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Commerce : l’Afrique dans le piège de l’ultralibéralisme

Publié le vendredi 21 octobre 2005 à 08h21min

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Dans deux mois, Hong Kong accueillera le nouveau round des
négociations de l’OMC sur le commerce mondial. Lors du
dernier round à Cancun, les Africains avaient réussi le tour de
force de bloquer les négociations, à travers un tir groupé sur les
subventions accordées aux cotonculteurs du Nord.

L’occasion
est donc belle pour faire le bilan de l’"entre deux rounds" pour
voir où en sont les positions. En Europe, les débats tournent
déjà à l’affrontement entre la France et le commissaire
européen Peter Mandelson, au sujet des subventions qu’il aurait
concédées sur le volet agricole. La France voudrait même
récuser le mandat du commissaire à négocier un dossier aussi
important.

Les Américains qui ont promis de faire "quelque
chose", campent toujours sur leur position. Et l’Afrique veut
absolument protéger sa poule aux oeufs d’or, le coton. A moins
d’un revirement, et si les tentatives de division ont raison du bloc
africain, solidement arrimé au Brésil et à l’Inde, la conférence
ministérielle de Hong kong subira le même échec que Cancun.
On se rappelle que c’est autour de la suppression des
subventions que les pays pauvres ont réussi à faire capoter la
réunion de Cancun grâce à une solidarité agissante entre les
sociétés civiles du Sud et du Nord.

Ces dernières ont su se faire
l’écho des préoccupations de millions de producteurs des pays
en voie de développement, victimes silencieuses d’un
commerce qui ne profite qu’aux plus forts. Dans les coulisses,
les alter-mondialistes, partisans d’un commerce équitable,
s’apprêtent à faire le "big noise" (le grand boucan) pour
dénoncer les travers des futurs accords de l’OMC.
Les négociations se présentent aujourd’hui comme un jeu de
cache-cache entre pays, où les plus forts et les plus malins
s’imposent aux autres. L’Afrique est du lot des grands piégés
du commerce multilatéral.

Les institutions telles que le FMI et la
Banque mondiale ont obtenu des différents gouvernements des
pays, une libéralisation dont ils sont réduits à en gérer les
conséquences. L’agriculture, qui est le socle principal de
l’économie de la plupart des pays, est en train de mourir à
cause de l’injustice actuelle des rapports commerciaux. Le lait,
la viande congelée, les farines et même certaines céréales de
base traversent allègrement les frontières à des prix défiant
toute concurrence. A ce rythme, à quoi bon produire plus cher ?

La réponse n’est pas économique, elle est hautement politique.
Car, il s’agit de la survie de millions d’âmes au pouvoir d’achat
qui se rétrécit d’année en année.

Au Nord, les Etats-Unis et l’Union européenne subventionnent
leur agriculture à coups de milliards. Les excédents sont
déversés sur le marché international à des prix défiant toute
concurrence. L’exemple du riz est illustratif de l’iniquité du
marché international. Si rien n’est fait, les plaines africaines
seront désertées et des millions de paysans, malgré les
milliards investis se reconvertiront dans d’autres spéculations.

Le risque est alors très grand de voir l’Occident et l’Asie nourrir
le continent, déjà dépendant du blé et du lait étrangers. Déjà, les
produits manufacturés ont inondé les marchés africains sans
que les Etats aient été outillés à faire le tri entre les bons et les
mauvais.

Le continent, à ce niveau, est devenu une véritable
poubelle où la santé du consommateur ne constitue pas la
première des préoccupations. Les dirigeants, habitués à tendre
la main pour payer leurs fonctionnaires et pour financer certains
projets, ont avalé des couleuvres pendant les négociations
antérieures, à tel point qu’il est difficile aujourd’hui de faire
marche arrière.
Seule porte de sortie possible, travailler à développer un
marché intérieur et régional en mettant l’accent sur la
consommation de produits locaux. L’Afrique ne représente que
2% du commerce mondial et les échanges internes sont
insignifiants.

Nombreux sont les pays africains qui sont
accrochés aux devises que leur procurent le coton, le café, le
cacao, etc. mais pourront-ils seulement vivre à partir de cette
manne qui se détériore d’année en année et qui appauvrit des
millions de paysans ?

Manifestement, il y a quelque chose à
faire pour assurer la survie du continent africain en tant qu’entité
viable, capable de nourrir ses habitants et de leur procurer un
minimum de bien-être social et économique. Les premiers pas
du continent dans le monde ultralibéral sont un échec. Il
appartient à ses dirigeants de le reconnaître, de se donner les
moyens de négocier, tout en prenant au plan interne des
mesures pour atténuer cette trop forte dépendance vis-à-vis de
l’extérieur à tous les niveaux.

Le Pays

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