LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Conseil Constitutionnel : Le droit a été dit et bien dit !

Publié le vendredi 21 octobre 2005 à 08h22min

PARTAGER :                          

Il y a une semaine, Valère D. Somé avait publié dans nos colonnes un écrit sur l’article 37 et le Conseil constitutionnel. Il ne se faisait pas d’illusion quant à la candidature de Blaise Compaoré à la présidentielle du 13 novembre.

Aujourd’hui, il revient avec un autre article d’un autre genre qui tranche dans le vif. Le chercheur et le politique dit haut et fort ce qu’il pense et se demande dans quelle démocratie nous sommes. "Chaque peuple mérite le gouvernement qu’il a", martèle-t-il. Ceux qui le liront attentivement, en attendant la deuxième partie, ne s’ennuieront pas.

1. De la décision du Conseil constitutionnel

Heureux donc les amis de Blaise Compaoré (ABC), dans leur sérénité et dans leur détermination. Pour nous autres, non moins heureux dans notre conscience et notre bon droit, la décision du Conseil constitutionnel ne nous a pas pour le moins du monde surpris. Le droit sous n’importe quel système ne pourrait être plus élevé que l’état économique, politique et culturel, en somme, que le degré de civilisation de la société qui y correspond. Les rapports juridiques découlent du système économique et politique et non le contraire.

Nous savons que le droit, dans une société bourgeoise qui garantit la propriété privée, est favorable aux nantis donc aux gouvernants commis à la tâche de défense de leurs intérêts. Dans le système bourgeois, bien qu’il soit affirmé que tous les citoyens sont égaux en droit, ce droit égal reste grevé d’une limite.

Qu’en sera-t-il donc dans une société clanique qui a de la peine à s’élever au niveau de l’état bourgeois (en transition vers l’économie de marché), dans une société où la res publicas est confondue au patrimoine personnel ? Une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société clanique, tribaliste des flancs de laquelle elle issue ?

C’est ainsi que, reprenant ce principe du droit égal, il est dit dans notre Constitution que « tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits » (article 1er). Mais force est de reconnaître que certains sont plus égaux que d’autres.

Pour cette raison donc, le droit ne saurait être indépendant du système en vigueur. Il est l’expression du système lui-même. Et le droit ne pouvait être dit autrement qu’il l’a été. Les différents recours auprès du Conseil constitutionnel et les attentes exprimées quant à sa décision ne pouvaient avoir d’autre buts que d’épuiser la procédure.

Durant toutes les controverses juridiques, je me suis gardé de m’en mêler. Je ne suis pas outillé pour ce faire et je ne pouvais que m’en remettre à l’arbitrage des spécialistes. Ces choses-là, où on ne s’y connaît pas, il vaut mieux se taire et s’en remettre au jugement des spécialistes en la matière.

Lorsque j’affirme que les députés ont outrepassé leur mandat en envahissant le droit du peuple, l’on trouve que c’est là « une curieuse et illégitime » tentative « d’imposer au peuple souverain une vision de l’article 37 qui n’est pas la sienne ».

Et l’on invoque pour ce faire l’article 165 de la Constitution. Même si je suis un ignare en la matière, on ne saurait me faire prendre des vessies pour des lanternes. Vis-à-vis à de telles tartuferies juridiques à prétention scientifique, quelques observations s’imposent :

"Des intérêts particuliers d’un seul"

1°- Afin d’accomplir leur forfait, leur hold-up constitutionnel, les députés de l’Assemblée nationale ont entrepris d’abord de réviser l’article 164 de la Constitution relatif à l’initiative et aux procédures d’adoption d’une révision constitutionnelle.

L’Article 164 initial spécifiait que le projet de texte de la révision devait être soumis au référendum (la Constitution elle-même ayant été adoptée au référendum), et c’est seulement après cela que le Président du Faso procède à sa promulgation (Cf. mon article « De l’anti-constitutionnalité de la révision... in L’Observateur Paalga n° 4953 du mardi 27 juillet 1999).

Les révisionnistes ont effectué l’ajout suivant : "Toutefois, le projet de révision est adopté sans recours au référendum s’il est approuvé à la majorité des trois quarts (3/4) des membres de l’Assemblée nationale." Le pouvoir ayant été contraint par la crise nationale survenue et les avis du « Collège de sages » à revenir à l’esprit de la Constitution de 1991, cette disposition scélérate devait être aussi revue.

C’est pourquoi j’ai été autorisé à affirmer que les députés « ont outrepassé le pouvoir qui leur a été donné par le peuple en agissant d’une manière contraire à la confiance qu’il avait mise en eux ». « Quand les pouvoirs législatif et exécutif entreprennent de substituer leur volonté arbitraire aux lois que la société a établies par convention référendaire, ils agissent d’une manière contraire à leur mission. Les députés se sont laissés gagner à la cause des intérêts particuliers d’un seul. ».

Par cette scélératesse, rien ne s’oppose, après les dix ans (2005 à 2015), que Blaise Compaoré s’apprête à passer à la tête de l’État, à ce qu’il commandite une autre révision de la Constitution pour se maintenir encore au pouvoir.

Je décrivais le stratagème en ces termes : « On sait comment les élections se déroulent dans notre pays. Le parti-État établit la liste (les fameuses primaires en question !) de ceux qu’il a décidé de faire siéger à l’Assemblée nationale, et organise en sous-main leur élection en utilisant les charges de l’Administration, les moyens de l’Etat, toutes sortes de moyens de corruption, allant des menaces à peines voilées à l’achat pur et simple des consciences (Mais ceci aussi, chez eux, s’appelle liberté).

Ces candidats du Président, une fois élus, ont pour obligation en retour d’opiner de la manière qui lui plairait. Disposer les choses de la sorte, n’est-ce pas usurper le droit du peuple pour être à même de détourner les lois fondamentales du pays à des fins tout à fait opposées à leur première institution ? Car la fin de la première institution, formulée par nos constitutionnalistes et approuvée par le peuple, a été la limitation de l’éligibilité du Président.

Est-il du désir de notre peuple qu’un seul homme dirige (et de quelle manière !) ce pays de façon éternelle ? Notre peuple, dans sa diversité culturelle, aurait-il ratifié la Constitution s’il se doutait qu’elle allait instituer une monarchie ?

"Les députés aux ordres"

En procédant à la relecture de la Constitution et en procédant à la révision de l’article 37, nos députés ont usé d’un pouvoir dont le peuple, qui les a élus, ne les avait pas dotés. Le peuple leur a délégué une partie de son pouvoir législatif pour statuer sur des questions essentielles dont le cadre a été clairement défini par la Constitution ».

En effet, La constitution autorise la révision. Mais en accordant cette prérogative à la puissance législative et à la puissance exécutive, le peuple ne pouvait prévoir sur quoi pourrait porter une révision éventuelle. (...)

Cela relève de ce que l’on pourrait dire la « prérogative du gouvernement », qui n’est rien d’autre, selon Locke, que « le pouvoir de procurer le bien public, sans règlements et sans lois » (LOCKE) Tant que ce pouvoir est employé à préserver les intérêts du peuple, la réalisation des fins qu’il s’est données, c’est une prérogative incontestable. On ne devrait rien trouver à redire.

Mais lorsqu’un pouvoir (législatif ou exécutif) use mal de ses prérogatives, il donne le droit au peuple de reprendre son droit et de limiter son pouvoir. Car le peuple n’a jamais autorisé à être gouverné, à être dominé à son désavantage et à son préjudice. (..).

Le peuple, en élisant ses législateurs, leur a donné une « instruction générale ». Il n’est donc pas admissible que sur une affaire comme la limitation de l’éligibilité du Président Faso, ils reçoivent quelques instructions de la part de qui que ce soit. Ils ne peuvent non plus agir de leur propre chef.

Le peuple a élu ses députés, et ceux-ci, au lieu de lui obéir, se sont mis aux ordres d’un seul. Ils ne peuvent plus prétendre représenter le peuple contre lequel ils ont tourné le dos et dont ils refusent les directives. Ils ne sont plus que les porte-parole de celui aux ordres duquel ils se sont mis. Pendant que nous y sommes pourquoi ne pas réviser l’article 81 qui fixe la durée de la législature à cinq (5) ans dans le sens d’une durée illimitée ?

Une telle perspective montre bien l’incongruité de la révision de l’article 37." 2°. On m’oppose l’article 165 de la Constitution qui dit : « Aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause :
la nature et la forme républicaine de l’Etat ;
le système multipartiste ;
l’intégrité du territoire national.

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ni poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire". Justement, parlons-en, de l’article 165.

"Il y des Blé Goudé burkinabè"

Lorsqu’on œuvre à instituer une « Monarchie » par divers artifices, ne remet-on pas en cause « la nature et la forme républicaine de l’Etat » ? Il est vrai qu’il y a des Blé Goudé burkinabè qui s’investissent à théoriser en faveur d’une telle institution. Mais réalise-ils seulement qu’ils œuvrent ce faisant à la partition de notre pays ?

Lorsqu’on refuse l’alternance, par quelque subterfuge que ce soit, ne remet-on pas en cause le « système multipartiste » de notre système démocratique ? Mais avant de tourner cette page de la décision du Conseil constitutionnel, que l’on me permette de faire observer que : « summum jus, summa injuria » (« le comble du droit est le comble du déni du droit »). En effet, poussée jusqu’à son point d’aboutissement logique, toute justice abstraite se transforme en un déni de droit, c’est-à-dire en son contraire.

Ce n’est pas moi donc qui serais malheureux, après que le Conseil constitutionnel du Burkina Faso de 2005 a dit le droit. Réclamer que le droit soit juste dans l’état actuel de notre société, c’est réclamer des choses qui n’ont de sens que dans une République démocratique à un Etat qui n’est qu’« un despotisme militaire, à armature bureaucratique et à blindage policier, avec un enjolivement de formes parlementaires », avec des mélanges d’éléments claniques-lignagers et d’influences bourgeoises.

C’est pourquoi nous avions dit en d’autres occasions : « En transportant chez nous la lettre de la loi occidentale, nos constitutionnalistes n’ont pu en transporter en même temps l’esprit qui la vivifie.

Plutôt que de copier servilement les institutions que l’Occident s’est données, il aurait fallu faire un choix raisonné en nous inspirant de celles qui nous conviennent, pour y puiser des exemples plutôt que des enseignements, pour leur emprunter les principes plutôt que la lettre de ses lois.

Certaines lois sont inadaptées non seulement à nos réalités africaines, mais aussi aux nécessités économiques dont elles se veulent l’expression politique. »

Conscient donc des limites de la démocratie bourgeoise occidentale (je ne parle même pas de la démocratie parentale, clanique et tribaliste, qui prévaut dans notre pays), pourquoi donc y prendre part ? A cela il y a quelques raisons que ne comprennent pas les partis de l’opposition extrême :

« Ce que tout le monde apprécie, ce sont les progrès réalisés dans le sens de l’édification d’un État de droit. En effet, « État de droit » signifie la fin de l’arbitraire, de l’injustice, la garantie des libertés aux individus afin qu’ils vaquent en toute quiétude à leurs occupations et s’emploient à développer leurs industries.

Nous sommes donc des démocrates. Nous aspirons à l’avènement de la démocratie véritable et nous nous y emploierons. Mais nous devons demeurer conscients qu’elle demeure encore de nos jours rien qu’une aspiration.

Tout en étant conscient des limites de la démocratie telle que pratiquée dans notre pays, il nous faudra tirer profit de toutes les possibilités qu’elle peut nous offrir pour l’implantation de notre parti et la diffusion de son programme d’action.

"Des progrès réalisés dans l’édification d’un Etat de droit"

La démocratie plébiscitaire en œuvre dans notre pays et dans les autres pays en Afrique n’est que formelle. Les institutions politiques mises en place ne peuvent en aucun cas nous faire nous méprendre sur la nature réelle des régimes en place. Ce sont des « démocraties dictatoriales ».

« La démocratie du type occidental, c’est-à-dire le libéralisme politique, est un pendant nécessaire au libéralisme économique. Elle prône le suffrage universel, lutte pour la défense des droits de l’homme, que les dictatures bafouent et pour l’édification d’un État de droit.

C’est dans l’application de toutes ces notions que l’on démasque l’hypocrisie qui les entoure. Il y a une correspondance nécessaire entre l’infrastructure et la superstructure, entre l’économique et le politique. Et c’est la relation dialectique entre ces deux instances qui, au cours du temps, a abouti à l’équilibre actuel dans les pays occidentaux, entre les institutions politiques et les structures économiques et qui forme le système qu’il est convenu d’appeler démocratie occidentale ou démocratie tout court.

Telle forme politique ne peut coexister qu’avec telle base économique. Il s’en suit que le degré de préparation d’un peuple à une démocratie véritable, à une démocratie qui n’est pas un leurre dépend du degré de son développement économique.

On ne saurait par conséquent procéder à une simple transplantation des institutions démocratiques du type plébiscitaire dans des pays comme le nôtre, où le libéralisme économique est à ses balbutiements pour ne pas dire y est perverti.

Les constitutions des peuples d’Occident ne peuvent être prises pour les modèles les plus élevés. Elles ne sont pas non plus en la matière le dernier principe de constitution, celui de notre époque. Autrement dit, nous sommes loin de croire que l’Occident a trouvé la seule forme de gouvernement que puisse se donner la démocratie.

Il est possible de concevoir un peuple démocratique organisé d’une autre manière que les peuples occidentaux. Il suffit pour ce faire d’oser inventer. C’est pourquoi nous ambitionnons de concevoir, en partant des particularités historiques de notre peuple, une démocratie autre qui pourra servir d’exemple aux autres nations.

On ne saurait copier servilement les institutions que l’Occident s’est données. Il faut chercher plutôt à les comprendre pour y puiser des enseignements utiles. On peut emprunter aux démocraties occidentales des principes mais non des lois. Car ces lois sont taillées à la mesure de l’Occident. En transportant chez nous la lettre de la loi occidentale, nos constitutionnalistes n’ont pu en transporter en même temps l’esprit qui la vivifie.

Plutôt que de copier servilement les institutions que l’Occident s’est données, il aurait fallu faire un choix raisonné en nous inspirant de celles qui nous conviennent, pour y puiser des exemples plutôt que des enseignements, pour leur emprunter les principes plutôt que la lettre de ses lois.

Certaines lois sont inadaptées non seulement à nos réalités africaines mais aussi aux nécessités économiques dont elles se veulent l’expression politique. Ce que tout le monde apprécie, ce sont les progrès réalisés dans le sens de l’édification d’un État de droit. En effet « État de droit » signifie la fin de l’arbitraire, de l’injustice, la garantie des libertés aux individus afin qu’ils vaquent en toute quiétude à leurs occupations et s’emploient à développer leurs industries.

"Hé Blaise" !

Nous sommes donc des démocrates. Nous aspirons à l’avènement de la démocratie véritable et nous nous y emploierons. Mais nous devons demeurer conscients qu’elle demeure encore de nos jours rien qu’une aspiration.

Tout en étant conscient des limites de la démocratie telle que pratiquée dans notre pays, il nous faudra tirer profit de toutes les possibilités qu’elle peut nous offrir pour l’implantation de notre parti et la diffusion de son programme d’action.

La démocratie plébiscitaire, en œuvre dans notre pays et dans les autres pays en Afrique, n’est que formelle. Les institutions politiques mises en place ne peuvent en aucun cas nous faire nous méprendre sur la nature réelle des régimes en place. Ce sont des « démocraties dictatoriales ». A quoi ça sert de continuer d’épiloguer. Le « Droit a été dit » et dans des termes qui ne pouvaient être autres.

Mais il faut que l’on sache : Les sycophantes sont de tous les temps et de tous les pays. Mais ce n’est point eux qui feront progresser l’esprit humain. Ceux qui l’ont fait progresser jusqu’à présent se sont préoccupés de la vérité, non de l’intérêt des puissants du moment.

Mieux vaut être un amoureux de la vérité « malheureux » tel Socrate qu’un pourceau bienheureux, serein et déterminé dans la flagornerie. L’imbécile heureux peut-il soupçonner un seul instant que qui augmente sa connaissance augmente en même temps ses possibilités de souffrir ?

Aussi, bien heureux les simples d’esprit. (Je procède à la lecture de ce sermon au premier degré, celui du profane) Blaise Compaoré possède, à n’en pas douter, des « Amis », mais ils se comptent au nombre de ceux que la nécessité économique place réellement au service de ses coffres-forts.

Mais qu’arrivent les moments du danger, et sans surprise on les verra se renier aussi naturellement qu’ils étaient à louer sans vergogne. Dans le film « Mobutu, Roi du Zaïre », on a vu avec écœurement son ministre de l’information, qui était un des zélateurs (parmi ses laquais) des frasques de Mobutu, se transformer en accusateur public de celui qu’il adulait. On eût envie de vomir.

J’avoue avoir éprouvé de la sympathie pour Mobutu en écoutant ce Ministre [qui appartient à la race des vermines] témoigner contre lui. Hé Blaise ! il faut faire attention à des slogans du genre : « Si on n’a pas de pétrole, on a Blaise Compaoré ». Ça, c’est pour blaguer tuer, comme dirait l’homme de la rue. Ce sont ces mêmes zélateurs qui seront parmi les premiers à te jeter la pierre, les jours de détresse. Ça n’arrive pas qu’aux autres ! _2. De l’attitude des partis politiques de l’opposition vis-à-vis de la décision du conseil constitutionnel

Venons-en maintenant, comme promis, à l’attitude des partis politiques de l’opposition qui ont dénoncé la candidature de Blaise Compaoré comme étant « illégale et illégitime ». Maintenant que les divers recours ont été rejetés, on n’aurait pu s’attendre, que pour demeurer conséquents, ils décident comme l’a fait le Président de l’UNDD, Me Hermann Yaméogo, de refuser de prendre part à l’élection présidentielle.

Mais paradoxalement, M. Philippe Ouédraogo (candidat du PDS), Me Bénéwendé Sankara (Président de l’UNIR/MS) et M. Ali Lankoandé (Président du PDP/PS), décident, contre toute attente, de maintenir leur candidature.

Nous nous intéressons à ces trois candidatures, parce qu’elles seules pourraient être considérées comme au-dessus de tout soupçon (au regard des révélations de Laurent Bado) et que leur non-participation pourrait décrédibiliser la présente élection présidentielle.

En effet, on ne saurait soupçonner ces personnalités d’avoir cherché à faire un « deal » (pour une dizaine de millions de francs pour le financement des candidats).

Encore moins, on ne saurait leur faire l’injure de dire qu’ils sont des « candidats accompagnateurs », soudoyés par Blaise Compaoré pour l’accréditer. A ce propos, la prétendue liste de Laurent Bado se fait toujours attendre. Mais d’ores et déjà, il y a lieu de dire que cette liste ne peut être crédible, pour qui connaît les méthodes des hommes du pouvoir. Ils ont abusé de l’ingénuité (comment s’exprimer autrement pour ne pas être cruel) de Laurent Bado pour l’amener dans une position inconfortable.

Je ne soutiens pas qu’il n’y a pas des gens qui ont émargé pour faire le nombre à l’élection présidentielle, mais seulement qu’il faut être très circonspect quand l’on cherche à jeter l’opprobre sur certaines personnes. Cela dit, ces candidats ne pourront convaincre personne qu’ils vont à l’élection pour donner le change à Blaise Compaoré.

Les jeux sont faits. Pour parler le langage des parieurs du PMUB (qu’on ne voit là aucune insulte), le cheval entrant est connu : c’est Blaise Compaoré. Maintenant il reste à faire le classement des « tocards » en lice.

C’est dire donc, que les uns et les autres partent à cette élection pour être le premier, deuxième, troisième, etc. « tocard » et ce, avec un score très loin derrière le « cheval gagnant ». Pourquoi donc, sachant cela, des hommes aussi intelligents persistent-ils à prendre part à une course dont le résultat est connu d’avance, parce que toutes les combines ont été mises en place et les moyens mobilisés à cette fin ?

Examinons les arguments susceptibles de justifier une telle participation. 1°. On ne part pas aux élections pour forcément gagner. C’est l’occasion pour faire connaître son programme et une tribune pour faire le procès du régime.

2°. Les boycotts justifiés (les conditions n’étant pas remplies) des diverses présidentielles dont celle de 1998, ont semé quelque peu le désarroi dans la conscience des électeurs et ont porté un coup à l’audience des partis politiques de l’opposition.

3°. Il faut tenir compte de l’opinion internationale, qui finira à ne plus considérer une opposition qui brille par son absentéisme aux consultations électorales.

4°. Etc. Voilà autant d’arguments auxquels j’ai eu moi-même recours dans mon article « Les deux flèches dans le carquois du collectif » (In « L’Observateur Paalga », n° 5067 et « Le Pays », n° 2052, du 10 janvier 2000) pour inviter les partis politiques de l’opposition à prendre part aux élections municipales de 2000. Et cependant aujourd’hui, face à la présente élection présidentielle, je me déclare être de ceux qui préconise le boycott. Opportunisme ? Virevolte de position ? Que nenni !

"Les juristes de service"

La vérité est toujours concrète. Elle n’est jamais la même indépendamment des situations. En dialectique, on dira que la vérité est relative, jamais absolue. La présente élection s’organise dans une situation totalement différente et les enjeux sont aussi différents.

Passons sur les conditions de transparence et d’équité qui ne seraient pas réunies. Elles ne le seront jamais. Aujourd’hui la dispute porte sur la violation ou la non-violation de la constitution. Or, la Constitution considère comme des « crimes les plus graves commis à l’encontre du peuple », la « trahison de la Patrie » et « l’atteinte à la Constitution » (Article 166).

Les candidats sus-cités ont-ils mesuré la portée de leur acte d’accusation, en déclarant la candidature de Blaise Compaoré « illégale et illégitime » du fait de l’atteinte à la Constitution, qui autorise cette candidature ?

En faisant fi de cette atteinte et en prenant une part active à cette élection, ne sont-ils pas les complices du crime perpétré ? Qu’est-ce qui désormais les distinguera des candidats accompagnateurs et autres « dealer électoraux » ?

Ils ne sauraient prétextés avoir été convaincus par les arrêts du Conseil constitutionnel. Au contraire ils ont affirmé être en désaccord avec ces arrêts. Alors ? Quant à l’argument du déroutement des électeurs par le boycott, il ne tient que s’il s’agit d’un boycott passif. Un boycott actif, c’est-à-dire, la présence effective des partis sur le terrain, pour maintenir mobiliser leurs base, est la réponse à cet inconvénient.

Enfin, à propos de l’opinion internationale dont il faut tenir compte, il y a lieu de faire savoir à cette opinion, à ces donneurs de leçons des pays occidentaux et des instances comme l’Union africaine (faisant la preuve de jour en jour qu’elle n’est qu’un syndicat des chefs d’État comme la défunte OUA qui l’a précédée), qu’il ne saurait être question de démocratie lorsqu’on laisse la liberté aux pouvoirs en place de triturer à leur guise la Constitution et vouloir en même temps que l’opposition se soumette à ce simulacre de démocratie.

Voilà brièvement examinés (question de place) les arguments qui pouvaient militer en faveur d’une participation, à la présente élection, d’opposants qui se veulent défenseurs de la liberté du peuple. Par contre les arguments que l’on est à même d’avancer pour une abstention à cette élection, l’emportent nettement sur ceux en leur faveur :

1°. Blaise Compaoré est conscient, malgré l’agitation fébrile de ces juristes de service, que sa candidature est illégale. C’est pourquoi, il a mobilisé toute l’armada pour une victoire écrasante lui conférant ainsi la légitimité.

En participant à l’élection, les candidats de l’opposition participent à cette légitimation et par elle le dossier de l’illégalité se voit sanctionné par la forclusion et pour le prochain mandat de cinq ans et pour le suivant et pour toute autre révision de l’article 37, lui permettant de se présenter autant de fois qu’il le voudra. Telle sera la conséquence de la participation de nos candidats de l’opposition.

"La dictature de la majorité"

2°. Nous évoluons inexorablement vers la situation qui a prévalu à la veille de l’assassinat de Norbert Zongo. Cette situation se caractérisait par le fait que tous les partis politiques d’opposition avaient été laminés et n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Le parti-Etat, dans son « tug-jili », n’avait laissé aucune perspective d’avenir aux opposants.

C’est la réédition de cette situation qui débute avec la révision du code électoral et qui sera consacrée avec l’élection de Blaise Compaoré. Les élections municipales et législatives qui suivront immédiatement consacreront la dictature de la « majorité ». Le parti majoritaire a annoncé qu’il faudrait désormais des conseils municipaux avec des majorités confortables.

Dans la future assemblée, l’opposition ne pourra occuper plus de cinq sièges. Seuls ceux d’entre les opposants qui ont un fief électoral incontestable (comme le Boussouma) seront présents à l’hémicycle. Le fait que j’annonce la physionomie future des choses ne changera rien à l’affaire. Les hommes du pouvoir sont comme entraînés à leur corps défendant par une logique implacable.

Et puis, il y a le fait que la mouvance présidentielle s’est élargie, grandement élargie. Blaise a ratissé large. Il va bien falloir récompenser tout ce monde qui aura contribué à assurer sa victoire éclatante (entre 70% et 94 % au premier tour. La marge a été déterminée. On aurait voulu 99,99% que l’on aurait pu.) Les strapontins (à l’hémicycle et au sein des mairies) ne suffiront pas à cette fin, pour qu’on fasse une place à l’opposition.

L’opposition ne devra plus s’attendre à ce qu’un autre Norbert Zongo s’offre en holocauste, pour espérer un changement. Le pouvoir lui aussi tire des leçons. 3°- Par leur légitimation de l’élection de Blaise Compaoré, les partis d’opposition auront perdu l’initiative dans leurs luttes futures. Blaise Compaoré pourra gérer tranquillement le pays, jusqu’à ce qu’il décide de lui-même de se retirer.

Or, il est un fait, prouvé par maintes exemples et qui peut être érigé comme une loi : l’autocratie conduit nécessairement au chaos. Tous les autocrates de tous les pays et de tous les temps sont animés d’une même logique : « après moi, le déluge ».

Voyez ! Si les Ivoiriens ne réussissent pas à trouver la voie de sortie de la crise qui secoue depuis leur pays, c’est parce qu’aucun des protagonistes n’a suffisamment analysé la cause profonde de cette crises : le système autocratique d’Houphouët-Boigny. Même après sa disparition, Il continue de régner sur leur esprit et l’opposant le plus radical de son vivant, Laurent Gagbo lui-même, n’y échappe pas.

4°- Si les autres candidats d’Alternance 2005 en plus de celui du PDP/PS s’étaient joints à Me Hermann Yaméogo, le prochain mandat de Blaise Compaoré ne serait pas de tout repos. Le mot d’ordre de désobéissance civile aurait pu constituer le programme d’action durant ce mandant. Car après les euphories de l’élection, tous ces « mangeurs » seront réveillés à leur triste sort, confrontés à la dure réalité de la misère de notre pays.

Aujourd’hui, attirés par l’appât du gain, ils n’ont point d’oreilles. Aujourd’hui tous ces loubards qui plastronnent dans les salons des grands du CDP n’y auront plus bientôt accès. Bientôt les numéros de cellulaires de ces grands vont changer. Ils seront inaccessibles. Au Burkina Faso ici, la vie est dure. Et cette période d’élection ne pourra pas gommer cette dure réalité. Bientôt les crises sociales, économiques, scolaires vont reprendre de plus belle. Quel est le parti qui sera à même de canaliser ce flot de mécontentement ?

C’est cette initiative de la lutte que les partis de l’opposition ont troquée contre leur participation à l’élection. Demain, ils ne pourront plus être crédible pour diriger la lutte de notre peuple. En sont-ils seulement conscients ? Blaise Compaoré a de longs jours devant lui avec une telle opposition. Etc. Il me faut me limiter.

Chaquepeuple mérite le gouvernement qu’il a

Hermann Yaméogo est celui-là qui a su tirer les conséquences de ses prises de positions. Qu’importe qu’il soit incompris aujourd’hui. Mais demain lui donnera raison.

A peine a-t-il exercé le droit que lui confère la Constitution en tant que citoyen, sans que la Télévision nationale l’ait approché, qu’elle diffuse des propos tenus par des irresponsables, que seule la nécessité économique commet à la besogne, le taxant de criminel.

Ce que cela prouve, c’est que les hommes du pouvoir ont perdu leur contrôle à la déclaration de Hermann Yaméogo de se retirer de la compétition. Ils n’ont plus la maîtrise d’eux-mêmes, pour autoriser une tel débordement.

C’est le lieu de souligner qu’il n’y a pas longtemps, un membre influent du CDP, membre de l’équipe de campagne de Blaise Compaoré, chef adjoint du Département communication et thème, Basile Laetare Guissou, a eu à tenir des propos déroutants pour un « Blaisiste » (le terme est de son cru), à travers le quotidien d’État « Sidwaya », sans que cela provoque quelque réaction. Que l’on lise un peu :

Question du journal : Ne croyez-vous donc pas à la démocratie ?

Basile Guissou : Je n’y crois pas. Je crois à la révolution démocratique et populaire.

Question du journal : Est-ce que vous pensez comme Balla Kéita qu’un bout de papier n’a jamais élu un président en Afrique ?

Basile Guissou : Je ne suis pas l’étudiant de Balla Kéita. Je suis un révolutionnaire qui pense que le pouvoir est au bout du fusil.

De tels propos venant de moi ou d’un sankariste bon teint seraient pour le moins surprenants. On a vu dans ce pays condamner des gens pour un « putsch » qui n’a pas eu un début d’exécution. Venant de la part d’un « Blaisiste » ! Comprenne qui pourra. Y a-t-il meilleur aveu que nous subissons au Burkina Faso la dictature d’un despotisme militaire et que pour s’en libérer, la seule voie, c’est de recourir aux armes ?

Hermann Yaméogo quant à lui prône la désobéissance civile (ce que lui reconnaît la Constitution) par « une contre-campagne pacifique ». Et le voilà déjà taxé de « criminel ». Les jours qui suivent, la liste des qualificatifs s’allongera à n’en pas douter. Dans quelle démocratie sommes-nous ? Je vous le demande.

En vérité, en vérité je vous le dis, si après l’élection de Blaise Compaoré (puisque ce n’est qu’une simple formalité à remplir), le pays devait continuer à être gouverné comme il l’a été jusque-là (mais peut-il véritablement opérer un changement ?), nous courrons tout droit vers la catastrophe imminente. Et nous serons tous tenus pour responsables, que ce soit le paysan de Matiacoli, les 16 sages du Collège (qui garde un silence que je n’ose pas caractériser), ou le candidat « tocard » le mieux côté, les intellectuels pantouflards, etc.._ Chaque peuple mérite le gouvernement qu’il a. Comme le disait ce philosophe : "Personne ne me forcera à dire le contraire de ce que je pense, mais je ne me résous point à dire tout ce que je pense." Dixi et salvavi animam mean ! (J’ai dit ce que j’avais à dire ; ma conscience est en paix). Ceux qui ont des oreilles pour entendre et un cerveau pour penser....

Valère D. Somé

Chargé de recherche

INSS -CNRST

Ouagadougou

NB : La deuxième partie est à lire dans une de nos prochaines éditions

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?