé ? Et s’il vous plaît, ils l’ont fait sans autocritique préalable, aussi naturellement qu’ils s’y étaient opposés. Au Burkina Faso, autocritique, on connaît pas !

Les représentants de ces partis, pour ceux d’entre eux qui ont passé l’épreuve avec succès, trônent aujourd’hui à l’Assemblée, arborant avec fierté sur leur poitrine la cocarde.

Certains partis, à l’époque, sont nés seulement du fait de l’opposition de leurs membres à la participation aux élections (...).

Ce sont là des attitudes qui minent l’opposition qui se dit démocratique et qui empêchent toute entente, toute unité d’action.

Au Burkina Faso, du fait de leur mentalité mesquine, de leur étroitesse de vue, les leaders politiques s’offusquent à l’idée que ce soit quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes qui voit juste. La vérité n’est pas bonne dans certaines bouches. Il faut qu’elle soit dite par la leur.

Quant à nous, nous persévérerons dans notre ligne de conduite : dire la vérité quand il faut et où il le faut, toujours avec courage et détermination. Il faut le souligner, les hommes politiques de ce pays font l’insulte à l’intelligence de notre peuple, en croyant que celui-ci n’a pas de mémoire.

Aujourd’hui, l’on a assisté à l’organisation de la journée de pardon, pensant pouvoir réaliser la « réconciliation nationale ». Les élections ont été organisées, certes avec d’énormes irrégularités, avec la participation de tous.

Vu la façon dont la réconciliation s’est faite, dans l’insatisfaction générale, les problèmes demeurent dans leur entièreté. Nous sommes confortés, à la CDS, dans l’idée que l’on n’est mieux servi que par soi-même.

C’est pourquoi à ce Congrès, nous avons insisté sur le fait que la CDS, en tant que parti de l’opposition, ne doit pas proposer un programme de gouvernement. La CDS est un parti d’opposition qui mène la lutte pratique pour s’allier le peuple burkinabè en vue de la conquête du pouvoir. Il est donc loin de détenir les rênes du pouvoir pour se lancer dans l’élaboration d’un vaste plan de transformations sociales.

La CDS n’est pas un parti au pouvoir, mais un parti aspirant à la conquête du pouvoir. En ce sens, ses options politiques stratégiques (son programme) ne sauraient être un programme de gouvernement, qui, dans le présent, ne servira qu’à consolider les assises de ceux qui nous gouvernent. Car ceux-ci n’en extrairont que les propositions qu’ils jugeront utiles à cet effet. On a vu comment le pouvoir a usé de notre revendication de la réconciliation nationale.

Ils ont pris l’idée, mais en la mettant en application, ils l’ont vidée de tout son contenu. Ce faisant, ils ont pensé s’être tirés d’affaire. Mais ils n’ont fait que se donner du répit.

Car cette revendication reviendra sur la table avec plus de force. On ne peut couvrir le ciel avec la paume de la main. Aussi, le programme d’un parti de l’opposition comme la CDS, qui vise la conquête du pouvoir, doit consister en un exposé de thèses, d’un ensemble de revendications en faveur de notre peuple à des fins de propagande et d’agitation. Ces revendications doivent placer le pouvoir devant un dilemme :
s’il entreprend de les satisfaire, il se remet en cause ;
s’il s’y refuse, le peuple le remet en cause en le démettant.

"Qui est avec qui et pourquoi" ?

En outre, pour élaborer un programme de gouvernement qui soit des propositions de transformations économiques et sociales pertinentes, il faut avoir une vue d’ensemble de la situation de la nation, établie sur la base du tableau économique et social d’ensemble.

C’est pour toutes ces considérations que les propositions (le programme) adoptées au cours des présentes assises de la CDS se veulent moins ambitieuses et se contenteront d’esquisser - son orientation politique étant clairement définie - ses objectifs stratégiques et tactiques.

Nous, à la CDS, nous n’avons pas l’intention de proposer un quelconque projet de société, si dans l’entendement de ce terme, cela consiste à déterminer la physionomie de la société future, fondée sur des valeurs, des principes et surtout sur des fondements économiques sociaux originaux.

Nous ne préparons pas « des recettes pour les gargotes de l’avenir ». Nous, démocrates-sociaux du Burkina Faso, nous sommes conscients de mener notre combat dans un contexte national et international qui se caractérise par des mutations profondes en train de s’opérer et qui auront des conséquences décisives sur le devenir des peuples.

Une claire perception des tendances d’évolution et une évaluation des stratégies de lutte existantes s’imposent afin de ne pas fourvoyer toute une génération dans des voies sans issue.

C’est après une analyse de l’évolution de notre monde actuel, et après nous être penché sur le devenir de l’Afrique, que nous avons passé au crible les différents systèmes idéologiques qui sont représentés dans notre pays, avant d’affirmer notre physionomie propre.

Et nous comptons, dans notre action, confronter, dans une saine émulation et dans le respect de l’autre, nos conceptions à celles des autres partis en vue d’une éducation de notre peuple.

Notre peuple doit cesser d’être tiré par le bout du nez pour être conduit comme un troupeau de moutons suivant un berger. Nous comptons, dans cette confrontation politique, amener notre peuple à se faire une idée claire de tous les partis politiques qui sollicitent à l’occasion ses voix pour présider et siéger aux lieux où l’on délibère et décide de sa destinée.

Notre peuple doit savoir qui est qui, qui fait quoi, qui est avec qui et pourquoi. C’est une pratique salutaire que nous comptons instaurer au Burkina Faso. Que les acteurs politiques de notre pays souffrent de se soumettre à cette confrontation loyale qui contribuera à l’instruction civique, politique et idéologique de notre peuple.

Que chacun brandisse son drapeau et défende les attributs de son existence. Nous, démocrates-sociaux du Burkina Faso, nous comptons mener cette confrontation avec toute la courtoisie nécessaire et avec les considérations de respect que nous devons aux autres. Au Burkina Faso, on confond débats d’idées et attaques basées sur des considérations de personnes.

Il y a des gens dans ce pays qui, tout en se déclarant démocrates, attachés à la liberté d’expression, ne souffrent pas la contradiction. Ils s’échauffent à froid chaque fois que l’on ose affirmer que l’on ne partage pas leurs idées. Il va bien falloir qu’ils nous souffrent. Car, c’est parce que nous ne sommes pas d’accord avec toutes les doctrines existantes, que nous nous sommes constitués comme une tendance distincte.

A la CDS nous ne nous laisserons aucunement intimider par ceux qui à défaut d’arguments n’ont recours qu’à l’invective. A tous ceux qui sollicitent la caution de notre peuple qu’ils ont la prétention de diriger vers des lendemains meilleurs, à tous ceux qui veulent vendre leurs illusions à notre jeunesse nous disons :

« Vous croyez être dans le juste ! Nous aussi. Vous croyez détenir la clé du futur ! Nous aussi. Alors, confrontons nos idées. Le peuple y gagnera en lumière ». L’obscurantisme entretenu au niveau de notre peuple et surtout au niveau sa jeunesse a profité et profite à tous ceux qui œuvrent consciemment et inconsciemment contre ses intérêts.

Notre premier combat, à nous démocrates-sociaux, ce sera la démystification de toute théorie doctrinale qui a la prétention d’être le dernier mot de la pensée humaine et qui, examinée de près, après qu’on l’a débarrassée de toute la phraséologie qui l’embellit, se trouve être une idée aussi vieille que le monde.

Notre devoir sera de démasquer tous ceux qui abusent en théorie et en pratique notre peuple en se présentant à lui comme ses amis et défenseurs de son intérêt. Ces « amis du peuple » devront se soumettre à l’épreuve de la critique. Certes notre peuple est dans son immense majorité analphabète et est, de ce fait, indifférent aux débats d’orientation politique d’une portée théorique. Les adhésions aux partis politiques, le choix des candidats aux diverses élections se font dans notre pays sur des considérations d’appartenance à la même famille, à la même « tribu », au même village et à la même région, si ce n’est à qui tend le plus les espèces sonnantes et trébuchantes.

"La jeunesse, c’est l’avenir"

Entre des ressortissants d’une même région, le choix se portera sur celui qui saura faire Ie plus de promesses démagogiques ou qui aura le plus de feuilles à distribuer à l’occasion.

Nous devrons, dans notre démocratie, souffrir encore longtemps de l’absence de la conscience civique de nos populations, qui profite à tous ces marchands d’illusions.

Tout espoir n’est cependant pas perdu. Il faut espérer, avec la génération montante, des attitudes plus citoyennes et une conscience de discernement et de jugement plus grande.

La jeunesse de notre pays se trouve désemparée par l’absence de perspective d’avenir, du fait de la « mort des idéologies ». Aussi est-elle prête à mordre dans la première pomme acide qu’on lui présente sous les oripeaux doctrinaux.

C’est pourquoi, nous au sein de la CDS, nous mettrons un accent particulier sur l’éducation de cette jeunesse, en lui dispensant une formation théorique conséquente afin qu’elle ne soit pas entraînée dans des voies sans issue. La jeunesse, c’est l’avenir ; c’est la force vive avec laquelle il faudra édifier notre démocratie. C’est pourquoi, nous avons choisi d’axer essentiellement notre action sur elle.

La question sociale dans notre pays de façon particulière et en Afrique de façon générale est en effet une question paysanne. C’est la question de savoir à quel destin sont promises nos communautés rurales. Tout programme politique, tout projet de société doit passer par l’épreuve de cette question sociale.

Les doctrines des partis politiques doivent être jugées en fonction de la vision qu’elles se font du destin de nos communautés rurales et de l’orientation qu’elles entendent imprimer à l’évolution de nos sociétés.

Il convient par conséquent de faire le point sur ces différentes doctrines de développement, afin que notre jeunesse (surtout dans sa fraction scolaire et universitaire), sache, en toute connaissance, pourquoi elles sont vouées à l’insuccès ou tout simplement à l’impossibilité.

Notre jeunesse doit être théoriquement armée pour être à même de juger et de prendre parti.

" La tendance socialiste "

Tous les adversaires du capitalisme, en Afrique, ou tous ceux qui se veulent tels dans leurs projets sociaux ambitionnent de changer le cours actuel du développement du capitalisme dans notre pays en proposant, pour les uns d’en faire l’économie par des raccourcis menant tout droit au socialisme, d’inventer pour les autres, une « troisième voie » différente des systèmes connus (capitalisme et socialisme) en prenant comme élément de « régénération » (de « renaissance ») sociale les institutions et les valeurs de communautés rurales traditionnelles. La suite dans le journal.

Valère Somé

L’Observateur

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